1 LA PENSÉE CATHOLIQUE. CAHIERS DE SYNTHÈSE. N° 104-105, pp. 100-113, Paris, Ed
1 LA PENSÉE CATHOLIQUE. CAHIERS DE SYNTHÈSE. N° 104-105, pp. 100-113, Paris, Editions du Cèdre, 1966. ACTUALITÉS Ils n'avaient pas compris toute l'importance de Benamozegh et pourtant ils n'en étaient pas loin. L-H R. LA FRANC-MAÇONNERIE "RÉGULIÈRE" EST-ELLE UNE MAÇONNERIE DES "CROYANTS"? Bien que la Franc-Maçonnerie, sans distinction de "Rites" ou d'Obédiences ait été condamnée solennellement à maintes reprises par le Siège Romain, depuis 1738, il est de mode, depuis quelques années, dans certains milieux ca- tholiques, de marquer avec insistance la distinction qu'il y aurait lieu de faire entre la bonne et la mauvaise Maçonnerie. La bonne Maçonnerie, c'est la Maçonnerie "régulière", c'est-à-dire celle de la Grande Loge Unie d'Angleterre et des Obédiences "reconnues" par elle : la Franc-Maçonnerie des Etats-Unis d'Amérique, d'Allemagne, d'Autriche, des Pays- Bas, des pays scandinaves, et, en France, la Grande Loge Nationale Française (Neuilly). La mauvaise Maçonnerie, la Maçonnerie "irrégulière", c'est celle qui ne jouit pas de la reconnaissance de Londres c'est le Grand Orient et la Grande Loge de France, les Maçonneries italienne, ibériques (en "exil"), sud-américaines, le Grand Orient de Belgique et les Obédiences féminines ou mixtes. Comment, dès l'abord, ne serait-on pas choqué en voyant des écrivains catholiques reprendre à leur compte cette notion de "régularité", comme d'une manière d' "orthodoxie", dont le brevet est délivré par cet organisme excommunié qu'est la Grande Loge Unie d'Angleterre, et qui serait de nature à rendre caduque ou injuste la condamnation Romaine On peut penser ici par exemple à des artisans d'une très grande diffusion de cette thèse tels que M. Alec Mellor dès son livre La franc-maçonnerie à l'heure du choix (Mame, 1963), ou au R.-P. Riquet qui en reprenant la même terminologie, ne fait jamais la moindre réserve sur cette "régularité" (Figaro du 2 octobre 1961 ; Documentation catholique du 4 mars 1962). On est même choqué au point qu'on peut en venir à se demander, si quelque donnée substantielle et nouvelle n'a pas vraiment touché ou frôlé le fond de la question ; et dès lors la justice, c'est-à-dire la charité éclairée, oblige à y re- garder d'un peu près. C'est un domaine où la production des preuves est normalement malaisée et où l'intuition peut être en défaut, en exposant au discrédit sur tel ou tel point une critique dont l'ensemble pâtira autant que ses parties invulnérables. Lorsque paraît en effet du côté de la Tradition un exposé sans failles, c'est un grand silence ; mais à la moindre faiblesse c'est la curée ; et cela dans l'Eglise même de nos jours. Certes la défense catholique s'est parfois avancée dans des reconstitutions fragiles touchant les "supérieurs incon- nus", par exemple ; en donnant entre autres à l'occultisme proprement dit une importance à cet égard bien improbable : si la mentalité occultiste est assez courante dans les sociétés "de pensée" modernes, elle semble y jouer un rôle d'ac- compagnement plus que de direction des efforts psychiques, en leur fournissant notamment des dérivatifs individuels et des ballons d'essai. N'y aurait-il pas des points importants sur lesquels il serait possible d'apporter des précisions, elles-mêmes impor- tantes, en s'appuyant, selon la "méthode historique", en si grande faveur ailleurs, sur des textes incontestables et incontestés des intéressés eux-mêmes ? En particulier dans cette rencontre n'est-il pas possible de démontrer sur pièces que des auteurs catholiques qui se sont institués les défenseurs d'une "bonne" maçonnerie, la "régulière", ont été dupes - en laissant totale- ment excluse la question de savoir si c'est par surprise ou par complicité bien entendu C'est le but limité mais précis de cet examen, à partir de l'étude des différentes "constitutions" maçonniques, con- nues et reconnues. Il n'est assurément pas suffisant de parcourir ces textes, comme une quelconque plaidoirie ou ho- mélie ; il faut lire ; il faut traduire ; et ne pas refuser le sens qui s'impose. Nous ne sommes pas, dans cette recherche, conviés à éclairer quelque séduisante préoccupation d'archiviste hono- rable et désœuvré, mais bel et bien le contenu spirituel d'une proposition religieuse qui touche au vif la foi catholique, apostolique et romaine. LE SUBTERFUGE GROSSIER Rapportons nous d'abord à ce que peuvent dire les francs-maçons eux-mêmes de leur régularité dans cette cam- pagne, en écoutant un "Maçon régulier", M. Jean Baylot, qui nous définit la "Maçonnerie régulière", "celle qui peut vala- blement se réclamer d'un Ordre, conçu à un moment de l'histoire, cette validité se fondant sur la fidélité aux principes et aux règles édictées par les fondateurs". (Cette citation et les suivantes du même auteur sont tirées de son livre Dossier français de la Maçonnerie régulière, Paris, Vitiano, 1965). Quels sont ces fondateurs ? "La filiation (de la Maçonnerie spéculative), à partir des corporations de bâtisseurs par agrégation de membres non professionnels dits "acceptés" ne rencontre plus d'objections... "L'ensemble des documents désignés sous le terme général de Constitutions Gothiques, révèle les Old Charges, les "vieux Devoirs". "Là est la source spirituelle à laquelle il faut remonter pour rétablir dans son lit authentique le cours de la Franc- Maçonnerie au cours des siècles. Ces définitions irréfragables sont les principes originels de l'Ordre, ceux qui motivè- rent le tout premier groupement de ses fondateurs, et comme pour tout Ordre, composent le contenu doctrinal transmis- sible par l'initiation et, par définition, intangible. C'est de ces règles que sont issus les landmarks". Les landmarks sont, dans la Maçonnerie anglaise, les "bornes" au-delà desquelles il n'y a plus de Maçonnerie. Pour nous les faire connaître, on pourrait s'attendre à ce que l'auteur nous mette sous les yeux quelques textes des "Consti- 2 tutions gothiques". Sautant par dessus un demi millénaire, il préfère consulter les Maçons américains et anglais du XIXè siècle pour constater que ceux-ci ne sont pas d'accord sur le nombre et la teneur des landmarks, mais qu'il est cepen- dant quelques prescriptions qu'on retrouve dans toutes les listes, notamment celle-ci que M. Baylot considère comme l'obligation fondamentale du Maçon : la croyance en l'existence de Dieu. En cela réside l'essence même de l' "ortho- doxie maçonnique", de la "régularité". Or, la Maçonnerie anglaise ne s'en est jamais écartée C. Q. F. D. Ici on se frotte les yeux, et on a raison, car on vient d'assister à un tour de passe-passe. Puisqu'on reconnaissait que la source spirituelle connue était dans les vieux Devoirs, c'est-à-dire dans les règles écrites remontant au début du XVè siècle et peut-être à la fin du XIVè, la seule façon de prouver la régularité de la Ma- çonnerie anglaise moderne eût été de montrer par des textes incontestables que, du début du XVè siècle jusqu'à nos jours, l'engagement maçonnique était demeuré invariable. Cela, la chose est notoire, était impossible, et l'on ne tardera pas ici même à s'en rendre compte. Alors, l'escamotage consiste en ceci : au lieu d'aligner honnêtement les unes au-dessous des autres, les différentes formulations connues par lesquelles s'est exprimée au cours des temps la croyance religieuse exigée des Maçons à chaque époque, ce qui aurait fait apparaître une succession d'obligations entièrement différentes les unes des autres, on a commencé par tenir pour acquise cette fidélité qu'il s'agissait de prouver, puis on s'est demandé ce qui pouvait bien être commun à toutes les obligations énoncées dans les différents statuts, règlements et constitutions depuis les plus anciennes Old Charges jusqu'à nos jours. Là, on a constaté que toutes les obligations connues en Grande-Bretagne comme en Allemagne (sous réserve d'une exception dont on reparlera plus loin) impliquaient au moins la croyance en l'existence de Dieu, et c'est cette croyance, c'est ce "moins" qu'on a érigé en critère de l'orthodoxie maçonnique, en pierre de touche de la régularité, et dont le contenu est tellement vague que nulle obligation proprement religieuse n'en découle et que l'affaire n'intéresse plus que le secret des cœurs. C'est cette "régularité" qu'acceptent, que cautionnent maintenant des publicistes catholiques, voire des religieux, dont on souhaiterait plus évidente l'excuse de l'ignorance, puisque les textes qui s'inscrivent en faux contre les préten- tions des Maçons "réguliers" sont bien établis, et bien plus importants que les petites découvertes historiques dont ils se piquent. Remontons à "l'origine" de la Maçonnerie, c'est-à-dire aux plus anciens documents qui nous soient parvenus, puis nous redescendrons le cours des siècles . * * * Le plus ancien document maçonnique, connu comme le Regius Mss ou encore Poème maçonnique (fin XIVè siècle ou début du XVè), formule ainsi le premier des 15 points : "Tout Maçon doit aimer Dieu et la Sainte Eglise, et aussi son Maître et ses Compagnons". Plus loin, les Maçons prient Dieu le Tout-Puissant et sa douce mère Marie de leur donner la faculté de respecter les articles et les points comme l'ont fait les quatre saints martyrs qui sont l'honneur de la corpo- ration (les quatre Saints couronnés) (Introduction de Mgr Jouin au Livre des Constitutions Maçonniques, Paris, 1930). Dans le Manuscrit Cooke (1410), il est dit du Maçon : "Son premier et principal devoir est d'aimer Dieu, la Sainte Eglise et tous les Saints" (Cité par A. Mellor dans La charte inconnue de la Franc-Maçonnerie chrétienne, uploads/Religion/ la-fm-et-benamozegh-6p 1 .pdf
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- Publié le Oct 21, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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