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2 Miroslav Radman avec Daniel Carton Au-delà de nos limites biologiques PLON www.plon.fr 3 © Plon, 2011 ISBN : 978-2-259-21513-8 Couverture : Photo de l'auteur : © IVAN POSAVEC www.plon.fr 4 Avant-propos Cet ouvrage s’interroge sur la possibilité de prolonger la vie humaine avec l’allongement de son temps de jeunesse. Mais loin de vouloir assommer le lecteur avec un défilé de considérations scientifiques assenées du haut de ma chaire, je me vois plutôt, à travers ce texte, comme m’invitant chez lui à bavarder autour d’un bon verre de vin ! Il ne s’agit donc pas de littérature, ni de science, pas même de science-fiction, mais plutôt de science- inspiration. Ma tâche est celle d’un chercheur et d’un « trouveur », non celle d’un écrivain, fût-il scientifique. Si ce livre suscite des discussions sur les capacités de l’homme à transgresser les limites de sa propre biologie, il aura atteint son but : vous initier à des bouleversements à venir que je crois inéluctables. Au fil de ces pages, en nous appuyant sur des données scientifiques récentes, nous nous poserons la question suivante : aurons-nous le courage d’aller au-delà des limites de la biologie humaine qui est fondamentalement celle des primates – des singes ? Nous avons accepté sans états d’âme de compenser nos handicaps biologiques par les « prothèses » mécaniques, optiques, électroniques et chimiques (les médicaments). Mais nous butons sur les barrières éthiques, philosophiques et religieuses, quand il s’agit de résoudre nos problèmes biologiques par la biologie ! On peut argumenter que la pharmacopée classique utilise les produits biologiques, ceux provenant des plantes, champignons et bactéries. Mais, la transplantation d’organes mise à part, on n’ose pas utiliser la biologie et la génétique humaine pour pallier les problèmes biologiques humains. Or, nous savons que parmi les milliards de génomes individuels de l’humanité, nous aurons les moyens d’identifier une résistance génétique à toute maladie humaine, ou presque. Ces résistances se trouvent le plus souvent au niveau de quelques « lettres » du « livre » génétique individuel. Est-il monstrueux d’imaginer qu’on soit un jour l’enfant de l’humanité, au lieu de deux parents ? Avec une santé de fer, ou mieux, la longévité comme récompense ? Pourquoi laisser au seul hasard le soin de choisir les rares heureux gagnants de la loterie génétique ? C’est comme si l’on décidait de laisser pour toujours le droit à la malchance de choisir les victimes innocentes du handicap génétique. On veut bien tenter la thérapie génique somatique, c’est-à-dire celle destinée à corriger les effets néfastes des mutations héréditaires au niveau des cellules du corps, celles qui ne se transmettent pas. Mais on sanctifie la lignée germinale humaine comme si elle était parfaite pour tout le monde et on laisse tranquillement les maladies héréditaires se propager. Pourquoi ? Ce livre est inspiré surtout par l’idée qu’il est possible de prolonger la vie humaine en bonne santé. On va s’amuser à imaginer les conséquences de cette longévité – celle des jeunes centenaires – au moment où la rue proteste contre le travail au-delà de soixante ans, même si, justement, on est en bonne santé. Les vieillards biologiquement jeunes prendront-ils l’emploi de leurs enfants et petits-enfants, ou pourront-ils être à l’origine de davantage d’emplois pour les jeunes ? Sans préjuger l’avenir, le fait est que, jusqu’ici, chaque progrès scientifique et technique majeur a généré d’énormes créations d’emplois. Je voudrais enfin transmettre, au fil de ces pages, la culture scientifique, l’esprit et la méthode du chercheur. Faire comprendre mon métier. Parce qu’ils n’ont jamais voulu faire cet effort, nos dirigeants n’ont pas su créer une politique de la recherche productive, c’est-à-dire génératrice des découvertes, des surprises, qui changent le monde et la vie humaine. Aujourd’hui, les objectifs de la science ne sont conçus qu’à court terme. Il nous faut être à tout prix rentable – à court terme – 5 pour contenter et rassurer les fonds d’investissement. La conséquence en est que la science devient impuissante parce qu’elle est castrée par la culture corporatiste incompatible avec l’esprit de libre exploration. « Ma science à moi » est libre comme l’air, mais son éventuelle application doit préalablement passer par la discussion publique, sans préjugés. La liberté de la création et la responsabilité d’action, nous allons en parler dans ce petit livre. 6 Je me présente Survivre, voilà le seul enjeu qui compte ! Je me suis accroché à la vie même avant ma naissance. J’ai refusé de me faire avorter ! Ma jeune future mère Vesna se découvre enceinte de moi en 1943, conséquence d’un petit « congé » de son amoureux, robuste pêcheur, alors guerrier partisan en Bosnie, mon père Nikola. Cela se passe dans un minuscule village catholique de pêcheurs, Maslinica (le petit olivier), sur l’île croate de Solta, avant l’évacuation de sa population par l’armée allemande vers Split. Ma mère, pas encore mariée, décide de ne pas donner naissance à son enfant pour ne pas le voir souffrir et disparaître dans les tumultes de la guerre. Elle va recourir aux méthodes que l’on pratiquait alors en cachette dans nos villages pour provoquer l’avortement. Mais j’ai refusé de collaborer. Je suis né en Croatie le 30 avril 1944 dans la cave de la petite maison de l’oncle de ma mère, dans Kamenita Ulica (rue des pierres), à Split, sous les fracas des bombardements alliés. Au tout début de ma vie, j’ai supporté ce boucan pendant des semaines, d’où mon amour pour la musique douce. Dans un tel remue-ménage, ma mère n’a rien trouvé de mieux que de me donner pour prénom Miroslav : « Celui qui célèbre la paix ! » À deux ans, j’ai assisté et, d’après les gens présents, même chanté au mariage de mes parents. Ensuite, j’ai connu mon petit paradis : le grand jardin potager sur l’île de Hvar. Je pouvais y jouer sans fin, mener tout seul, avec l’authentique casquette verte des partisans sur la tête, les petites batailles imaginaires que j’ai toutes gagnées. La guerre, les morts et les survivants, la victoire, le communisme nouveau, le culte de Tito, tel fut le décor de mon enfance. Ce décor imposait de célébrer la vie en prenant garde de ne pas la perdre. Tout gamin, je le savais : je devais pouvoir rire de tout. Et puis chanter ! Chaque soir avant d’aller dormir, ma petite famille chantait doucement nos vieilles chansons polyphoniques dalmates à trois voix. Au coucher, nous ne nous brossions pas les dents mais nous chantions rituellement. Rire, chanter, ces deux verbes n’ont plus jamais cessé d’être, pour moi, la formule de survie ! Tout m’intéressait pendant mon enfance. Sans le savoir, je suis devenu autodidacte. Fasciné par les bateaux entrant dans la baie de Jelsa sur mon île de Hvar, à la fin de la journée, une seule chose comptait à mes yeux : être capable de raconter à mes parents quels bateaux j’avais vus. À trois ans, je savais où était inscrit leur nom sur leur coque. Je me les imprimais dans ma petite tête, puis je courais à la maison avant que leur image s’en efface en criant à la porte : « Vite maman, le crayon ! » Heureusement pour mon éducation, les sacs en plastique n’existaient pas encore. Le seul papier que nous avions était celui des emballages. J’y reproduisais l’image en hiéroglyphes, en demandant : « Quel bateau est-ce ? » Parfois ma mère devinait. « Bakar. » Sinon, il me fallait courir et répéter mon petit stratagème. Ensuite, je suis devenu plus malin. Je découpais le bout du sac en papier, prenais le crayon avec moi, et je copiais. Facile ça ! C’est ainsi que j’ai appris à lire et à écrire à quatre ans. Mes cours de perfectionnement se faisaient par la lecture du journal mural polycopié placardé au centre du village et qui, invariablement, se terminait toujours par ces deux slogans : « Mort aux fascistes », « Liberté au peuple ». J’ai pu entrer à l’école avant l’âge requis. Ainsi commença cette éducation qui me donnait un pouvoir inattendu : pendant les vacances scolaires dans la petite Maslinica, mes tantes illettrées dépendaient de moi pour la lecture et l’écriture des lettres aux hommes de la famille exilés en Argentine, au Chili ou en Californie. Toutes commençaient par : « Mon cher frère, je vais bien, ce que je souhaite à toi aussi... » 7 Petit diable, mais très gentil et câlin, j’ai su séduire les mères de mes belles copines du lycée de Split. Leurs filles avaient la permission de sortir le soir « à condition de rentrer avec Miroslav ». Promesse tenue ! Au lycée, le premier enseignement que j’ai reçu de deux ou trois professeurs, et qui est resté gravé au plus profond de moi, est celui-ci : ce que l’on fait est moins important que « comment et avec qui on le fait ». Chaque jour, aussi, je passais au moins cinq heures à faire du sport. J’adorais l’aviron, le basket. Le reste du temps : la guitare, les uploads/Science et Technologie/ au-dela-de-nos-limites-biologiques-miroslav-radman.pdf

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