LOUIS XIII ET RICHELIEU (1855) ALEXANDRE DUMAS Les grands hommes en robe de cha
LOUIS XIII ET RICHELIEU (1855) ALEXANDRE DUMAS Les grands hommes en robe de chambre Louis XIII et Richelieu LE JOYEUX ROGER 2007 ISBN : 978-2-923523-34-7 Éditions Le Joyeux Roger Montréal lejoyeuxroger@gmail.com I Nous avons dit, dans notre étude sur Henri IV, comment le dauphin Louis, qui fut depuis le roi Louis XIII, naquit à Fontaine- bleau, neuf mois et dix-huit jours après le mariage de Marie de Médicis, le jeudi 27 septembre 1601, et comment, étant né sous le signe de la Balance, il fut nommé Louis le Juste. Le roi Henri l’élevait assez sévèrement : un jour, il lui fit don- ner le fouet. — Oh ! dit Marie de Médicis, qui, toujours jalouse et acariâ- tre, ne manquait pas une occasion de récriminer contre son mari, vous ne traiteriez pas ainsi un bâtard ! — Pour mes bâtards, répondit le roi, mon fils légitime les pourra fouetter s’ils font les sots ; mais, si je ne le fouette pas, lui, il n’aura personne qui le fouette. Henri IV ne se contenta pas de faire fouetter son fils par ses professeurs : deux fois, de son auguste main, il le fouetta lui- même. La première fois, ce fut parce que le jeune prince avait témoi- gné tant d’aversion à gentilhomme, que, pour le contenter, il avait fallu tirer à ce gentilhomme un coup de pistolet sans balle, et fai- re croire qu’il avait été tué sur le coup. L’exécution avait été faite devant lui ; on avait emporté le gentilhomme comme trépassé, et le jeune Louis, au lieu d’éprouver quelque remords, avait, au con- traire, en dansant et en chantant, témoigné toute sa satisfaction d’être débarrassé du vieux reître. La seconde fois, ce fut parce qu’il avait écrasé la tête à un moi- neau d’un coup de maillet. La reine, comme à son habitude, le voulut défendre, moins pour l’amour qu’elle portait à l’enfant que pour le plaisir de faire enrager son mari. — Madame, lui dit le roi, priez Dieu que je vive longtemps ; car, du jour où je serai parti, vous qui le défendez, il vous mal- LES GRANDS HOMMES EN ROBE DE CHAMBRE 6 traitera. En même temps, Henri IV écrivait à madame de Montglat, gou- vernante des enfants de France : « Je me plains de ce que vous ne m’avez pas mandé que vous aviez fouetté mon fils ; car je veux et vous recommande de le fouetter toutes les fois qu’il ferai l’opiniâtre ou quelque chose de mal, sachant bien qu’il n’y a rien au monde qui lui fasse plus de profit que cela : ce que je reconnais par expérience m’avoir fort profité ; car, étant de son âge, j’ai été fort fouetté. » Cependant, la reine, qui se révoltait contre le roi quand c’était le roi qui faisait fouetter son fils, était bien forcée elle-même de lui appliquer la même punition. Témoin ce fragment d’une lettre de Malherbe : « Vendredi dernier, M. le dauphin jouant aux échecs avec La Luzerne, qui est un de ses enfants d’honneur, La Luzerne lui don- na échec et mat. M. le dauphin en fut si fort piqué, qu’il lui jeta les échecs à la tête. La reine le sut, qui le fit fouetter par M. de Souvray, et lui recommanda de le nourrir à être plus gracieux. » Comme on le voit par les échantillons que nous venons de don- ner de son humeur, le jeune prince n’était point gracieux. Il avait neuf ans lors de la mort du roi son père, et, ayant vu le corps tout sanglant de Henri IV, il fut si effrayé de ce spectacle, que, la nuit, il fit les songes les plus effrayants, et que, rêvant qu’on voulait l’assassiner lui-même, il fallut le transporter dans le lit de la reine. Louis XIII tenait de Henri IV sur ce point : il n’était pas natu- rellement brave ; seulement, chez Henri IV, vigoureuse et royale nature, la volonté corrigeait le défaut, tandis qu’il n’en était point de même chez son fils. Au reste, pour revenir au fouet, à la cruauté et au peu de vail- lance du jeune roi, nous allons, par un détour, dire tout de suite deux mots de son frère, M. Gaston-Jean-Baptiste de France, duc d’Orléans, né le 24 avril 1608, et ayant, par conséquent, sept ans de moins que lui. LOUIS XIII ET RICHELIEU 7 C’était un charmant enfant, comme visage du moins, et, qua- rante ans plus tard qu’à l’époque où nous sommes – nous sommes en 1613 ou 1614 –, il disait, en voyant M. d’Anjou, frère de Louis XIV, le plus joli enfant qui se pût voir : — Ne vous étonnez de rien, j’étais aussi beau que cela. À l’instar de son frère, qui avait voulu que l’on tuât un gentil- homme qui lui déplaisait, il en fit jeter, dans le canal de Fontaine- bleau, un qui ne lui portait point assez de respect. Quoique le roi Henri, le sévère justicier de ses enfants, fût déjà mort, la chose fit grand bruit, et la reine mère exigea que le prin- ce demandât pardon ; ce à quoi l’enfant royal se refusa obstiné- ment, quoiqu’on lui citât l’exemple de Charles IX, qui, emporté par l’ardeur de la chasse et ayant donné un jour un coup de hous- sine à un gentilhomme qui se trouvait sur son passage, dit, sur les observations qu’on lui fit : « Au fait, je ne suis qu’un gentilhom- me moi-même », et lui présenta ses excuses ; ce qui n’empêcha point que le gentilhomme frappé ne voulut jamais reparaître à la cour. Or, le duc d’Orléans y mettait encore plus d’entêtement que Charles IX, ne voulant point se résoudre à faire satisfaction à celui qu’il avait voulu noyer, quand la reine ordonna de le fouetter rudement : cet ordre le décida, et le gentilhomme eut satisfaction. M. d’Orléans se plaignait fort, dans sa jeunesse, de ses deux gouverneurs, qui étaient, disait-il, le premier un Turc, le second un Corse. Ces deux gouvernements s’appelaient : l’un M. de Brives, l’autre M. d’Ornano. En effet, M. de Brives était demeuré si longtemps à Constanti- nople, qu’il en était à peu près devenu mahométan ; et le maré- chal d’Ornano, d’origine corse, était petit-fils du célèbre San-Pie- tro d’Ornano, lequel tua à Marseille sa femme Vanina. Ce maréchal, qui mourut empoisonné à Vincennes, en 1626, avait une singulière manie : on ne lui eût pas fait, pour tout au monde, toucher une femme qui s’appelait Marie, tant il avait de respect pour le nom de la Vierge. LES GRANDS HOMMES EN ROBE DE CHAMBRE 8 Des différentes sciences que Gaston d’Orléans étudia, celle à laquelle il donna la préférence fut la botanique ; il savait par cœur tous les noms des plantes. C’était Albert Brunyer, son médecin, qui lui servait de professeur. Un jour, au milieu de la leçon, le royal élève l’interrompit pour lui raconter on ne sait quelle bévue qu’il avait faite. — Monseigneur, dit le professeur, les alisiers font les alises, et les sottisiers font les sottises. Jeune, monsieur Gaston d’Orléans était fort coureur de rues, grand casseur de carreaux, et plus d’une fois, en brûlant de sa main quelque baraque de savetier, il fut cause que tout un quar- tier de Paris fut réveillé par le cri « Au feu ! » Il était fort capricieux dans sa miséricorde comme dans sa cruauté. Nous avons dit qu’il avait fait jeter à l’eau un gentilhomme qui, prétendait-il, ne lui avait point porté assez de respect. – Voilà pour la cruauté. Un jour, à son lever, il s’aperçut qu’on lui avait volé une mon- tre d’or à répétition qu’il aimait fort ; il s’en plaignit. Un gentilhomme lui dit : — Faites fermer les portes, monseigneur, et que tout le monde se fouille. — Au contraire, monsieur, répondit Gaston, que tout le monde sorte ; car il doit être bien près de neuf heures, et, si la montre venait à sonner, elle dénoncerait son voleur, que je serais obligé de faire punir ; or, je ne veux pas qu’un gentilhomme subisse la peine d’un manant. Et, sur l’ordre de Gaston, tout le monde sortit ; de sorte que le nom du voleur resta inconnu. – Voilà pour la miséricorde. Revenons au roi Louis XIII. M. d’Orléans, pendant le cours de la vie de son auguste frère, nous donnera plus d’une fois l’occa- sion de nous occuper de lui. Il fut question de marier Louis XIII presque enfant. Le jeune roi, au contraire de Henri IV, à qui les femmes firent LOUIS XIII ET RICHELIEU 9 faire toutes ses folies, puis peut-être aussi quelques-unes de ses belles actions ; le jeune roi, lui, ne pouvait pas les sentir ; mais, dès son enfance, il eut des favoris. Plus tard, un historien le dit : « Le favoritisme, sous Louis XIII, devint une charge de l’État. Sa première affection fut pour son cocher Saint-Amour ; ensuite, il eut une uploads/Religion/ les-grands-hommes-en-robe-de-chambre-louis-xiii-et-richelieu.pdf
Documents similaires










-
25
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 02, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
- Taille du fichier 1.3936MB