ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES SECTION DES SCIENCES RELIGIEUSES M A R Q U A G

ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES SECTION DES SCIENCES RELIGIEUSES M A R Q U A G E C O R P O R E L E T S I G N A T I O N R E L I G I E U S E D A N S L ’ A N T I Q U I T É k k k k THÈSE DE DOCTORAT SOUS LA DIRECTION DE M. ALAIN LE BOULLUEC PRÉSENTÉE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 6 DÉCEMBRE 2004 PAR LUC RENAUT VOLUME I TEXTE MEMBRES DU JURY M. FRANÇOIS BARATTE Mme NICOLE BELAYCHE Mme VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT Mme CHRISTIANE ZIVIE-COCHE M. CONSTANTIN ZUCKERMAN P o u r F r é d é r i q u e « L a l u n e r o n d e e t b l a n c h e g u i d e s e s p a s » ΡΑ∆ΑΜΑΝΘΥΣ /λλ᾿ ο3χ 5καν9ν το;το, = Κυν@σκε · DπFδυθι δJ, Kπως NπισκοπOσω σε Dπ9 τPν στιγµSτων. ΚΥΝΙΣΚΟΣ Πο; γWρ NγY στιγµατ@ας NγενFµην ; ΡΑ∆ΑΜΑΝΘΥΣ ῾ΟπF- σα ]ν τις ^µPν πονηρW NργSσηται παρW τ9ν β@ον, καθ᾿ `καστον α3τPν Dφανb στ@γµατα Nπc τbς ψυχbς περιφJρει. ΚΥΝΙΣΚΟΣ eδοf σοι γυµν9ς παρJστηκα · gστε DναζOτει τα;τα iπερ σj φkς τW στ@γµατα. ΡΑ∆ΑΜΑΝΘΥΣ Καθαρ9ς lς Nπ@παν ο^τοσc πλkν τοfτων τριPν m τεττSρων DµαυρPν πSνυ καc DσαφPν στιγ- µSτων. Κα@τοι τ@ το;το ; nχνη µoν καc σηµεpα πολλW τPν NγκαυµSτων, ο3κ οqδα δo Kπως NξαλOλιπται, µsλλον δo NκκJκοπται. ΠPς τα;- τα, = Κυν@σκε, m πPς καθαρ9ς Nξ ^παρχbς DναπJφηνας ; ΚΥΝΙΣΚΟΣ tγu σοι φρSσω · πSλαι πονηρ9ς δι᾿ Dπαιδευσ@αν γενFµενος καc πολλW διW το;το NµπολOσας στ@γµατα, Nπειδk τSχιστα φιλοσοφεpν vρξSµην κατ᾿ wλ@γον xπSσας τWς κηλpδας Nκ τbς ψυχbς Dπελου- σSµην. ΡΑ∆ΑΜΑΝΘΥΣ /γαθy γε οzτος καc DνυσιµωτSτ{ χρησSµενος τy φαρµSκ{. /λλ᾿ ]πιθι Nς τWς ΜακSρων νOσους τοpς Dρ@στοις συνεσFµενος. RHADAMANTE : “Mais cela ne suffit pas, Cyniscus ; désabille-toi, pour que je t’examine d’après tes tatouages.” CYNISCUS : “Où donc ai-je été tatoué ?” RHADAMANTE : “Quel que soit le nombre de mé- chancetés que l’un de vous commet durant sa vie, pour chacune d’entre elles, il rapporte des tatouages invisibles sur son âme.” CYNISCUS : “Me voici tout nu devant toi ; tu peux maintenant rechercher les tatouages dont tu parles.” RHADAMANTE : “Tu es sans taches comme tous ceux-ci, à l’exception de ces trois ou quatre tatouages effacés et très peu distincts. Mais qu’est-ce donc que cela ? toutes ces traces et ces marques de brûlures qu’on a je ne sais comment effacées ou plutôt excisées ; pourquoi ces marques, Cyniscus, et comment se fait-il qu’on te trouve à nouveau sans taches ?” CYNISCUS : “Je vais t’expliquer : devenu jadis mauvais par manque d’é- ducation, et récoltant pour cette raison un grand nombre de tatouages, aussitôt que j’eus entrepris la philosophie, je me nettoyai l’âme de presque toutes mes souillures.” RHADAMANTE : “Eh bien, celui-ci utilise vraiment un médicament valable, et même très efficace ! Va-t-en donc rejoindre les meilleurs aux Îles des Bienheureux !” LUCIEN DE SAMOSATE, La Traversée ou le Tyran, § 24 P R É S E N T A T I O N G É N É R A L E Pour ne pas infliger à celui qui aura eu le courage de nous lire jusqu’au bout une conclusion dans laquelle nous ressasserions tout ce qu’il connaît déjà, nous proposons ces quelques pages qui devraient, bon an mal an, faire d’une pierre deux coups — à savoir présenter et introduire les problématiques qui ont été les nôtres, mais aussi donner sans tarder un aperçu des hypothèses que nous défendons et des résultats auxquels nous sommes parvenu. Nous avons souhaité organiser notre matière de la manière la plus simple qui soit, en distinguant autant que possible les différents chapitres et points traités, afin que notre lecteur puisse entrer dans notre étude par la porte qui lui plaira. Il disposera à chaque instant de notes de renvoi qui lui permet- tront de se rendre plus haut ou plus bas, pour trouver rapidement les éclaircissements qui lui manquent là où il se trouve, sans avoir besoin de retourner à la table des matières. Notre présentation générale, que nous envisageons également comme une sorte de guide de lecture, a été équipée du même mécanisme : les développements annoncés sont balisés, et l’on peut s’y reporter immédiatement. Chaque développement important est doté d’une introduction et d’une conclusion et, à la charnière de la première et de la seconde partie, on pourra lire une introduction1 où nous essayons d’expliquer et de justifier, d’une manière plus méthodique, l’articulation essentielle de notre problématique, celle qui a commandé le choix de notre double titre et l’emploi délibéré du terme signation. Cette étude a pour point de départ une série de questions rencontrées au cours de nos recherches précédentes sur l’iconographie de la croix chrétienne à la fin de l’Antiquité. À en croire certains, les premiers balbutiements graphiques de ce signe proviendraient en droite ligne de l’ancien taw cruciforme hébreu. Ce dernier aurait un long passé derrière lui, à la fois marque d’appartenance, de protection, d’élection, et même abréviation cryptée du nom de Yahvé. Othmar Keel assure que le taw a été porté par les prostituées sacrées de l’Orient ancien avant d’être gravé sur le diadème du grand prêtre de Jérusalem2. Erich Dinkler le reconnaît sur les 1 Cf. infra, p. 407 sq. 2 Cf. infra, p. 681 sq. II ossuaires palestiniens des débuts de notre ère3. Jean Daniélou le découvre sur le front des dissi- dents de Qumrân et sur celui des premiers lecteurs de l’Apocalypse de Jean, qui l’interprète- raient à la fois comme instrument de la Passion et comme initiale de ΧριστFς4. En somme, le judaïsme aurait légué au christianisme un symbole cruciforme très évocateur, dont l’usage religieux, ou même sacramentaire (onction ? signation ? tatouage ? aucune solution n’est écartée), était courant à l’époque où prêchait Jésus. Les Pères de l’Église avaient donc raison : par une grâce spéciale, la croix avait bel et bien été préfigurée ! Ce n’est pas tout. À qui sollicitait les lumières de l’école comparatiste, celle-ci offrait tout un catalogue de stigmates infligés aux adorateurs de Dionysos, d’Isis, de Cybèle, d’Atargatis ou de Mithra. À l’évidence, la notion de marquage corporel religieux était universelle. Qui en douterait, en parcourant le vaste monde ? À quoi s’occupent tant de peuples si prompts à se peindre et à se tatouer ? N’ont- ils pas, comme les Anciens, le souci de se mettre sous la protection des symboles essentiels de leur religion ? Ce tableau à charge est évidemment réducteur. L’ethnologie en particulier ne saurait y être enfermée. Un simple coup d’œil sur les informations collectées sur le terrain montre assez la diversité des usages prêtés au marquage corporel. Il n’entrait pas dans notre projet de réunir ne serait-ce qu’une partie des nombreuses données ethnographiques disponibles sur le marquage et les mutilations corporelles dans les sociétés traditionnelles extra-européennes. À supposer que l’on puisse mener cette tâche immense jusqu’à un terme satisfaisant, on ne serait pas mieux armé pour expliquer les interactions culturelles propres au petit monde qui s’agite autour de la Méditerranée au cours de l’Antiquité. Wilfrid Dyson Hambly a jadis tenté une histoire mondiale des pratiques de marquage corporel5. Ses 350 pages réunissent quantité de références utiles, malheureusement trop souvent interprétées à l’emporte-pièce. Sa documentation, en provenance presque exclusive des pays extra-européens, ne lui permet pas de se concentrer avec une attention suffisante sur les données 3 Cf. infra, p. 667 sq. 4 Cf. infra, p. 653 sq. 5 W. D. HAMBLY, The History of Tattooing and its Significance, with some Account of Other Forms of Corporal Marking, Londres, 1925. La bibliothèque du Musée de l’Homme possédait l’unique exemplaire français de cet ouvrage, avant qu’il ne disparaisse de ses collections au milieu des années 1990. Notre sœur Hélène Renaut, qui a photocopié l’ouvrage à San Francisco, nous a permis d’en déposer une copie à peu près correcte au Musée de l’Homme. III historiques relatives au monde méditerranéen6. D’autres, avant et après lui, se sont aventurés sur ce terrain, avec plus ou moins de bonheur7. Les travaux de Wilhelm Joest comptent parmi les plus approfondis. À une solide documentation ethnologique, il allie une bonne connaissance des textes classiques8. L’école française de médecine légale et d’anthropologie criminelle s’est également intéressée au marquage corporel, d’abord d’un point de vue sociologique — sur la base des théories extravagantes professées par Cesare Lombroso9 — puis sous un angle davantage historique et ethnologique. Les Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique (AAC)10 constitueront le relais principal de cette école, et publieront à la fin du XIXe et au début du XXe siècle un peu tout ce qui s’écrivait sur le tatouage, qu’il s’agisse de criminologie11, ou même d’ethnologie et/ou d’histoire12. Le médecin Lucien Bertholon (1854-1914) laissera une étude marquante en essayant de reconstituer un courant de diffusion du tatouage à partir de vestiges archéologiques, statuettes et représentations égyptiennes essentiellement13. Le uploads/Religion/ 1-texte-pdf.pdf

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  • Publié le Jul 31, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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