LE SHÎ’ISME ET LE SOUFISME. Leurs relations principielles et historiques par SE
LE SHÎ’ISME ET LE SOUFISME. Leurs relations principielles et historiques par SEYYED HOSSEIN NASR. L’étude des rapports existant entre le shiisme et le soufisme est assez complexe, aussi bien au point de vue de leur réalité métahistorique que sous l’angle de leur manifestation dans l’histoire. Dans une telle étude, nous n’avons pas à nous occuper de la critique de certains orientalistes qui mettent en question le caractère islamique et coranique du shiisme et du soufisme. Ces critiques se basent sur l’hypothèse a priori qui veut que l’Islam ne soit pas une religion révélée et même que s’il est une religion, il est simplement celle de « l’épée » pour les bédouins du désert, et du coup renient complètement que le côté gnostique et ésotérique de la religion musulmane soit dérivé de la révélation islamique. Beaucoup d’orientalistes pensent que l’absence des documents historiques, se rapportant aux premiers siècles de l’hégire, corrobore leur thèse comme si la non-existence en soi-même pouvait infirmer l’existence de quelque chose qui aurait pu exister sans avoir laissé des traces écrites que nous pourrions étudier et analyser aujourd’hui. La réalité du shiisme et du soufisme, comme étant des aspects essentiels de la révélation islamique, est trop évidente pour être niée par n’importe quel argument historique. L’arbre étant jugé suivant ses fruits, la spiritualité ne peut être que le fruit d’un arbre dont les racines sont plongées dans une vérité révélée. Renier cette évidente vérité serait comme si nous doutions de la sainteté chrétienne d’un saint François d’Assise, parce que l’on ne dispose pas de documents historiques témoignant clairement des premières années de la succession apostolique. En effet, ce que la présence d’un saint François prouve est le fait opposé, c’est-à-dire que la succession apostolique doit être vraie, même s’il n’existe pas de documents historiques. On pourrait affirmer mutatis mutandis la même chose à propos du shiisme et du soufisme. En tout cas, cette étude se base sur le fait que le soufisme et le shiisme sont de caractère islamique ; en effet, le shiisme et le soufisme constituent des aspects intrinsèques de l’orthodoxie islamique, compris non pas seulement sous le sens théologique, mais dans toutes les formes révélées. Le rapport entre le shiisme et le soufisme est compliqué par le fait que ces deux réalités spirituelles et religieuses ne se situent pas sur le même plan de l’Islam. L’Islam a un aspect exotérique (zâhir) et un aspect ésotérique (bâtin), qui constituent avec toutes leurs divisions intérieures la structure verticale de cette révélation. Mais l’Islam se divisant aussi en sunnisme et en shiisme, on peut dire que ces deux constituent la structure « horizontale » de cette tradition. Mais si ce n’était que cela, la question serait relativement simple en effet, la dimension ésotérique de l’Islam, qui, dans le milieu sunnite, s’identifie presque complètement avec le soufisme, se répercute sur tous les aspects du shiisme, non seulement sur l’aspect ésotérique, mais encore sur l’aspect exotérique. On pourrait dire que l’ésotérisme ou la gnose islamique s’est cristallisée dans la forme du soufisme dans le monde sunnite tandis qu’il a fécondé toute la structure du shiisme, surtout pendant les premiers siècles de l’ère islamique. Du point de vue sunnite, le soufisme présente des similitudes avec le shiisme, et il a même assimilé des aspects du shiisme. Le grand historien Ibn Khaldûn écrit : « Donc les soufis furent imprégnés des théories shiites. Les théories shiites ont pénétré si profondément dans les idées religieuses des soufis qu’ils fondaient leur pratique de l’utilisation du manteau (khirqah) surle fait que ‘Alî habilla Hasan al-Basrî d’un tel manteau, et l’obligea solennellement de consentir à suivre la voie mystique. (Donc la tradition commencée par ‘Alî était suivie selon les soufis par al-Junayd, un des maîtres soufiques). Du point de vue shiite, le shiisme est à l’origine de ce qu’on appellera plus tard le soufisme. Mais ici, par le shiisme, on veut dire les enseignements ésotériques du Prophète, c’est-à-dire les (asrâr) que plusieurs autorités shiites identifient avec la taqîyah des shiites. Chacun de ces deux points de vue présente un aspect de la même réalité, mais considéré à travers deux mondes qui appartiennent à l’orthodoxie totale de l’Islam. Cette réalité est l’ésotérisme ou la gnose islamique. Si l’on considère le soufisme et le shiisme dans leur manifestation historique, durant les périodes ultérieures, ni le shiisme, ni le sunnisme ni le soufisme sunnite ne dérivent l’un de l’autre. Chacun tient son autorité du Prophète lui-même et de la source de la révélation islamique. Mais si l’on entend par le shiisme l’ésotérisme islamique comme tel, il sera naturel qu’il soit inséparable du soufisme. Par exemple, les Imams shiites jouent un rôle fondamental dans le soufisme, mais en tant que représentants de l’ésotérisme islamique et non pas comme Imam shiite. Il y a en effet une tendance parmi les historiens musulmans tardifs, aussi bien que chez les savants modernes, à appliquer d’une manière régressive les claires distinctions qui paraitront plus tard aux deux premiers siècles de l’hégire. Il est vrai qu’on peut discerner un élément « shiite », même pendant la vie du Prophète, et que le shiisme et le sunnisme ont leur origine dans la révélation islamique et qu’ils existent providentiellement pour que l’Islam puisse intégrer des éléments ethniques et psychologiques divers dans la communauté islamique. Mais dans les premiers siècles, on ne peut pas discerner les mêmes divisions claires et distinctes que l’on trouvera plus tard. Il y avait des éléments sunnites avec des tendances définitivement shiites. Il y avait aussi des contacts intellectuels et sociaux, établis par les shiites avec des éléments sunnites. En fait, dans certains cas, il est difficile de dire si un auteur particulier était shiite ou sunnite, surtout avant, le IVe-Xe siècle, bien que dans cette période la vie spirituelle et religieuse du shiisme et du sunnisme possède déjà un parfum distinct. Dans ce milieu moins cristallisé et plus fluide, les éléments d’ésotérisme islamique qui, du point de vue shiite, sont particulièrement shiites, paraissent dans le monde sunnite en tant que l’ésotérisme islamique comme tel. On trouve le meilleur exemple de ce principe dans la position de ‘Ali ibn Abî Tâlib. Le shiisme est essentiellement « l’Islam de ‘Ali », lequel représente pour les shiites l’autorité « spirituelle » et «temporelle» après le Prophète. Dans le sunnisme aussi, ‘Ali est à l’origine de presque tous les ordres soufiques, et il est l’autorité spirituelle par excellence après le Prophète. Le célèbre hadîth, «Je suis la cité de la connaissance et ‘Ali en est la porte », qui est une référence directe au rôle initiatique de ‘Alî dans l’ésotérisme islamique, est accepté par les shiites aussi bien que par les sunnites. Mais « la régence spirituelle » (khilâfah rûhânîyah) de ‘Ali paraît au soufisme dans le monde sunnite non pas comme quelque chose de shiite, mais comme reliée directement à l’ésotérisme islamique, en soi- même. Cependant, le cas de ‘Ali et la vénération que lui témoignent les shiites et les sunnites montrent que des rapports très intimes les rattachent l’un à l’autre. Le soufisme ne possède pas une sharî’ah, il n’est qu’une voie spirituelle (tarîqah) attachée à un rite particulier shari’ite comme le rite malékite ou shâféite. Le shiisme possède une sharî’ah et une tarîqah. Dans son aspect de tariqah pur, le shiisme est presque identique au soufisme tel qu’il existe chez les sunnites. Il y a même certaines confréries soufiques, telles que celle des Ni’matulâhîs, qui ont existé dans les deux mondes des sunnites et des shiites. Outre cela, le shiisme possède, dans son aspect shari’ite et théologique, des éléments ésotériques qui sont apparentés au soufisme. On pourrait même dire que le shiisme, même dans son aspect extérieur, est orienté vers les stations spirituelles (maqâmât-i rûhânî) du Prophète et des Imams, qui sont aussi le but de la vie spirituelle dans le soufisme. Note: 1 Évaluer: Plus - Moins Revenir en haut Publicité MessagePosté le: Sam 6 Juin - 11:32 (2009) Sujet du message: Publicité Publicité Supprimer les publicités ? Revenir en haut Fergus Administrateur Hors ligne Inscrit le: 28 Avr 2009 Messages: 898 Localisation: France MessagePosté le: Sam 6 Juin - 11:36 (2009) Sujet du message: Le Shî'isme et le Soufisme Répondre en citant Citation: Quelques exemples de ces rapports vastes et complexes entre le shiisme et le soufisme peuvent éclairer les principes que nous avons déjà considérés. En Islam en général et dans le soufisme en particulier, le saint s’appelle wali (waliallâh, ami de Dieu) et la sainteté (wilâyah). Dans le shiisme, toute la fonction de l’Imam est associée avec le pouvoir et la fonction de ce qu’en persan on appelle walâyat et qui dérive de la même racine que wilâyah et a un rapport intime avec elle. Même quelques autorités ont considéré ces deux notions comme étant identiques. En tout cas, selon le shiisme, le Prophète de l’Islam, comme tous les grands prophètes avant lui, a eu en outre la fonction prophétique d’avoir été le messager d’une nouvelle législation divine (nubawwah) et (risâlah), a eu aussi la fonction du guide uploads/Religion/ le-shi-x27-isme-et-le-soufisme.pdf
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- Publié le Aoû 15, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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