Régil s’appliqua à la tâche qu’on lui avait assignée sans roupiller, car il ava
Régil s’appliqua à la tâche qu’on lui avait assignée sans roupiller, car il avait parfaitement conscience qu’il méritait cette punition. Et puis, ce n’était pas comme s’il y avait vraiment matière à se plaindre. Il n’était pas seul, ainsi le travail ne prit pas trop longtemps. Ils eurent même le droit à un panier de nourriture de la part de recluse. Comme les autres, il tenta tout d’abord de refuser les vivres qu’on lui tendait, mais céda rapidement face aux incitations d’Alix. Et le fait qu’il avait très faim ne l’aida pas à lui tenir tête. Après tout, on ne leur avait donné qu’un pauvre quignon de pain dans les geôles. Maudit Bernard. « Merci ma sœur. Vot’ gest est ben apprécié. Vous avez vraiment l’cœur sur la main. » Le jeune homme apprécia son casse-croûte en silence, savourant chaque bouchée. Ce n’était pas un repas de comte, mais c’était amplement suffisant pour un ancien serf tel que lui. Il n’était pas en position de faire le difficile, surtout pour un repas gratuit. De toute façon, la faim était un vieil ami. Une fois qu’ils eurent tous mangés, ils se mirent à planifier leurs prochaines actions. Après un instant d’hésitation Régil se porta volontaire pour se mêler parmi les paysans du coin. Il ne s’étonna pas davantage lorsque le plus jeune du groupe se montra interloqué. Lui-même aurait été un peu perplexe si on lui avait dit qu’un ancien esclave voulait retourner s’échiner pour son maître. « Ben, ça m’enchante pas vraiment Luc, mais j’suis un des plus baraqués du groupe. Faut ben qu’il y en ait un qui s’y colle. J’préfère que ça soit moi. Pis j’ai fait ça toute ma vie, alors j’ai d’l’expertise. » Non, ça ne l’enchantait clairement pas. Si cela n’avait pas été pour son preux Rorgues de Vouvent ou pour la sainte Dame, il aurait lâchement remis la tâche à quelqu’un d’autre. Si Bruno s’occupait d’acheter les vivres, alors autant que ça soit lui. Une fois le tout réglé, Régi se détacha du groupe en partant en solitaire vers le bas du village castral. Il aurait bien voulu que son frère l’accompagne, ne serait-ce que pour avoir une présence familière à ses côtés, mais il était peut-être mieux de le savoir dans un lieu où ses talents sociaux pourront être utiles au groupe. Sur la route des fermes, le pèlerin se perdit dans ses pensées. Il permit à son esprit de divaguer vers son village natal. Il eut une pensée pour son père, et une autre pensée cette fois-ci plus terrible; aurait-il le temps de le revoir avec qu’il ne rejoigne Morr ? Lorsqu’il l’avait quitté, il était déjà très vieux. Il ne savait pas combien de temps son pèlerinage durerait. Avait-il eu ne serait-ce que l’intention de revenir chez lui un jour, lorsqu’il avait quitté le pas de sa porte pour rejoindre la cohorte de pèlerins ? Régil n’y avait jusque-là pas pensé. Tellement de choses s’étaient accaparées de son esprit entre temps. Il espérait seulement que son oncle et ses cousins étaient là pour l’aider dans les champs. Il adressa une prière à la Dame afin qu’elle veille sur lui en son absence, et poursuivit son chemin, l’air bien morose. Le jeune homme atteint finalement l’orée d’une ferme. Il franchit le muret et s’approcha d’un petit groupe de serfs qui s’attelait à la tâche. Après une brève négociation avec le plus vieux du lot, il put les rejoindre et se mettre au boulot contre un repas. Ce ne serait probablement pas grand-chose, mais au moins il aurait eu trois repas en une journée. Ce qui était assez spécial pour le souligner. Le travail de la terre n’épargna pas le pèlerin. Ses mains calleuses et ses nombreuses cicatrices en témoignaient; ce n’était pas la première fois qu’il se blessait à la tâche. À de nombreuses reprises, il se massa le dos, le front couvert de sueur, avant de reprendre en lâchant un petit grognement. Alors qu’il s’était fait très silencieux lors de son travail, il se permit d’approcher l’ainée de la famille, celui avec qui il avait parlé en arrivant, pour faire un peu la conversation. Il fallait bien qu’il commence quelque part s’il voulait obtenir les informations tant convoitées par Lucie. « C’est qu’vous travailler une belle terre m’sieur. Vous avez fait du bon travail. C’est que j’connais bien ça, aussi. J’étais serf auparavant, y’a même pas une semaine, avant que la Dame m’amène sur les routes pour répandre sa bonne parole. » Il haussa les épaules. « Si vous avez l’temps, vous pourriez venir à not’ sermon, ce soir, au coucher du soleil. » Il jeta un coup d’œil au champ, l’air pensif. « Mais je comprendrai si vous veniez pas. C’t’une saison difficile. » Il prit un air innocent et enchaina. « C’est comment dans les environs des terres du comte Desroches ? ‘Voyez souvent des trucs bizarres, ou c’est quand même calme ? J’sais qu’mon cousin à moi, y’avait souvent des hommes-bêtes qui venaient faire chier dans son coin. ‘Y voyaient passer des hommes d’arme parfois. » Il essayait de donner l’impression qu’il voulait faire la conversation. « Un vrai merdier. » uploads/Religion/ regil-s.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 19, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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