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327 c o l l o q u e c a s i m i r c h e va l i e r ( t o u r s , 2 8 m a i 2 0 1 1 ) L’abbé Chevalier et la rhabdomancie Jacques Borowczyk* Résumé La pratique de prospection pour localiser des courants d’eau souterrains à l’aide d’une baguette (rhabdos en grec) ou d’un pendule, aussi ancienne que la civilisation, relève- t-elle d’un don particulier ou d’une théorie scientifique acceptée comme telle ? À l’ère du scientisme triomphant, le jeune abbé, héritier du siècle des Lumières et de l’abbé Nollet participe à la réflexion et à la diffusion d’explications liées au magnétisme. Resumen ¿La práctica de la prospección para localizar los corrientes de agua subterraneos con una varilla (rhabdos en griego) o con un péndulo, tan antigua como la civilización, se explíca por un don particular o por una teoría cientifica admitida ? En la era del cienti- ficismo triunfante, el joven abate heredero del siglo de la Ilustración y del abate Nollet, participa en una reflexión o en una difusión de explicaciones ligadas al magnetismo. « Le problème posé par les sourciers, savoir l’explication du mécanisme des signaux qu’ils obtiennent avec leur baguette, est sans solution depuis des siècles. Les prétentions parfois excessives de leur propre interprétation, ainsi que toutes sortes d’extensions et d’assimilations contestables à d’autres phé- nomènes ont en fait rejeté cet effet hors du domaine de la science, en laissant planer un doute sévère sur sa réalité physique ». Voilà ce qu’écrit en 1962, le Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, tome 23, 2010, p. 327-334. * Trésorier de l’Académie de Touraine. 328 physicien Yves Rocard (1903-1992) dans l’avant propos de son ouvrage Le signal du sourcier. Le jeune séminariste Casimir Chevalier est confronté à cette question au cours de l’année 1847, alors qu’il approfondit sur le terrain ses connais- sances géologiques : en avril et mai, quelques mois avant que ne se tienne à Tours, la XV e session du Congrès scientifique de France, où il se fera remar- quer, Casimir Chevalier participe à divers travaux d’expertise géologique sur le chantier de construction de la ligne de chemin de fer d’Orléans à Vierzon dans la région d’Olivet. Il va être initié à cette pratique de prospection à l’aide d’une baguette (rhabdos en grec) pour localiser des courants d’eau souterrains, pratique qui semble aussi ancienne que la civilisation et s’est interrogé pour savoir si cet art relève d’un don particulier ou d’une théorie scientifique. Il a ainsi l’occasion de rencontrer le comte de Tristan qui devait présider la section des sciences du Congrès de Tours et de tester les résultats de sa publication de 1826. Le texte La baguette divinatoire justifiée scientifiquement, que fit paraî- tre au début de 1848 l’abbé Chevalier dans les colonnes du Journal d’Indre- et-Loire1, est « une de ses plus curieuses œuvres de jeunesse » selon l’abbé P. Verger qui le résume ainsi : « tous les mouvement de la baguette sont un phé- nomène naturel et s’expliquent par les quatre lois d’Ampère sur l’action réciproque des courants électriques ». L’abbé P. Verger ajoute : « Cette démons- tration lui paraissait-elle concluante dix ou vingt ans plus tard ? Je n’oserais l’affirmer2. » Ce texte est daté du 10 février 1848 et signé « Un des secrétaires du Congrès scientifique de Tours ». Il sera inséré dans la France centrale à Blois puis complété en décembre 1852 par la bibliographie dans les Annales de la Société d’Agriculture du département d’Indre-et-Loire3. Voici le résumé qu’en fit l’auteur4 : « La baguette divinatoire est une fourche de coudrier qui, employée au moyen âge pour la découverte des sources, des mines et des trésors, fut appliquée au XVII e siècle à la recherche 1. 29 et 31 janvier, 2, 6, 12, 16 et 18 février 1848. 2. Monseigneur Chevalier, notice biographique et littéraire, Tours, Mame, 1894, p. 16. 3. Tome XXXI, 1852, p. 41-98. La Bibliothèque municipale possède de plus une brochure imprimée à Tours non signalée dans le Catalogue des imprimés de la Bibliothèque nationale. 4. Tableau analytique des travaux et publications de Mgr Chevalier, Tours, 1882, in-8°, 96 p. 329 de criminels. Dans cet instrument, nos pères avaient vu un engin diabolique, dont l’usage devait être interdit. En le réduisant à son rôle physique et en l’étudiant avec la méthode scientifique, on démontre qu’on peut le justifier de cette imputation. Les quatre lois d’Ampère sur l’action réciproque des courants électriques expliquent en effet, tous les mouvements de la baguette divinatoire. C’est une des premières tentatives qui aient été faites pour interpréter par les lois ordinaires de la nature certains phénomènes étranges, autrefois réputés surnaturels. » Ce texte de vulgarisation comporte un historique des moyens utilisés au cours des âges pour la découverte des sources, des mines et des trésors, la relation de différentes expériences sur le chantier du chemin de fer au sud d’Orléans en avril 1847 ainsi que de multiples interventions en Touraine du jeune clerc au château de Paviers, près de L’Île-Bouchard, dans la propriété du marquis de Quinemont, le beau-frère du comte de Tristan en août et sep- tembre 1847, à Saint-Mars-la-Pile, Cinais, Champigny-sur-Veude, Esvres-sur- Indre, le Louroux, et Saint-Antoine-du-Rocher. Casimir Chevalier souscrit à l’appréciation de Rancé, seigneur de Véretz, abbé réformateur de la Trappe et neveu de Victor le Bouthillier, archevêque de Tours qui « soutint que la baguette pouvait tourner naturellement sur les mines et les sources, mais rejeta tous les autres phénomènes sur le charlata- nisme ou sur la magie. » Casimir Chevalier expose le mode d’emploi : « la baguette doit être bifurquée ou en forme de petite fourche » ; on doit « appuyer les coudes aux hanches, sans contrainte et avoir les bras horizontaux et parallèles. Les mains, placées en supination, et les pouces en dehors devront tenir la baguette. » Dans l’esprit de la méthode scientifique qui sera formalisée en 1865 par Claude Bernard dans son Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Casimir Chevalier va « poser le problème, émettre des hypothèses, faire des expériences, décrire les résultats, interpréter, présenter des conclusions. » Ainsi des modifications du phénomène se produisent lorsqu’on s’enve- loppe la main gauche de soie (fig. 1), lorsqu’on tient à la main droite une pièce d’argent, la baguette monte, lorsqu’on tient à la main droite une pièce de cuivre, la baguette s’incline. Le texte se poursuit par l’exposé des idées développées dans un ouvrage du comte de Tristan. « Ces expériences ont été renouvelées avec un véritable succès par l’ingénieur chargé du tracé du chemin de fer de Vierzon dans la 330 traversée du val de Loire. » M. le comte de Tristan entend démontrer que le phénomène de la baguette divinatoire doit être attribué à une cause électrique. Il fit de 1822 à 1825 plus de quinze cents expériences dans son domaine de la Source notamment, qui l’amenèrent à des résultats publiés en 1826 dans un opuscule intitulé Recherches sur quelques effluves terrestres que Casimir Chevalier résume ainsi : « 1° la cause immédiate du mouvement de la baguette émane du sol et est transmise par le corps humain, surtout par le côté droit car si l’on enve- loppe de soie la main ou le pied droit, tout mouvement est annulé ; 2° cette force semble due à deux fluides qui circulent en hélice autour de l’instrument, mais dans un sens tout opposé ; 3° le fluide positif qui vient par la main droite emploie une partie de sa force à annuler complètement le fluide négatif qui vient par la main gauche et n’agit ensuite que par l’excès de sa puissance ; Fig. 1 : dessin illustrant l’article des Annales par C. Chevalier. 331 4° toutes les substances conductrices ou isolantes par rapport au fluide électrique, le sont aussi par rapport à la force qui agit sur la baguette et entravent le phénomène ; 5° les pointes laissent échapper ou soutirent le fluide de la baguette aussi bien que le fluide électrique ; 6° toutes les causes électriques connues, le frottement, le contact de métaux hétérogènes, les dissolutions chimiques, etc., influent sur la baguette et tendent à lui imprimer un mouvement de rotation ; 7° enfin la baguette se comporte dans tous les cas comme si elle était dirigée par un courant électrique. » Casimir Chevalier souligne son apport personnel. Il émet alors l’hypo- thèse que « les courants électriques […] arrivent à la surface du sol, pénètrent dans le corps humain et en décomposent le fluide neutre. Dès lors un double courant s’établit à travers les nerfs, mais en sens inverse : l’un circule du pied droit (pôle positif) au pied gauche (pôle négatif), en passant par la tête de l’observateur et en envoyant un rameau de droite à gauche à travers la baguette ; il ferme ensuite son circuit en regagnant le pied droit à travers le sol » et résume ainsi : « La baguette n’est uploads/Science et Technologie/ abbe-chevalier-rhabdomancie.pdf

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