ADAM MAHAMAT AHMAT Novembre 2019 Thèmes Clés: Dans le sillage de Diop: racisme

ADAM MAHAMAT AHMAT Novembre 2019 Thèmes Clés: Dans le sillage de Diop: racisme scientifique; intelligence innée et hiérarchie raciale; QI; Eugénisme (proto-eugénisme, eugénisme moderne, post- eugénisme); génocracie et racisme du gène; origine monogénétique de l'humain et mise à jour des trouvailles du 21e; origine africaine de la civilisation, mise à jour d'Egyptologie; legs de l'Afrique, de l'histoire ancienne à l'inégale insertion dans le système monde capitaliste; pistes panafricanistes et progressistes pour une régénération africaine... Dans le cadre du mois de l'histoire des noirs 2006, cette conférence commémore le vingtième anniversaire de la mort de Cheikh Anta Diop. Elle fait ressortir l’actualité et la pertinence de son œuvre, au regard de la résurgence du racisme scientifique et d’une urgente redynamisation de l’Afrique, dans ce que je nomme la régénération africaine. Comme le disent ses disciples : "Son oeuvre convie l'humanité à regarder en face son véritable passé, à assumer sa mémoire, afin de rompre avec les génocides, avec le racisme, pour sortir enfin de la barbarie et entrer définitivement dans la civilisation»[1] Je renvoie donc ceux qui veulent en savoir plus sur lui sur le numéro de Ankh qui lui est consacré ou sur le livre de Pathé Diagne qui remarquablement synthétise l’essentiel.[2] Je souhaite attirer l’attention sur son combat en le mettant en rapport avec la fulgurante et insidieuse résurgence de l’eugénisme en Amérique du Nord et ses relents à travers le monde. Je m’excuse auprès des personnes qui reconnaîtront des passages que j’ai dû brandir, il y a trois mois lors de l’affaire Mailloux, (ce psychiatre canadien qui a clamé sur les ondes l’infériorité génétique de l’intelligence des noirs et des amérindiens). Je reprends ici, en note de recherche et revue historique de la littérature scientifique raciste, des éléments qui permettront de revenir sur l’apport de l’œuvre de Diop corroborée par des récentes trouvailles scientifiques. L’idée qu’il existe des groupes ethniquement supérieurs et plus intelligents, et la négation des apports intellectuels de peuples entiers au nom de nouvelles interprétations des percées scientifiques, semblent gangrener bien des espaces académiques et autre média. Davantage qu’au 19 ème et au 20 siècle, les dérives eugénistes seront, dans de nouvelles physionomies politically correct, individualisées et socialement intériorisées, un des enjeux fondamentaux du siècle actuel. Le délire du pedigree humain, donc de perfectionner les uns et de détruire les autres, reste fondamentalement la quintessence de l’eugénisme. C’est ce qu’exprimera le premier grand congrès eugéniste, sous la direction du quatrième fils de Charles Darwin, Leonard président de la société Eugéniste[3]. Il y a fort à croire que notre siècle usera ou abusera de ces méthodes de QI quotient intellectuel eugénique, mais aussi de la médecine prédictive et des disparités de la biologie moléculaire pour discriminer les groupes humains. Il est donc probable que le recours au QI et autres méthodologie de différenciation iront en se sophistiquant, autant dans le domaine de l’emploi que dans tous les circuits civiques mues par cette quête inlassable d’une élite cognitive, idéalement racée. Pour l’eugénique forcené, ceux qui pourront travailler seront ceux capables de rivaliser contre la machine, car la technologie se sera passée des travailleurs laborieux, et les relèguera au chômage. Pour lui, ils n’en sortiront que s’ils réussissent exceptionnellement des tests de QI que leurs gènes ne les prédisposeraient pas de toute façon à faire! Mais disons bien cyniquement, que cet eugénisme biotechnologique est la cerise sur le sundae infect de la mondialisation néo-libérale. Entre temps, celle ci achève plus efficacement, dans la misère et la frustration et à chaque année, des millions de gens à travers le monde. Tant d’enfants, de femmes, d’hommes vulnérables meurent de la marginalisation économique, du chômage entretenu, du pillage, de la famine à l’eau rare ou souillée, des maladies aux guerres, et de plus en plus des nombreuses catastrophes environnementales découlant de nos moyens de production et de consommation. C’est justement la conjonction entre cet ordre mondial injuste et prédateur et une science marchandisée, raciste et élitiste, qui constitue le plus grand danger pour la planète. Le débat sur l’inné et l’acquis, l’intelligence et son hérédité, les différences entre les «races » et leur hiérarchies se trouvent de nouveau relancés avec de récentes percées scientifiques de la biotechnologie que nous survolerons ici. Alors que s’achève le déchiffrage du génome humain, les média, les universités et précisément les intellectuels, et le politique ont plus que jamais une responsabilité et un rôle social déterminants sur ces dimensions où le racisme latent ou explicite côtoie la légitime curiosité scientifique. L’intelligence est davantage une résultante sociale dans son contexte historique et environnemental qu’une disposition innée. Et même si l’héritabilité d’une telle disposition intellectuelle pouvait être prouvée dans le futur, rien n’empêche que la modification du milieu ne puisse pallier aux disparités, d’autant qu’une telle disparité génétique intellectuelle entre classes sociales, voire groupes ethniques ne pourrait être qu’infinitésimale à l’échelle de l’humanité. Avec des mesures sociales politiques économiques et psycho-culturelles résolues, entreprises pour surmonter les écueils que les adultes dressent pour leur connaissance, nous donnerons à nos enfants les chances d’épanouissement de leurs potentialités, au lieu de paralyser ces dernières avec nos errements stériles. Le racisme s’édifie par l’éducation et l’irrationnel, en cultivant la peur et le rejet de l’autre. La lutte contre le racisme aussi s’articule sur l’éducation et l’affect xénophile, encore faudrait- il que les structures politiques et de communications le favorisent. Entendre des scientifiques clamer l’existence de races et les classifier de façon hiérarchique ne datent pas d’aujourd’hui, comme nous le verrons. Même dans leur tour d’ivoire, les scientifiques sont le reflet de leur société. De plus en plus marginalisées par l’avancée scientifique, les rebuffades et autres démonstrations de forces des eugénistes ne sont pas des épiphénomènes. Ils sont, entre autres, l’expression de mouvements politiquement organisés qui les financent. Cela va paradoxalement de la promotion de mouvements créationnistes, à l’intelligent design[4], aux mouvements véhiculant de virulentes thèses racistes. Ce type de provocation a toujours plus d’effet dans les cycles de modernité où les modèles s’épuisent ou se cherchent, comme c’est le cas à la faveur de la mondialisation. Cette dernière a du mal à cerner l’intelligibilité du lien civique et social autant transnational que local. Ce type de provocation amène alors des déchirures douloureuses, mais parfois aussi des catharsis salutaires, lorsqu’il advient dans une phase de crise. "Possibilité et limites du génie génétique".Fondation GenSuisse A l’instar de la crise de civilisation et de l’individu, typiques du règne de l’individualisme propre au mode de production capitaliste. Des savants qui déchiffrent le génome humain ont pu arracher, pour l’instant, le génome, patrimoine de l’humanité, à la rapacité des multinationales. Mais elles n’ont cependant pas dit leur dernier mot. Ce mode en est aux dernières étapes de la marchandisation du vivant, ce qui touche donc au plus haut point l’enjeu du post-eugénisme. Ce mode de production capitaliste, dans sa phase actuelle, alterne autant le progrès et le confort pour une portion significative- mais toujours très minoritaire de l’humanité- alors que la rareté, la souffrance et la frustration sont le lot d’une trop grande multitude. L’Afrique, dans ces six dernières siècles, n’a que trop connu les affres de tels phénomènes. Elle garde paradoxalement, autant sur la terre mère que dans ces diaspora, une paradoxale force de caractère, malgré les vicissitudes de la vie. Son endurance aux épreuves et calamités, comme l’esclavage, la colonisation et l’impérialisme, dans des proportions qu’aucun groupe humain n’a pourtant enduré, est une véritable énigme. Le secret, son vitalisme. Il reste toujours un sourire et une joie de vivre, le sens du commensal de la solidarité, même derrière le plus douloureux des rictus ou des drames. L’angoisse du lendemain ne l’a pas complètement envahi peut être, et l’optimisme existentiel est encore horizontalement enraciné dans nos sociétés et cultures, tel que l’avait bien cerné Cheikh Anta Diop. Ce n’est pas de l’insouciance ou un manque de rationalité. C’est une force dynamique, se transmettant par la culture. C’est dans ses cosmogonies, ses cultures qu’elle puise cette force, mais aussi dans l’expérience d’avoir été le berceau de l’humanité et la mère des civilisations. C’est donc animé de cette vitalité africaine que je m’adresse à vous, en intercédant au nom de tous les sans voix qui ont été meurtris récemment et qui le seront encore par la peste raciste. . Dans mon exposé, vous tolérerez des incursions multidisciplinaires dans le sillage de Diop pour traiter de son actualité face au racisme scientifique. Je ne ferais d’ailleurs qu’en survoler de grands pans en suggérant de revenir d’abord sur les sources et l’évolution de l’eugénisme. Je parlerai de cette génétique de l’intelligence et des pseudo sciences qui y sont reliés, mais aussi de la science véritable qui ouvre à l’humanité de nouvelles pistes de connaissances, hélas aussi malléables pour des forces bienveillantes que malveillantes. Au regard de telle situations, et du racisme rampant ou explicite, s’impose une mise à jour sur l’odyssée de la race humaine et de quelques legs des peuples noirs à l’humanité. Faisons le donc, non pas par social narcissisme, ni d’ailleurs en n’exhibant que les hauts faits. uploads/Science et Technologie/ anta-diop-gloire-africaine.pdf

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