Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France

Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale Le sanctuaire paléo-chrétien de la Daurade de Toulouse et ses origines orientales Raymond Rey Citer ce document / Cite this document : Rey Raymond. Le sanctuaire paléo-chrétien de la Daurade de Toulouse et ses origines orientales. In: Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 61, N°5-6, 1949. pp. 249-273; doi : https://doi.org/10.3406/anami.1949.5663 https://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1949_num_61_5_5663 Fichier pdf généré le 19/09/2018 LE SANCTUAIRE PALÉO-CHRÉTIEN DE LA DAURADE A TODLODSE ET SES ORIGINES ORIENTALES La forme ronde ou polygonale que l'on rencontre parfois dans l'architecture chrétienne des premiers temps tire son origine du martyrium en rotonde, héritier des mausolées antiques. Cette tradition de l'art funéraire appliquée aux baptistères et à certains édifices cultuels a propagé la' couverture voûtée et en particulier la coupole, image de l'au-delà céleste.!' Symbolique puissante, à la base dea plans rayonnants qui contri- -buèrent de bonne heure à transformer la basilique. Comme on l'a démontré récemment1 à la suite des découvertes faites en Orient, en Syrie notamment, c'est un phénomène de la plus grande importance pour l'avenir de l'art chrétien. Les monuments commémoratifs des Lieux-Saints ont exercé une influence profonde. On sait que Constantin fit édifier deux rotondes commémoratives, l'une sur la grotte de la Nativité à Bethléem2, l'autre sur la grotte du Saint-Sépulcre à Jérusalem. D'après les PP. Vincent et Abel3, l'octogone de l'Ascension au Mont des Oliviers, élevé autour de la pierre d'où, croyait-on, Jésus s'éleva vers le ciel et laissa l'empreinte de ses pieds, serait postérieur à l'époque constantinienne, mais comme il appartient au IVe siècle, il convient de Je rattacher à la même série, d'autant plus que la Peregrmatio Aetheriae le signale, sous le nom de YImbomon, au même titre liturgique, c'est-à-dire en vue d'une commémoration annuelle*. Octogones ou rotondes proprement dites, ce sont des édifices apparentés. Qu'ils dérivent ou non les uns des autres, il n'en est pas moins vrai qu'ils relèvent tous de la même catégorie à plan central, 1. Aj Grabar, Martyrium. — Recherches sur le culte des reliques et VarU chrétien antique : 1 vol. Architecture, 2me vol. Iconographie. — P. 1946. — J. Lassus, Sanctuaires chrétiens de Syrie. — P. 1944. 2. Outre l'ouvrage des P. P. Vineent et Abel sur Bethléem, *cf . H. Vincent, le Sanctuaire de la Nativité d'après les fouilles récentes. (Rev., bibl. XLIV (1936), pi 644, XLV (1937), p, 93 et la critique de J. M. Vionnet dans Byzantion, ХЩ 1938; J." Lassusj ouv. cit., p. 105, 106. 3. Jérusalem nouvelle. P. 1914. p: 360. 4. Cf. Ethérie, journal de voyage, texte et trad, par Hélène Pétré. (Coll. Sources chrét. P. 1948, p. 249-254). , 250 R. REY ' , . (2) . selon des types traditionnels de l'architecture funéraire antique. Quelles que soient les variantes dans l'ordonnance et les programmes, il en sera de même en Occident pour des édifices tels que San Lorenzo de Milan ou Santo-Stefano Rotondo à Rome5, et à plus forte raison pour des martyria palestiniens tels que le tombeau de la Vierge à Jérusalem (milieu du Ve s.), l'église de la Théotocos sur le mont Garizim (fin du Ve s.) en Samarie, les sanctuaires syriens de Madaba et de Beisân ou Scythopolis (VIe s.). Nous pensons que l'observation vaut aussi bien pour les édifices chrétiens antérieurs, tels que le fameux Octogone d'Antioche, « l'Eglise - d'Or1 », probablement le plus ancien édifice cultuel dédié au Christ que Constantin fit élever dans la ville considérée par Eusèbe comme la « tête de tous les peuples » d'Orient6. Que ce monument, jugé unique par le même i Eusèbe, ait été inspiré ou non par un hérôon monarchique du type choisi . par Dioclétien à Spalato ou Galère à Salonique, c'est toujours la forme idéale det plan rayonnant, mais аррЩиее pour la première fois à un édifice cultuel. Car c'est là l'important, en raison de sa nouveauté : il ne s'agit plus d'un édifice commémoratif, mais d'une église véritable, destinée au culte eucharistique7. Or cet exemple n'est pas le seul, puisque vers la même époque Constantin fit élever encore dans sa capitale une rotonde semblable, à la gloire des S. S. Apôtres, et dans laquelle il voulut avoir sa sépulture. Eusèbe nous apprend, en effet, que l'empereur, désireux de" participer aux prières en l'honneur des Apôtres, • ordonna de célébrer aussi le culte en ce lieu et fit. élever un autel au centre, ce qui suppose qu'il n'y avait pas d'abside. Voici donc, juste au lendemain du triomphe de l'Eglise, deux! exemples sans précédent où, selon le terme de M. Lassus « la synaxe eucharistique est entrée dans la rotonde8 ». C'est pourquoi Eusèbe ne manque pas d'en montrer le caractère « surprenant et inédit ». Cette fameuse rotonde des S. S. Apôtres fut détruite lors de la Sédition Nika et remplacée, sur l'ordre de Justinien, «.par une église cruciforme à cinq coupoles, imitée, au xie siècle, à Saint-Marc de Venise. Ces faits s'imposent à l'esprit, quand on aborde le problème de la Daurade à Toulouse, la plus ancienne église connue en Gaule de forme 5.; Krautheimer (Riv.'di Arch, crist. XII, 1935, p. 51 et 5) les croit dérivés des martyria palestiniens. Grabar le nie et pense que « ce sont des édifices qui, inspirés peut-être par des martyria orientaux de formes semblables, reprennent pour leur compte des types traditionnels de l'architecture funéraire antique, dont les chrétiens d'Orient ont subi l'influence de leur côté, à l'époque des fondations de Constantin à Jérusalem et pendant les deux siècles suivants ». Martyrium, I. p. 312. Lassus rattache S.-Lorenzo à la série des édifices en forme de quatre feuilles de Syrie et de Mésopotamie. (Sanct. chrét. de Syrie, p. 157). 6. Cf. Grabar> ouv. cit., p. 222. La dédicace eut lieu* sous Constance II, le 6 janvier 341, jour de l'Epiphanie. 7. Cf. Lassus, ouv. cit., p. 109. 8. Ibid., p. 109. (3) LE SANCTUAIRE PALÉO-CHRÉTIEN DE LA DAURADE ' 251 circulaire. D s'agit strictement, selon les anciennes. descriptions9, d'un décagone de briques voûté d'une coupole percée au centre d'une ouverture de 1 m. 50 environ, en vue de l'éclairage, comme le Panthéon de Rome. Il n'y avait pas d'abside,ce qui laisse présumer un autel au centre. On est en droit de dire que le même cas avait apparu, un siècle auparavant, à Antioçhe et à Constantinople. Mais ce qui ajoute à l'intérêt de l'église toulousaine et complique le mystère de ses origines, c'est' qu'elle était fondée pour le culte normal et dédiée à la Vierge.' Or, cela se passait dans une ville d'Occident, devenue la capitale du royaume des Wisigoths, princes ariens. Ainsi le problème des causes de cette architecture exceptionnelle ^— puisque la forme basilicale régnait dans la région depuis la fin du IVe siècle — se complique étrangement du fait de la dédicace précoce d'un sanctuaire mariai en Gaule et de l'énigme de sa localisation à Toulouse. Quelle que soit sa complexité, le problème dans son ensemble ne pouvait échapper à la sagacité de M. Grabar, dans ses savantes recherches. La solution proposée découle naturellement de sa théorie sur les origines funéraires du plan rayonnant. Il y a, pour nous, un passage40 d'une telle importance qu'il est nécessaire de le rappeler intégralement : « Les architectes chrétiens du midi de la France, connaissaient l'emploi des formules les plus recherchées de l'édifice à plan rayonnant. La preuve en est fournie par le sanctuaire decagonal dit La Daurade, à Toulouse, qui remonte au Ve siècle. Dédié à la Vierge, il ne se range pas immédiatement dans la série des martyria, mais il est probable qu'en choisissant ce plan polygonal, on avait obéi à une tradition qui prend sa source dans l'art des martyria. On se souvient en effet111 que les sanctuaires archaïques de la Vierge, en Palestine et dans d'autres pays d'Orient, avaient été parmi les premiers à adopter le plan circulaire ou polygonal. Nous avons expliqué cet usage par une influence des martyria de Marie, qui connurent une vogue particulière, à l'époque qui suivit l'adoption du dogme de la Théotocos, à Ephèse (431). La Daurade figure parmi les sanctuaires mariaux les plus anciens qui aient adopté le plan rayonnant, et le triomphe de la Vierge, exprimé par ses mosaïques, est directement inspiré par les idées d'Ephese. On ne serait 9.' Nous la connaissons par le recteur Jean de Chabanel, De l'antiquité de l'égl. N.-D. de la Daurade à Toulouse, T. 1621, et surtout par les érudits bénédictins du xvne et du xviii" s. qui en parlent avec admiration, comme Odon Lamothe (1633) pour la description des mosaïques ms. lat. 12680 à la Bibl. nat , Dom Chantelou : Mém. de l'égl. N. D. de la D. ms. lat. 13845, f° 47-54 et 55-99 à la Bibliothèque nat. (Milieu du xvne s.). — Dom Martin a dessiné un plan dans son livre «ur la Religion des Gaulois. P. I. 1727. Dans le Monasticon gallicanwm (éd. Peigué-Delacourt) la pl. 140 donne une vue extérieure. Aux Arch, uploads/Religion/ le-sanctuaire-pale-o-chre-tien-de-la-daurade-de-toulouse-et-ses-origines-orientales.pdf

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  • Publié le Nov 16, 2021
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