La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Ly

La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 - 1 - INTRODUCTION GENERALE « La longue complicité des hommes avec le monde des symboles permet d’espérer qu’il n’y a pas là seulement nostalgie, mais projet. »1 D.J. L’étude des différentes façons de saisir et de définir les “faits symboliques” et “archétypales”, constitue l’objet principal de notre présent essai. La première partie de cet essai traite en particulier des théories de Creuzer, Schelling, Freud, Jung et Eliade émises à ce propos. Si nous commençons par la “Symbolick”2 de Creuzer, oeuvre qu’adaptera Guigniaud à partir de 1825 sous le titre de “Religions de l’antiquité considérées dans leurs formes symboliques et mythologiques”, c’est que nous rencontrons dans cette oeuvre, de suggestives définitions du symbole, et surtout une précieuse étymologie au mot prestigieux et obsédant : “la symbolique”3. Il n’est pas indifférent de constater que, dans les mêmes années 1090-1900, où les poètes ont fait du symbolisme l’expression la plus moderne de la sensibilité esthétique, les sociologues, les ethnologues, les psychologues, les mythologues ont cherché dans les fonds premiers des sociétés élémentaires ou de l’intelligence enfantine, les obsessions symboliques. Le même parallélisme avait gouverné au XVIIIe siècle et au seuil du XIXe, les explorations du monde primitif et les tentations d’une pensée ésotérique. Actuellement, on ne se trompe pas si l’on affirme que la connaissance des faits symboliques et archétypales est liée au domaine le plus étroit de la philosophie de la Religion. Mais, malgré un effort considérable de déchiffrement accompli spécialement par les philosophes allemands, tout effort de véritable synthèse en ce domaine a jusqu’à présent échoué. Il en est aussi de tout système unitaire d’explication qui essaie de définir les religions à partir d’un seul symbole, que ce soit le “soleil” (Max Muller – Khun), ou la voûte céleste - Taylor, etc...). Par contre, on pourrait trouver d’utiles indications sur la vraie nature et sur la complexité de ces matières dans l’usage systématique de toutes sciences parallèles aussi bien la psychologie, la philologie ou la sémantique comparée. 1 Voir Encyclopédie Univ. isl. 15. "symbole", p. 616, 1973 2 Creuzer F. "Symbolick und Mythologie der Alten Volker" trad. française par Guigniaud J.D. en 10 volumes, Paris, Treuttel et Würtz, 1823. 3 Il est un symbolisme qui exprime un certain état primitif des civilisations et un autre qui désigne une époque littéraire ; le symbolique qui est l'adjectif courant dérivé de symbole ne se confond pas avec la symbolique qui est un système d'Histoire des religions. La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 - 2 - Car la langue parlée, même nos langues très évoluées, a donc la possibilité de fixer soit dans les racines, soit dans des expressions usuelles, des symbolismes très anciens ; nous en indiquerons dans notre essai. Mais, mis à part ces cas privilégiés ou celui des dogmes religieux d’une fixité relative, Salomon Reinach indique la nature fluente des symboles qui évoluent de façon souvent imprévisible. Ainsi en est-il pour ne citer qu’un exemple, de la transformation étrange qu’ont subi les deux piliers de Tyr, “Boaz”, et “Ouakin”. A. Audin,1 a fait une enquête sur les piliers jumeaux dans l’iconographie et les textes du Proche-Orient ancien. En prolongeant l’examen ébauché par ce chercheur, on s’aperçoit que les anciens avaient déjà quelques peines à décrypter le language du symbole. Ainsi Hérodote2 dit-il son étonnement de voyageur devant le temple de Meikart à Tyr, où le Dieu était adoré sous la forme de deux piliers d’or fin et d’émeraudes qui brillaient dans la nuit. Mais Hérodote s’en tient là et ne fait pas d’autre commentaire, Lucien affirme que Dionysos avait érigé dans le temple d’Atargatis à Hiérarpolis (Membig en Syrie) deux colonnes phalliques hautes de plus de cinquante cinq mètres, avec cette inscription ; “ces phallus ont été élevés par moi, Dionysos, en l’honneur de Junon, ma belle-mère”3. En fin de compte, pour le lecteur arrivé au terme du récit, le symbolisme des deux phallus reste ambigu. Hérodote et Lucien sont des observateurs pour lesquels le sens architectural des deux piliers, ou du moins le sens de la dualité des piliers est déjà perdu. Ne possédant plus la clé de lecture du symbole, ils s’en tiennent à de simples mentions d’observateurs. Il y a là le phénomène d’une symbolique vidée de sa portée significative première et affectée d’une nouvelle fonction4. Cela doit nous amener à conclure que le repérage des significations dont la symbolique est chargée, peut être une opération très délicate, et plus encore quand il s’agit d’opérer dans la symbolique phénicienne. Schelling5 et Creuzer nous montrent bien le chemin à suivre dans ce domaine. Un exemple biblique illustre bien la surdétermination langagière dont un symbole peut être affligé. Le temple de Salomon comportait deux piliers : Ouakin au Nord et Boaz au Sud, qui précédaient l’entrée monumentale, et selon toute vraisemblance, ne supportaient rien, flans son état actuel, le texte biblique (1.R.7, 18-20) insiste surtout sur la pureté de la décoration, veillant à mettre en avant l’absence de toute représentation idolâtrique, selon l’interdit de Ex. 20, 2- 1 A. Audin, "les piliers jumeaux dans le monde sémitique" Arch. Orient. 1953, P. 430-439 2 Hérodote Hist., 11. 44 3 Lucien. "De Dea Syria" 16, 28. 4 Notre thèse sur Adonaï vient à l'appui de ces propos. 5 Voir Schelling dans les "Les âges du Monde" suivi des "Divinités de Samothraces" Aub. Mont. Kiris, 1949. La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 - 3 - 6; Dt.3, 8-10 et Ex. 34, 17. On a là la dernière signification architecturale des deux piliers ; concourir dans l’ensemble au refus de représenter la divinité. Les noms donnés traditionnellement aux piliers leur confèrent un autre message, même si dans l’état actuel de nos connaissances, l’interprétation de ces noms reste sujette à conjectures, puisque le texte ne permet pas de préciser qui les a imposés. Soit Hyram de Tyr, l’architecte, soit Salomon lui-même ; dans le premier cas, il s’agirait du voeu de stabilité exprimé par le maître d’oeuvre : “voilà qui tiendra bon”, dans le deuxième cas, la solidité des colonnes est le symbole éloquent du rêve de la continuité dynastique “que Yahweh fasse tenir - Yay-Kin, en force Bé az .”1. A ce niveau, le symbole ne parle donc plus que par l’addition d’un élément étrange à sa nature première et par surdétermination. On peut se demander toutefois si cette herméneutique par pièces rapportées était bien celle des constructeurs phéniciens du Temple. Prompts à sculpter les deux Chérubins et leur image sur les portes successives (l B. 6, 23-26), ils implantent à Jérusalem une langue symbolique dont leur pays d’origine était familier. Car Hiram, en plaçant les deux colonnes à l’entrée du Saint des Saints du Temple de Jérusalem, ne faisait qu’imiter le geste ancestral de Meikart, qui plaça ces mêmes colonnes aux portes de la Méditerranée2, saint des saints de ses adorateurs Tyriens. Ainsi la prophétie de Jurus au sujet de Meikart s’accomplit ; “Tu triompheras d’une mer inconnue, et le premier de tous les mortels tu verras les bornes de la terre, et tu deviendras si grand, que El-Xronos et les autres dieux te regarderont comme leur égal”.3. Nous ajoutons que les correspondances troublantes entre les symboles évolués, usités par les peuplades de nos diverses régions, et visibles surtout dans les coutumes et les monuments, paraîtraient inexplicables, malgré les lacunes inévitables de notre information sur leurs origines, si l’on ne faisait pas état des lois profondes que commence d’établir la psychanalyse, celle de Jung en particulier.4. Et si enfin, on considère d’un peu près l’homme d’aujourd’hui et son comportement, il est aisé de se rendre compte, que, malgré son rationalisme apparent, il n’a pu se détacher des symboles refoulés dans son inconscient. Mircea Eliade avec son oeuvre féconde, nous indiquera lui aussi la voie à suivre quand il nous parle des symboles et des archétypes y notions clés de ce présent essai. 1 Iakin et Boaz reprennent le rôle des chérubins mésopotamiens gardiens des temples, protecteurs de l'Univers contre les malfaisants, guide des adorateurs vers la divinité. Dans le Dict. des Relig. p. 220, nous trouvons mentionnées dans les traditions cabalistiques les deux colonnes, une combinaison séfirotique de la bonne Sitara, et de la Sitra AHArA, monde du Mal. 2 Pour longtemps cette mer fut appelée "Mer Tyrhénienne". 3 Voir Wagenfeld F. "Analyse des neuf livres de la Chronique de Sanchoniathon" Paris, Paulin. 1836. p.127. 4 C'est d'ailleurs sur la question du symbole que se produisit le clivage puis la rupture entre Freud et Jung avec la publication de ce dernier de son "Métamorphose et symbole de la Libido" en 1911. La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 - 4 - S’il est vrai comme le dit Ernest Cassirer dans sa “Philosophie des formes symboliques” 1 “que parmi les grandes religions culturelles, c’est la religion phénicienne qui uploads/Religion/ symbolique-archetypes-mythologie-phenicienne.pdf

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  • Publié le Jan 30, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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