http://books.openedition.org/pcjb/872 Les sources littéraires et leurs limites
http://books.openedition.org/pcjb/872 Les sources littéraires et leurs limites dans la description des lieux de culte : l’exemple du De Signis Annie Dubourdieu p. 15-23 Texte intégral 1 Par exemple sur un sanctuaire qui passe aux yeux des Romains pour un des plus importants de l’île, (...) 2 § 64 et 69. 1Dans le De Signis, écrit en 70 av. J.-C, Cicéron passe en revue les objets d’art dérobés par Verrès lors de sa préture en Sicile et dénonce ce qui double le crime de vol de celui de sacrilège, le pillage des temples, pratique à laquelle s’est systématiquement livré le propréteur. Ainsi est dressé devant nous un panorama des lieux de culte de la Sicile, terrain de chasse du magistrat romain, sur lesquels le De Praetura Siciliana nous donnait déjà un certain nombre d’indications1. Dans le De Signis sont mentionnés un sanctuaire privé et treize sanctuaires publics en Sicile ; deux autres sanctuaires publics sont seulement nommés, l’un parce qu’il ne se trouve pas en Sicile - le sanctuaire de Jupiter Capitolin à Rome où doit être déposé le candélabre offert pas les princes syriens2 -, l’autre parce qu’il n’existe plus au temps de Cicéron - l’édifice consacré à la Fortune dans le quartier de Syracuse appelé Tycha en raison même de la présence de ce sanctuaire. D’autre part, des indications sont données dans le discours sur l’équipement des lieux de culte et les pratiques dont ils étaient le cadre dans le domaine privé et dans le domaine public. 3 A. Dubourdieu, J. Scheid, “Lieux de culte, lieux sacrés : les usages de la langue. Italie romaine”, (...) 4 § 3-18. 5 § 99. 6 § 94. 7 Magna Mater : § 96 ; Céres d’Henna : § 99 et suiv. ; Fortuna à Tycha : § 119. 8 § 96. 9 § 106. 2Le texte de Cicéron nous renseigne d’abord sur les noms donnés aux lieux de culte de Sicile, dont la désignation n’échappe pas aux règles communes3. Ainsi, le sanctuaire privé d’Heius est constamment désigné par le terme de sacrarium4, réservé aux chapelles privées, mais aussi à des sanctuaires publics de petite taille, comme celui de Cérès à Catane5 ; sont appelés fana le sanctuaire d’Hercule à Agrigente6, celui de la Magna Mater à Enguium, de Cérès à Henna, de Fortuna à Tycha7, de Chrysas entre Assorum et Henna8, de Junon sur un promontoire près de la ville de Malte ; la désignation de ces deux derniers édifices peut s’expliquer par leur caractère extra-urbain, mais il est manifeste aussi, d’après le De Signis, que le mot n’est pas spécialisé dans cet emploi. Les autres édifices sont appelés aedes et templa, désignations les plus fréquentes en latin. Néanmoins, la Sicile est un pays de tradition religieuse grecque, et nous ignorons les noms grecs de ces édifices, auxquels correspondraient les termes employés par Cicéron en latin. Une seule fois dans le texte est mentionnée la présence d’un nemus autour du sanctuaire, celui de Cérès à Henna. Il est vrai que toute la campagne environnant la cité, avec ses lacs et ses prairies, est présentée par Cicéron comme constituant le territoire de la déesse9. 10 § 110 : Ante aedem Cereris in aperto et propatulo loco signa duo sunt, Cereris unum, alterum Tripto (...) 11 Voir infra p. 6-7. 12 § 123 et 124. 3L’aspect général de ces lieux de culte n’est que très peu évoqué, et souvent il ne l’est pas du tout. Ils ne sont qualifiés que par des adjectifs d’une grande imprécision, ayant trait à la taille du monument, à son ancienneté, ou à la vénération qu’il suscite : le sacrarium d’Heius est magna cum dignitate a mai-oribus traditum et perantiquum, le fanum de Junon à Malte nobilissimum atque antiquissimum ; les temples de Cérès et Libéra à Syracuse sont egregia. Seuls sont évoqués un peu plus précisément les détails architecturaux et décoratifs de deux sanctuaires : la terrasse décorée de statues de Cérès et de Triptolème qui flanque le sanctuaire de Cérès à Henna10, les peintures intérieures (bataille du roi Agathocle, portraits des rois et des tyrans de Sicile11 ) et les décorations des battants des portes du temple de Minerve à Syracuse12. 13 § 5 : Ante hos deos erant arulae quae cuius religionem sacrari significare possent. 4À propos de la disposition du sanctuaire privé de la maison d’Heius, Cicéron fait une remarque d’un grand intérêt : devant les deux statues de dieux, Cupidon et Hercule, que leur niveau artistique exceptionnel, puisqu’elles sont attribuées respectivement à Polyclète et à Myron, pourrait faire considérer comme de purs objets d’art, se trouvaient deux petits autels qui constituaient, selon l’orateur, la marque irréfutable du caractère sacré du lieu, l’indice qui permet de distinguer la chapelle de la galerie d’art13. On peut supposer que chacun des deux dieux avait son autel. 14 §108 : tanta erat enim auctoritas et uetustas illius religionis ut, cum illuc irent, non ad aedem C (...) 15 § 111 : Etenim urbs illa (= Henna) non urbs uidetur, sed fanum Cereris esse. 5Cicéron nous fournit sur l’antique culte de Cérès à Henna deux intéressantes indications : d’une part la vénération dont le temple est l’objet est telle qu’il représente la déesse elle-même, dont la figure est ainsi identifiée à celle du monument où elle est honorée14, alors que c’est généralement la statue de culte qui est dotée de cette fonction. D’autre part, par une sorte de mouvement inverse, la présence de la déesse à Henna est si forte que son sanctuaire semble dilaté aux dimensions mêmes de la ville et de la campagne avoisinante15. 16 Le sacrarium d’Heius contient quatuor signa (§ 3) : deux d’entre elles représentent des dieux, Cupi (...) 17 Ce sont les conclusions de S. Estienne, “Les dieux dans la ville. Recherches sur les statues de die (...) 18 § 86 et 87. 19 § 77 et 78 : Diana ; § 92 : Mercurium. 20 § 7. 21 § 109. 6Plus que sur les lieux de culte, Cicéron s’étend sur les objets d’art qui s’y trouvaient, parce qu’ils ont attiré la convoitise de Verrès, sujet du discours, et notamment les statues de dieux. Différents mots désignent ces statues ; tandis que signum est employé indifféremment pour désigner une statue de dieu ou une effigie d’être humain16, simulacrum est réservé aux représentations des dieux, statua à celle des hommes17, par exemple Marcellus représenté à Tyndaris18. A plusieurs reprises dans le De Signis, les représentations de la divinité ne sont pas désignées par un mot signifiant “statue” suivi du génitif du nom du dieu, mais par le seul nom du dieu19, ce qui montre bien que la statue est véritablement le dieu lui-même. D’autre part, une indication donnée par Cicéron confirme que les plus anciennes statues sont en bois : c’est le cas du signum peruetus ligneum de Bona Fortuna dans le sacrarium d’Heius, que Verrès laisse en place non par respect, mais en raison de son peu de valeur marchande20. À propos de la statue cultuelle du sanctuaire de Cérès à Henna, objet d’une grande vénération, Cicéron nous fournit une intéressante précision : la statue qui existait de son temps était peramplum et en marbre, alors qu’il en existait autrefois une plus petite (modica amplitudine) en bronze21. Sur dix statues mentionnées, dont deux de rite privé, trois, selon Cicéron, sont en bronze, -l’Hercule du sanctuaire d’Heius, la Diane de Ségeste, l’Hercule d’Agrigente -, quatre en marbre -le Cupidon du sacrarium d’Heius, le Chrysas des environs d’Assorum, la Cérès et la Libéra d’Henna, le buste de Péan à Syracuse ; pour les deux autres -le Mercure de Tyndaris et buste de Jupiter Imperator à Syracuse -, la matière n’est pas précisée. À plusieurs reprises, Cicéron évoque des sanctuaires - temples de la Grande Mère à Enguium, de Junon à Malte, de Minerve à Syracuse - sans mentionner la statue cultuelle, soit parce qu’elle n’intéresse pas son propos, les déprédations commises par Verrès dans sa province, soit parce qu’il parle de statues dont il n’indique pas si elles reçoivent un culte : Apollon dans le temple d’Esculape à Agrigente, la petite statue de bronze du sanctuaire du Chrysas, Aristée dans le temple de Libéra à Syracuse. Cicéron mentionne le piédestal (basis) sur lequel se dressaient certaines de ces statues, Diane à Ségeste, Mercure à Tyndaris, Hercule à Agrigente, Cérès et Triptolème à Henna. 22 § 5. 23 § 4 : opinor ; § 5 : dicebatur. 24 § 72 et 74. 7Les statues de Cupidon et de Mercure du sacrarium d’Heius sont attribuées par Cicéron respectivement à Praxitèle et, avec une hésitation simulée, à Myron22, mais il n’est pas explicitement indiqué qu’elles portaient la signature des artistes ; on peut supposer que c’était le cas, et que la fama n’est pas le seul garant de ces attributions, mais ce silence s’explique par le fait que Cicéron feint d’être un ignorant uploads/Religion/ les-sources-litteraires-et-leurs-limites-dans-la-description-des-lieux-de-culte.pdf
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- Publié le Jul 04, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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