Siméon Vailhé Les écrivains de Mar-Saba (suite) In: Échos d'Orient, tome 2, N°2
Siméon Vailhé Les écrivains de Mar-Saba (suite) In: Échos d'Orient, tome 2, N°2, 1898. pp. 33-47. Citer ce document / Cite this document : Vailhé Siméon. Les écrivains de Mar-Saba (suite). In: Échos d'Orient, tome 2, N°2, 1898. pp. 33-47. doi : 10.3406/rebyz.1898.3187 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_1146-9447_1898_num_2_2_3187 LES ÉCRIVAINS DE MAR-SABA (Suite.) II L'invasion persane suscite au vne siècle dans notre monastère un écrit hagiogra phique d'une valeur incontestable. Il s'agit de la vie de saint Anastase, soldat perse, converti au christianisme, vers l'an 620, ensuite moine durant sept ans au monast ère de l'abbé Anastase, et martyr volont aire à Césarée de Palestine et à Bethsaloë de Perse, le 22 janvier 628. On se rap pelle qu'en 614, les religieux de Mâr-Saba s'enfuirent au monastère d'Anastase, alors abandonné sur la route de Bethléem à Jérusalem, puis, devant les menaces cons tantes des Bédouins pillards, résolurent de s'y établir à poste fixe. L'ancien higou- mène de Saint-Sabas, Justin, partagea leur exil et devint le supérieur de cette nouv elle colonie (1). C'est lui que nous retrou vons plus tard à la tête du monastère qui eut le bonheur d'abriter dans ses murs le futur martyr. Nous ne connaissons ce couvent d'Anastase que par les deux écrits déjà mentionnés: la lettre du moine Antiochus à l'abbé Eustathe et la vie de notre Saint. Quel est cet abbé Anastase, mort sans doute déjà, puisque sa fondation était complètement déserte? Bien des moines ont porté ce nom, mais aucun n'a fondé de monastère en Palestine. Il est vra isemblable qu'il s'agit du patriarche Anast ase, le successeur de Juvénal (458-478); voici à quelle occasion. Ce monastère se trouvait d'après les documents à 4 milles de Jérusalem, sur la route de Bethléem, distance qui correspond absolument à celle du couvent moderne de Mâr-Elias. Nous savons par la biographie de saint Théo dose (2) que, précisément à cet endroit, une riche dame du nom d'Ikélia, cons- (1) Antiochus, M. P. G., col. 1426. {2) Der heilige Theodosios. Uzener, Leipzig, 1890, p. 13. 24, 106. Echos d'Orient. 2e année. — N° 2. truisit un sanctuaire dédié à Marie, ainsi qu'un couvent, à la fin du pontificat de Juvénal. Elle dut se servir de la médiation obligée de l'abbé Anastase, moine de saint Passarion et chorévêque, à qui l'im pératrice Eudocie eut également recours pour ses nombreuses fondations. Cette intervention valut à cet Anastase de don ner au couvent son propre nom, qui lui était du reste commun avec celui de Vieux Séjour ou Vieux Cathisma, plus connu dans l'histoire. C'était déjà l'opi nion des Bollandistes, adoptant celle d'un certain Pierre Thomas : In conventu sanctce Maria? Virginis, quarto ab urbe Hierosoly- moruîn lapide, monachum creatum {Anas- tasium) omnes inclamant scriptures, omnes prœjudicant historiée (i). A la première nouvelle des souffrances qu'endurait son religieux à Césarée, l'hi- goumène Justin lui envoya deux autres moines, porteurs de lettres, afin de le con soler et de l'encourager dans la voie du martyre. Quand Anastase partit pour la Perse, un des moines retourna près de Jérusalem annoncer à l'abbé tous les évé nements qui venaient de se passer; le second, nommé Georges, l'accompagna dans ses nouvelles pérégrinations pour le soutenir de ses prières et de ses exhortat ions, et mettre par écrit les souffrances du martyr. C'est la vie du Saint qui nous le dit expressément. L'auteur serait donc ce moine Georges, son compagnon de route. C'est cette biographie qu'a utilisée visiblement Georges Pisidès un écrivain de cette époque (2). VIIIe SIÈCLE Le vme et le ixe siècles sont l'âge d'or de la littérature sabaïte. L'existence des (1) Ada sanctorum, t. III., januar., p. 52. (2) M. P. ·., t. XCII, p. 1680 et s. Novemb 34 ÉCHOS D'ORIENT auteurs est pourtant enveloppée de t énèbres si épaisses, qu'il est impossible d'y faire pénétrer une grande lumière. En attendant les vies originales de ces écrivains, que l'Eglise a mis presque tous sur les autels, aidons-nous des ouvrages de seconde main et de tous les secours que pourra nous fournir l'érudidion mo derne. Saint Jean Damascene et son ami saint Cosmas oocupent la place d'honneur dans cette brillante phalange. Leur vie est entremêlée d'histoire et de légende; il n'est pas toujours aisé de recueillir les perles et de rejeter les scories. La pre mière biographie, écrite en arabe, est per due ; celle que nous possédons du patriarche Jean, au xe siècle, se présente sans fausse modestie comme légendaire. Le panégyr ique de Constantin Acropolite, du xie ou xue siècle, n'a pas une grande valeur. On peut néanmoins, à l'aide de ces documents, arrêter les phases principales de la car rière agitée de ces deux moines, sans viser toutefois à préciser les faits, ni à garantir toujours leur authenticité. Saint Jean naquit à Damas d'une famille riche, son père devait être le représentant civil des chrétiens auprès des califes arabes. Ses parents avaient, avant sa naissance, adopté un enfant de Jérusalem, du nom de Cosmas. Les enfants grandirent en semble, partageant les mêmes jeux, la même affection et la même éducation. Le père de Jean racheta un jour sur le marché des esclaves un vieux moine sicilien, appelé aussi Cosmas, très instruit et très vertueux, qu'il chargea d'élever ses deux enfants ; ils apprirent ensemble la rhéto rique, la dialectique, l'arithmétique, la géométrie, la musique, la poésie, l'astr onomie, la philosophie et la théologie; en un mot, ils parcoururent brillamment tout le cercle des études les plus complètes de cette époque. A la mort de son père, Jean lui succéda dans sa charge et jouit d'une influence réelle sur l'esprit des divers califes. La part qu'il avait prise par ses discours apologétiques dans la lutte en gagée entre Léon l'Isaurien et les partisans des images, lui valut d'attirer sur sa tête l'animosité de ce prince. L'épisode de la main coupée, survenu à la suite d'un odieux guet-apens, se rapporte à cette époque, 717-741. Il nous montre, avec la piété de Jean envers la Sainte Vierge, la haine dont le poursuivaient les membres· delà dynastie isaurienne; en même temps, il nous sert de point de repère dans la chronologie, On s'accorde d'ordinaire à faire partir Jean Damascene pour la laure de Saint-Sabas, à la suite de cet événement. Son vieux maître l'y avait précédé depuis longtemps, peut-être aussi son frère adoptif qui semble avoir habité quelques années la ville de Jérusalem, pour y gagner le surnom d'hagiopolite. L'higoumène de Mâr-Saba, Nicodème, le remit aux soins d'un vieillard morose, hostile à la poésie et à la musique, dont Jean faisait ses délices. Cette antipathie irraisonnée créa de fâcheuses contrariétés au novice de la part de son maître. Dès. qu'un vers ou une note frappait l'oreille de ce dernier, il déversait sa bile sur le délinquant, l'accablait d'injures, parfois de coups, et lui imposait les services les plus répugnants du monastère. Jean endura tout sans se plaindre ; au contact de ce moine grossier, sa vertu s'affermit davantage. Sa douceur triompha à la longue de l'âpre caractère de son maître, qui lui accorda finalement sa pleine liberté et goûta même ses chants. Le déclin de sa carrière est très obscur; certaines biographies le font sortir de son couvent, parcourir les provinces de l'Orient, afin de fortifier les volontés des chrétiens contre les assauts des iconoclastes et succomber martyr de son zèle et de sa foi ; d'autres, au contraire, racontent sa mort dans sa cellulle de Saint- Sabas, et Jean Phocas, témoin de cette tra dition, vénérait encore son tombeau en l'année 1 1 77 . La date de sa mort présente les mêmes difficultés : celle de 754 réunit le plus de suffrages, tandis que d'autres historiens préfèrent celle de 780. Tout le monde d'ailleurs s'accorde à lui donner une longue vieillesse ; il aurait vécu cent quatre ans d'après son biographe. Si nous LES ECRIVAINS DE MAR-SABA •étions sûrs de cette donnée, nous devrions reculer l'année de sa mort, à cause de ses rapports avec l'empereur Léon. Il n'a pas dû se retirei à Mâr-Saba dans une vieillesse décrépite, puisqu'il y composa le plus grand nombre de ses ouvrages. Le conciliabule de 754 voue sa mémoire à l'anathème avec celle de plusieurs apolo gistes défunts. Tant qu'on n'aura pas dé couvert la vie originale du Saint et précisé quelques dates, les hypothèses seront permises, si elles ne sortent pas du vme siècle. L'existence de son ami et frère adoptif, Cosmas, n'est pas mieux connue que la sienne. A quelle époque se retira-t-il à la laure de Saint-Sabas et combien de temps y passa-t-il? Voilà autant de questions qui n'ont point trouvé de réponse. Une chose est sûre, c'est qu'il devint évêque de Majumas près de Gaza, tandis que Jean Damascene recevait l'Ordre de la prêtrise. H doit avoir également composé ses rares ouvrages dans sa grotte de Mâr-Saba. Tenter d'analyser les œuvres du saint Thomas oriental, c'est vouloir écrire plu sieurs volumes; d'autres l'ont fait, je me contenterai de résumer brièvement leurs •conclusions. Nous pouvons l'envisager comme théologien, exégète et poète. Théo logien, il adressa uploads/Religion/ scriitorii-de-la-mar-saba.pdf
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- Publié le Jul 10, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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