DU SENS DE QUELQUES MOTS EN HEBREU DANS LES RITUELS COMPAGNONNIQUES AVANT PROPO

DU SENS DE QUELQUES MOTS EN HEBREU DANS LES RITUELS COMPAGNONNIQUES AVANT PROPOS Les rituels et légendes compagnonniques lus en Atelier comme en Cayenne contiennent un certain nombre de mots d'origine hébraïque. Ceci peut a priori surprendre. Si les nombreuses Confréries du Moyen Age, qu'elles aient été religieuses (Confrérie du Saint Sacrement par exemple), ou de métier (Merciers. Poissonniers. Etc...), ont utilisé des rituels de prière qui leurs étaient propres, -et rien n'est moins sur-, ceux-ci étaient sans doute rédigés en latin. La fréquentation des clercs peut également leur avoir donné une connaissance superficielle du grec. On peut concevoir, a fortiori, que les Compagnons bâtisseurs dont les rituels sont les nôtres, en contact permanent avec les hommes d'Église, aient acquis une bonne maîtrise des deux langues précitées. LA PLACE DE L'HEBREU Il n'en va pas de même pour l'hébreu. Cette langue fut relativement peu étudiée au Moyen Age. Il faudra attendre Johannes Reuchlin (1455-1522) et Pic de la Mirandole (1463-1494) pour voir de grands esprits se consacrer à son étude, dans le but avoué de trouver une finalité chrétienne à la Kabbale juive. Alors que, depuis Saint Jérôme, les rares hébraïsants non juifs ne s'étaient guère intéressés qu'à l'aspect biblique de cette langue, l'intérêt pour le corpus kabbalistique développa l'étude des formes mishniques, voire médiévales, de l'hébreu. Au demeurant, il faut reconnaitre qu'en dépit d'une apparente compétence dans la lecture des textes, les kabbalistes chrétiens ont souvent distordu la réalité grammaticale ou le vocabulaire de la langue hébraïque pour mieux justifier leurs opinions. Fût-ce là l'expression d'une certaine "malhonnêteté" intellectuelle, assez fréquente à l'époque, ou tout simplement connaissance insuffisante de la langue? Gageons, sans pouvoir quantifier le phénomène, que la réalité participe un peu des deux! Il existait pourtant, en Europe, une population ayant conservé la pratique, au moins écrite, de l'hébreu. II s'agit, bien sûr, des Juifs dispersés un peu partout dans les contrées de cette partie du globe. Jouissant, ou plutôt souffrant devrions-nous dire, de statuts les mettant souvent à part du reste de la population, ils n'étaient au contact de celle-ci, dans les meilleurs cas, qu'au travers d'échanges simplement utilitaires. Souvent bannis en tant que communauté par les princes de l'époque, de Philippe le Bel à Ferdinand et Isabelle les Rois très Catholiques, ils revenaient en tant qu'individus indispensables au fonctionnement des Etats. Leur production littéraire, essentiellement religieuse, fut puissante et très importante, surtout dans les rares périodes de répit (Age d'Or espagnol) qui leur furent accordées, ou dans les quelques états qui leur témoignèrent un peu de bienveillance (Italie. Pays-Bas). Il faut cependant remarquer que l'hébreu occupa, dans la période du développement historique du Compagnonnage, une place non négligeable dans l'étude des sciences traditionnelles de l'époque que sont l'astrologie, et surtout l'alchimie et la magie. Parallèlement à ce qu'il faut bien appeler une certaine égyptolâtrie qui consacrera -à tort- Hermès/Thot comme le père de la transmutation de la matière, l'Ancien Testament servira de base à nombre de spéculations. C'est ainsi que le « De Occulta Philosophia » de Cornelius Agrippa (1486-1535) contient des mots en hébreu et que Michel Maïer (1568-1622) publiera en 1620 à Francfort sa "Septimana Philosophica", où les protagonistes sont Salomon roi d'Israël, Hiram de Tyr, et la reine de Saba, la belle et subtile Balkis. Le Tétragramme apparait, souvent méconnaissable d'ailleurs, dans de nombreuses illustrations, telle celles de "Utriusque Cosmi" de Robert Fludd (1574- 1637) en 1619, ou du "Janitor Pansophus" de 1677. Nombre d'alphabets "magiques" sont largement inspirés de l'Aleph-Beth hébraïque. Citons encore les écrits d'Athanasius Kircher (1602-1680), surtout ceux à caractère vétérotestamentaire, tels que « Arca Noe » ou bien « Turris Babel », qui contiennent de nombreuses citations hébraïques. Il n'en reste pas moins que l'on imagine mal que des contacts suffisants aient pu s'établir entre les Juifs et les Compagnons bâtisseurs de l'époque, permettant à ceux-ci de se définir un vocabulaire hébraïque d'idées et de mots de passe ésotériques. Et pourtant, les faits sont là. Sans prétendre à l'exhaustivité, nous avons relevé un nombre important de mots d'origine hébraïque dans les légendes compagnonniques, et leur présence constitue à elle seule un témoignage. Elle est une preuve incontestable de l'activité intellectuelle d'ouvriers dont certains aimeraient à penser que des mains calleuses constituaient leur seul capital. Bien au contraire, l'engagement et l'acte de foi en commun ont permis -et permettent encore- d'ouvrir les voies mystérieuses qui joignent la Sagesse de l'âme, la Force de la main, et la Beauté du travail accompli. LES MOTS AU PREMIER GRADE DE COMPAGNON LES CLÉS DU COFFRE Au soir même de son entrée dans le Compagnonnage, le néophyte assistera à une cérémonie dont la portée lui échappera sans doute, ce qui est d'ailleurs bien normal. Il s'agit de la fermeture du Coffre compagnonnique, à la fois meuble et symbole, dans lequel on peut tour à tour voir l'Autel des sacrifices ou l'Arche d'Alliance, la matrice primordiale ou la tombe. Cette fermeture se fait, d'une manière identique à l'ouverture, au moyen de trois clés, possédées respectivement par l'Orateur, le Gardien, et le Maitre d'Œuvre. On notera que ces trois Officiers sont tous, en théorie, possesseurs des secrets du Maitre d'Œuvre. Les trois clés portent chacune un nom, dont nous allons maintenant examiner la signification. La clé de l'Orateur s'appelle GABAON (גבעון) Le dictionnaire de F. Icher1 définit ainsi ce mot: « Une tradition orale propre aux Indiens signale que dans l'antiquité ce nom était donné à tout Compagnon Charpentier du Rite de Salomon qui était reçu Compagnon fini. Le Livre des Rois signale que Gabaon était le principal des hauts lieux avant l'érection du Temple, c'est là où fut déposé le Tabernacle sous le règne de David ». Une recherche plus complète, menée au moyen d'une Concordance Biblique2 montre de nombreuses occurrences du mot dans Samuel II, dans le premier livre des Rois, ainsi que déjà dit, mais aussi dans Josué, les prophètes Isaïe et Jérémie, ainsi que dans Néhémie et I Chroniques. Nous rappellerons ainsi que Gabaon fut le lieu de la victoire de Josué, qui arrêta le soleil et la lune pour terminer le combat. Les Gabaonites avaient auparavant conclu une alliance avec les Israélites, et prévinrent Josué de l'imminence de l'attaque ennemie. La ville échut à la tribu de Benjamin. Elle fut le théâtre d'assassinats politiques provoqués par David. Salomon y sacrifia, bien que l'Arche fût déjà à Jérusalem, car la ville était un "haut-lieu", c'est à dire un endroit, comme il y en eut beaucoup en Judah et Israël, où une prêtrise locale rendait un culte à l'Eternel, mais aussi quelquefois - hélas- à d'autres divinités. C'est à la suite du rêve qu'il fit dans cette ville que Salomon reçut le don de Sagesse de la part de l'Eternel. 1 "Dictionnaire du Compagnonnage" de François Icher, Le Mans 1992. 2 "Concordantsiah Ḥadashah". Even Shoshan. Jérusalem 1988 (en hébreu). La clé du Gardien se nomme ISH CHOTREB. Le dictionnaire déjà cité s'exprime ainsi sur ce sujet : « Inscription visible sur le brevet de Compagnon Initié, délivré par les Compagnons Charpentiers du Devoir de Liberté. Ish Chotreb signifie, en hébreu, homme à travailler le bois. Une légende précise que Ish Chotreb furent les premiers mots prononcés lorsqu'on découvrit le corps décomposé du Maitre Hiram, assassiné par trois mauvais Compagnons. Ish Chotreb devint alors le mot de passe pour tous les ouvriers travaillant au Temple de Jérusalem ». Nous trouvons, avec Ish Chotreb, le premier exemple d'hébreu "de cuisine". Il nous a fallu rechercher le mot exact en partant de sa signification proposée "travaillant le bois". Chotreb n'existant pas (Ish איש) ore signifiant bien "homme). Le mot approprié est en fait ḤOTEV (חטב) qui veut dire "couper, élaguer du bois", une racine arabe voisine parlant même de bois de charpente. La difficulté, classique, vient de la transcription de la lettre ח en hébreu. Nous l'avons rendue ici par le H sub-pointé Ḥ, employé internationalement, et tout de même meilleur que le CH du mot compagnonnique, employé sans doute par analogie avec le CH dur allemand bien connu dans "Nach" ou "Noch". En fait, la seule comparaison phonétiquement correcte avec une lettre latine est celle du G espagnol, tel qu'il est entendu dans Cartagena ou Gijón. A ces difficultés de transcription près. ISH ḤOTEV signifie donc bien "Homme qui travaille le bois". On notera la proximité du mot décrivant l'action de tailler la pierre, et non plus le bois, cette fois: ḤOTSEV (חצב). L'origine charpentière du Compagnonnage que nous pratiquons semble bien affirmée ici. En effet, les légendes relatives à la découverte du corps d'HIRAM, telles que nous les connaissons dans d'autres traditions, font allusion au fait que les multiples talents de celui-ci lui permirent de prendre la tête de la construction du Temple, et d'en devenir, de facto, l'architecte. Le nouveau mot de passe devant être substitué à l'ancien, de peur que le Maitre ne l'ait révélé sous la torture, se rapporte alors précisément à cette qualité d'architecte, et a l'état dans lequel il est retrouvé. Rien de tel ici, où l'exclamation naturelle uploads/Religion/du-sens-de-quelques-mots-en-hebreu-dans.pdf

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  • Publié le Jan 29, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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