«UNIVERSITAS PRAEDECT1NATORUM» ET «CONGREGATIO FIDELIUM » DANS L’ECCLESIOLOGIE
«UNIVERSITAS PRAEDECT1NATORUM» ET «CONGREGATIO FIDELIUM » DANS L’ECCLESIOLOGIE DE JEAN HUSS Lorsqu’en 1413 Jean Huss donna suite à un projet longtemps caressé, en écrivant son traité De Ecclesia, il apparut, dès les premiers chapitres de sa nouvelle œuvre, qu’il avait définitivement adopté la définition wiclifienne de l’église comme « ensemble des prédestinés )). C’était un geste « téméraire ) ) (au sens canonique du mot). Ainsi en jugèrent Gerson et les théologiens de Paris et, sans doute aussi, le Concile de Constance 1. Chose étonnante, en se laissant entraîner par Wiclif à définir l’église eomme Universitas praedestinatorum, Huss créa non seulement «avec ٠Liste des sigies et des principales abréviatiens empleyés dans eette étude : HM ت Johannis Hus et Hieronymi Pragensis Historia et Monumenta. Nurem- berg, 1558. DE : Tractatus Magistri Joannis Hus de Ecclesia, édité dans le tome premier des HM. SS : Mag. Joannis Hus Sermones de Sanctis. Ed. w. Flajâhans, Prague, 1908. Sent. : Mag. Joannis Hus Super I V Sententiarum. Ed. w. FlajShans et M. Kominkova, Prague. Fl. : M.IO. Hus, Sermones in capella Bethlehem. Ed. V. Flajâhans, dans : Vëstnik Královské Ceské Spolecnosti Nauk, fasc. 4, 1941, n° I . M. j. H. : j. S e d l á k , M istr Jan Hus. Prague, 1917. Erb. : j. E r b e n , Husovy âeské sebrané spisy. Trois volumes, Prague, 186 ؤà w, DE : W i c l i f , Be Ecclesia. Ed. j. Loserth, Londres, 1885. W, FC : W ic l if, Be Eide catholica, dans : W ic l if, Latin Works, opera minora. Ed. j . Loserth, Londres, 1913. W, p p : W ic l if, Be Potestate Pape. Ed. j . Loserth, Londres, 1907. W, CD : W ic l if, De Cîvili Dominio, tome I. Ed. B. Lane Poole, Londres, 1884. W ,REV : W ic l if, Responskmes ad argumenta cuiusdam emuli veritatis, dans : Latin Works, opera minora. Ed. j. Loserth, Londres, 1913. W, DC ت W ic l if, De Ordine christiano, dans les mêmes opera minora. W, PC : W ic l if, De Paupertate Christi, ibid. Doc : F r . P a l a c k y , Documenta Mag. Joannis H us.٠٠ ,Prague, 1869. I . Les Erreurs de Jean Huss sur les prédestinés dans : Irénikon, t. 26, 1953, p. 237 à 225. PAUL DE VOOGHT 488 tém érité» une eonfusion regrettable dans la terminologie traditionnelle, mais il introduisit aussi la eontradietion dans sa propre théologie. Jusqu’en 1413, les positions de Huss (dont son Commentaire sur les Sentences (1407-1409) fournit un exposé complet) restent catholiques dans leur ensemble. De l’église, il n ’a pas traité ex firofesso, mais toute sa théologie se m eut dans les cadres de l’église considérée traditionnelle- m ent comme un corps empirique, une société des croyants, sacramentaire et hiérarchisée. Des textes explieites, suffisamment expressifs par eux- mêmes, ne m anquent pas. Il en est même trop pour qu’on puisse les citer tous. Commentant (en 1404-1405) la première Épître de saint ?ierre et arrivé au chapitre cinquième, Huss note, à côté de la salutation de l’apôtre : salutat vos ecclesia, ces mots : ecclesia id est congregatio fidelium 2. De principe qui unit ou, si l’on veut, le lien formel de l’église est ici la foi. Dans un passage parallèle du Commentaire sur la première Épître de saint Jean, Huss déclare que certains mauvais chrétiens m anquent de charité, déchirant l’église par des doctrines pernicieuses 3. L ’église, où il n ’est pas impossible qu’on manque de charité et qui est déchirée par une doctrine fausse est celle que la vraie foi et la charité m aintiennent dans l’unité. C’est la congregatio fidelium. Dans un autre passage des mêmes commen- taires, Huss enseigne que l’église est symbolisée par l’arche de Noé, fabriquée de bois différents. De même l’église est-elle composée de chré- tiens dissemblables dont une partie seulement, la plus petite, sera sau- vée 4. L ’église, ainsi, n ’est pas formée des seuls élus. Commentant (en 1403-1407) le psaume 109, Huss cite le verset d ’Isale : «le Seigneur consolera Sion ». Sion, enchaine-t־il, est l’église m ilitante que Dieu rassemble des nations en les appelant à la foi 5. C’est, encore une fois, la fides qui unit les fidèles dans l’église. Même idée dans le Corn- mentaire du psaume 117. Huss exhorte ceux qui ont mission d ’enseigner dans l’église : docteurs, évêques, maîtres, prêtres. Qu’ils ouvrent donc les portes de la justice, c’est-à-dire la vérité des Écritures et la vertu des sacrements. On y entre par l’intelligence et la foi 6. Voilà bien l’église 2. In Iam Ep. Pétri, €٠ 5 (HM, II, f. 1 7 6 V ) · 3. Glosa, quia m ulti eharitatem non habentes et unitatem eeelesiae pravo dog- matescindentesnibllominus spiritum sanetum in se esse eontendunt. In Iam Ep. Joa., e. 4 {HM, II, f. 2 i o v ) · 4. Nota per archam significatur eeelesia quae collecta est ex diversis fidelibus : sicut archa composita est ex diversis lignis, in qua pauci respectu damnatorum salvantur. In lam Ep. Petri, C. 3 {HM, II, f. 169r). 5. De hac reparation© dicitur Isaïae 51 : consolabitur dominus Sion, id est ecclesiam militantem de gentibus congregatam, scilicet, ipsam ad fidem vocando, et implebit ruinas, id est numerum reparabit eeelesiae trium phantis per salvandos homines. In Ps. 109 {HM, II, f. 235v)· 6. Ergo o vos doctores, episcopi, magistri et sacerdotes qui tulistis claves regni 9ة4 L’ECCLÉSIOLOGIE DE HUSS comme institution de salut, exigeant la foi et la participation aux sacre- ments de la foi. Prêchant (en 1405) le sermon synodal devant le clergé réuni de l’ar- chidiocèse de Prague, Huss procède à une énumération des sens du m ot église. Après avoir cité le sens m atériel de construction en pierre, Huss expose que le m ot désigne également le contenu, après le contenant, c'est-à-dire ceux qui s’y réunissent : le clergé et les fidèles. On parle ainsi de l’église de Rome : le pape et ses cardinaux, ou de l’église de Prague : l’archevêque entouré de ses clercs. Les congregationes fideliutn hiérarchisées sont autant d’églises particulières 7. Dans le De arguendo clero (1408), nous trouvons la communitas fiopuli fidelis dans laquelle les mauvais chrétiens (scandalosi) côtoient les bons (justi). Aux prédicateurs de les séparer les uns des autres® ا Nous lisons dans les Sermones de Sanctis (av. 1408-140 )؟que l’église m ilitante rassemble sur terre indifféremment les bons et les mauvais (colligit indifferenter). Elle est le filet jeté dans la mer de ce monde. A la fin des temps, le filet sera amené au rivage et le tri sera opéré par ceux qui siègent pour juger .٠ E n 1410, Huss prêche un sermon sur l’église. Il développe le texte em prunté à M atthieu 20, 4 : Ite et vos in vineam meam. Nous y retrou- vons la notion d’église société des croyants. L’église, prise dans ce sens, expose Huss, rassemble tous ceux qui professent la même foi, ne fût-ce que de bouche. Les prédestinés et ceux qui ne le sont pas s’y trouvent coelorum, aperite vestes d0€trinis et praedieatfonlbus portas justitiae, id est veritatem scripturarum et virtuteia saeramentorum mihi populo catholico : supple, quia ingressus, seilieet, per intelligentiam et fidem in eas, scilicet, portas veritatem scripturae et rtrtutem saeramentorum Christi, confitebor fidem et laudem expri- mendo. In Ps. 117 (H M , II, f. 27o1). 7. Secundo modo ecclesia accipitur metonomice pro consentis, sive sint spiritua- liter ministrantes inibi, qui vocantur famosi viri ecclesiastici, sive quicumque fide- les laici, aut clerici. E t tot sunt gradus ecclesiarum hujusmodi quot sunt congre- gationes fidelium, ut alia dicatur romana ecclesia, ut papa cum cardinalibus... alia Pragensis, ut dominus archiepiscopus cum clericis majoribus... Sevtno : Diliges (.HM, II, f. 28. رأ 8. M ittet filius hominis angelos suos id est sacerdotes sanctos et colligent scilicet per verbum praedicationis de regno ejus id est de ecclesia militante, quae est communitas populi fidelis, scandala id est scandalosos et separabunt eos de medio justorum. De arguendo clero (HM, II, f. 150V). 9. Regnum coelorum est ecclesia militans secundum Gregorium, quae nunc missa est in mare hujus mundi et est congr^gans ex omni genere, scilicet bonorum e^ malorum, quae dum impleta fuerit secundum numerum praedestinatum a domino educetur ad littus (i. e. finem mundi), de qua sedentes in sedibus judicii eligent bo- nos beatificandos in vasa sua (i. e. tabernacula), sed malos damnandos m ittent foras, u t ecclesia sponso suo sine ruga et macula ofieratur. Ecclesia militans nunc colligit indifierenter. S5, XVIII, in Matth., 13,44/45, p. 106. Dans le DE, les « mau- vais מseront devenus les praesciti. Voir p. 496. PAUL DE VOOGHT 490 mêlés. Plusieurs paraboles l’ont désignée : le grain et la paille, le froment et ظzizanie, les vierges sages et les vierges folles, le filet jeté à la mer et qui ramasse les bons et les mauvais poissons *.٠ E u 1411, Huss uploads/Religion/ vooght-congregatio.pdf
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- Publié le Jan 23, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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