Le baptême dans l'Esprit TRADITION DU NOUVEAU TESTAMENT ET VIE DE L'ÉGLISE Quan

Le baptême dans l'Esprit TRADITION DU NOUVEAU TESTAMENT ET VIE DE L'ÉGLISE Quand Jean-Baptiste parlait de celui qui allait venir après lui, il annonçait entre autres choses à ses auditeurs : « Celui-là vous baptisera avec l'Esprit Saint et le feu » (Mt 3, llb). Depuis environ un siècle et demi les termes de cette prophétie ont bénéficié d'un intérêt privilégié dans divers milieux chrétiens. Ces mots avaient été mis à profit, dans une mesure limitée, par certains disciples et collaborateurs de John Wesley ; ils ont fourni une partie du message répandu par le Mouvement pour la Sainteté en Angleterre et aux Etats-Unis. Dans la suite la montée du mouvement pente- côtiste conféra à ces paroles un relief plus singulier et une conno- tation très spécifique. Plus récemment, la présence du Renouveau Charismatique dans presque toutes les grandes dénominations chré- tiennes a donné à la formule une importance nouvelle. Le présent essai se propose de préciser autant que possible le sens que la prophétie du Baptiste avait pour lui-même et pour ses auditeurs immédiats, puis celui qu'elle prit dans les diverses tra- ditions néotestamentaires. Nous serons dès lors en mesure de juger dans quelle mesure il existe une continuité entre l'emploi que le Nouveau Testament fit de cette prophétie et la manière moderne de comprendre ce que signifie « être baptisé dans l'Esprit Saint ». Nous procéderons donc en deux étapes : une analyse de la prophé- tie elle-même de Jean-Baptiste, puis une étude de son emploi dans les traditions du Nouveau Testament. Nous conclurons par quel- ques réflexions sur la présence, dans l'Eglise d'aujourd'hui, de la grâce qu'on appelle « Baptême dans l'Esprit Saint ». I. — Le sens de la prophétie de Jean-Baptiste (Mt 3, 11 ; Me 1, 7-8 ; Le 3, 16 ; Jn 1, 27) Le message proclamé par Jean-Baptiste se référait à la parole que le Seigneur avait adressée à Israël par les prophètes antérieurs. 24 FR. MARTIN La brève série de cinq ou six déclarations que nous a conservées la tradition commune à Matthieu et à Luc (Mt 3,7-12 ; Le 3, 7-9.15-18) parlent de l'approche d'un jugement. Ce sera un jugement de condamnation pour ceux qui persévèrent dans leur péché et un jugement de purification, avec la bénédiction qui doit s'ensuivre, pour ceux qui se convertissent au Seigneur. A ceux qui répondaient à sa prédication, Jean demandait de se soumettre à un rite de purification qu'il considérait comme un symbole prolep- tique, anticipant et exprimant la purification et les bénédictions attendues de celui qui devait venir après lui. Les commentateurs ont remarqué que la prédication de Jean adopte une sorte de style anthologique qui emploie en les transposant des motifs empruntés aux prophéties canoniques '. Dans la quatrième déclaration de la série figurent deux asser- tions qui se présentent de différentes façons : ou bien l'une est intercalée dans l'autre {Mt et Le), ou bien elles sont juxtaposées {Me) ou bien on les trouve séparées l'une de l'autre (Jn). L'affir- mation par laquelle Jean se déclare indigne de porter ou de déta- cher la (les) sandale(s) de celui qui doit venir est pour le Baptiste une manière allusive de se situer comme n'étant ni le rival ni le remplaçant du Messie-Epoux, mais plutôt comme son ami2. L'autre affirmation établit un contraste entre ce que fait Jean quand il engage les gens à exprimer leur repentir en recevant un baptême de ses mains et, d'autre part, ce que le personnage plus puissant qui va venir accomplira en les baptisant dans l'Esprit Saint et le feu. C'est cette dernière prédiction qui va retenir notre attention. Il semble assez clair que Jean montrait un contraste entre le rituel auquel le terme de « baptiser » s'appliquait littéralement et l'oeuvre de jugement et de purification de celui qui viendrait après 1. Voir, en plus des commentaires, M.-A. CIIEVAMJEB, Souffle de Dieu, ooll. Le point théologique, 26, Paris, Beauchesne, 1978, p. 91 ss ; J.D.G. DUNN, Baptism in thé Holy Spirit, coll. Studies in Bibl. TheoL, 2 ser., 15, London, SCM Press, 1970, p. 8 ss ; ID., Thé Birth of a Metaphor — Baptized in Spirit, dans ExpT 89 (1978) 134-138 ; 173-175. Cette seconde étude de Dunn est à ma connaissance la première à développer largement l'idée que la terminologie du Baptiste est métaphorique. Dans les travaux de Chevallier et de Dunn on trouve une bibliographie complète des études antérieures à 1978. 2. P. PBOTILX & L. AWNSO SCHÔKEL, Las Sandalias dei Mesîctë Esposo, dan» Bih 69 (1978) 1-37. LE BAPTÊME DANS L'ESPRIT 25 lui, œuvre qu'on pouvait, de façon juste encore que métaphori- que, désigner comme une action consistant à « baptiser », comme une « immersion dans », un « lavage » ou un « bain ». Dans la langue grecque de l'époque, haptizein/baptizesthai s'employait en ce sens métaphorique, spécialement avec l'idée d'une souffrance ou d'une tristesse dans laquelle on est plongé ou par laquelle on est submergé3. Bien qu'on ne sache pas si les termes hébraïques ou araméens liés aux racines tbi, tms, s h" étaient employés dans un sens métaphorique, on pouvait et l'on peut saisir aisément le point de comparaison. La formulation de la prophétie telle qu'elle nous a été transmise par la tradition « Q » est le plus probablement celle où Jean lui- même s'est exprimé. Le mot « feu » apparaît dans deux autres pro- pos attribués au Baptiste (Mt 3, 10.12 par.) et il correspond bien au ton qui caractérise ce que nous savons de sa prédication, le ton de l'annonce d'un jugement et d'une promesse de purification. Que l'emploi ultérieur de la prophétie dans le Nouveau Testament (y compris Luc dans les Actes) ait concentré et transposé les thè- mes de jugement, de purification et de bénédiction dans le vocable unique d'« Esprit », c'est une hypothèse plus probable que celle selon laquelle la tradition Q aurait amplifié elle-même les paroles du Baptiste pour inclure une image qui n'est employée qu'une fois ailleurs (Le 12, 49) en relation avec la mission de Jésus. Pour répondre aux quelques commentateurs qui voient dans le mot « Esprit » une interpolation chrétienne, on remarque d'ordinaire que Qumran avait déjà employé ruah d'une façon similaire, en faisant parfois allusion, comme nous le verrons, à certains des tex- tes de l'Ancien Testament auxquels Jean-Baptise se référait. On peut en dire autant de l'épithète « saint » appliquée à l'Esprit. Toutes les données tendent à confirmer que l'expression « bap- tiser avec/dans (l')Esprit Saint et le feu » est originale chez Jean. On est là en présence d'une image riche et ambiguë, évoquant des expressions et des thèmes divers qui appartenaient à la tradition antérieure et qui parlaient de châtiment, de purification et, dans une tradition plus tardive, de bénédiction. Ainsi esprit (ruah} et feu peuvent se combiner dans une imagerie « liquide » pour parler d'un châtiment à venir : « Ses lèvres sont pleines de fureur, sa 3. Voir dana TWNI 1 . p. 630. l'article ïaatô de OEPXX. 26 FR. MARTIN langue est un feu dévorant ; son souffle (ruah) comme un torrent débordé qui monte jusqu'au cou... » (Is 30, 27 ; pareillement en Is 30, 33 ; PS 11, 6 ; 4 Esdr 13,10-11 ; Gen R 83, 5). C'est le même assemblage qui est employé pour décrire l'action purifica- trice de Dieu : « Quand Yaweh aura lavé les souillures des filles de Sion et purifié Jérusalem du sang par le souffle du jugement et le souffle de combustion... » (Is 4,4). Le feu est naturellement une image-type pour exprimer l'action punitive de Dieu : « et le jour qui vient les brûlera, dit Yaweh des armées, ne leur laissant ni racines ni branches » (Mî 3, 19 ; pareillement Am 7, 4 ; Is 66,15-16 ; etc.) Les deux aspects de châtiment et de purification se présentent également en connexion avec l'Esprit du Seigneur, sans aucune allusion au feu. Le Rejeton qui doit naître de Jessé « frappera la terre de la verge de sa bouche, et du souffle (ruah) de ses lèvres il tuera le méchant » (Is 11,4). (La bénédiction adressée au Prince de la Communauté de Qumran rappelle ce texte : iQSb 5, 24.) Cependant c'est la promesse de purification et de la bénédiction qui la suivra que mettent le plus en relief les textes qui parlent de « répandre » l'esprit du Seigneur sur le peuple ou de l'en « asper- ger ». Le premier emploi de cette image se trouve le plus pro- bablement en Ez 39,29 : « Je ne leur cacherai plus ma face, parce que j'ai répandu (spk) mon Esprit sur la maison d'Israël — oracle du Seigneur Dieu. » Ces mots où s'exprime une promesse de restauration concluent un oracle d'une façon qui est bien iden- tique à la manière dont une promesse semblable se conclut en Ez 37, 14 : « Je mettrai mon Esprit en vous. » Parole qui à son tour uploads/Religion/ fr-martin-le-bapteme-dans-l-x27-esprit-tradition-du-nouveau-testament.pdf

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  • Publié le Mar 15, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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