1 Bulletin du Centre Islamique de Genève N° 9, septembre 1998, trois numéros pa
1 Bulletin du Centre Islamique de Genève N° 9, septembre 1998, trois numéros par an. Adresse : 104, rue des Eaux-Vives 1207 Genève. Email : cig@geneva-link.ch Site Internet : http://cig.geneva-link.ch L ES IDOLES DU COEUR Il existe des idoles qui habitent le coeur de l'être humain, comme il existe des statues qui souillent les temples et les lieux de culte. Une tradition attribuée à la culture juive, que cite le savant musulman Ibn Rajab al-Hanbalî, affirme que Dieu aurait dit : «Ni mon ciel, ni ma terre, ne peuvent me contenir. Mais le coeur de mon adorateur croyant me contient.»1 Ibn Rajab ajoute: «Lorsqu'il y a dans le coeur autre chose que Dieu, Dieu alors est Celui qui a le moins besoin d'associés. Il n'accepte pas de voir les idoles de la passion y prendre place en le pressant... Dieu, l'absolue Vérité, est jaloux de voir le coeur de son adorateur habité par un autre que Lui, ou d'y 1 Cette parole, bien qu'abondamment citée dans la littérature soufie, ne peut être considérée comme un hadîth qudsî. Ibn Rajab, tout comme Ibn Taymiyya, la classe parmi les isrâ'îlîyât. Le savant contemporain al-Albânî souligne qu'il n'existe pas de chaîne de transmission qui permette d'attribuer authentiquement cette parole au Prophète ( ). En tous les cas, on ne doit pas considérer le coeur ici comme étant le «viscère musculaire situé entre les deux poumons», comprenant «oreillettes, valvules et ventricules» ! Le coeur est à ce niveau synonyme de l'esprit. C'est le siège de la spiritualité. Dire qu'il «confient Dieu», c'est une expression qui signifie seulement que l'adorateur lui voue un amour exclusif, notion qui élève l'homme au-delà des limites de l'espace et du temps. trouver caché ce dont Il n'est pas satisfait (...) Nul ne sera secouru demain, sinon celui qui viendra à Dieu avec un coeur sain, ne contenant que Lui. Dieu le Très-Haut dit : «Le jour où ni les biens, ni les enfants ne seront d'aucune utilité, sinon celui qui viendra à Dieu avec un coeur sain.» (Coran, 26 ; 88-89) Le coeur sain, poursuit Ibn Rajab, c'est le coeur qui est pur des souillures dues aux actes de désobéissance. Quant à celui qui est sali par quelques oeuvres détestables, il ne pourra entrer dans le voisinage de la présence du Dieu très Saint, sinon après avoir été purifié par le feu du châtiment. Quand il sera débarrassé de ses scories, il lui sera loisible alors de connaître le voisinage de Dieu. «Dieu est pur, et n'accepte que ce qui est pur.»2 Quant aux coeurs purs, ils auront immédiatement accès à ce voisinage. Ibn Rajab cite alors trois versets coraniques évoquant l'accueil que Dieu réservera à Ses adorateur : «Paix sur vous (diront les anges) pour ce que vous avez enduré! Comme est bonne votre demeure finale.» (Coran, 13 ; 24) «Paix sur vous ! Vous avez été bons. Entrez donc (au paradis) pour y demeurer éternellement.» (Coran, 39 ; 73) «Ceux dont les anges reprennent l'âme - alors qu'ils sont bons - (les anges leur) disent: "Paix sur vous ! Entrez au paradis, pour ce que vous faisiez".» (Coran, 16 ; 32) 2Hadîth rapporté par Muslim. 2 «Celui, ajoute enfin Ibn Rajab, qui ne brûle pas aujourd'hui son coeur par le feu de la désolation, et du remords pour ses (mauvaises) actions passées, ou par le feu du désir de rencontrer l'Aimé, (qu'il sache que) le feu de la géhenne est plus ardent ! »3 Profondeurs psychologiques du monothéisme : L'Imam Ibn 'Atâ'î-Llâhi al-Iskandarî consacre quelques-unes de ses célèbres Sagesses à cette question très délicate, avec une finesse qui révèle les «profondeurs psychologiques» que comprend le monothéisme. Il affirme ainsi : «Tu n'aimes pas une chose sans en être l'adorateur. Et Lui (Dieu) n'aime pas te voir adorer autre chose que Lui.»4 Sagesse à laquelle fait écho cette réflexion de l'Imam Abû al-Qâsim al-Junayd : «Tu n'es pas véritablement son adorateur, alors que quelque chose en dehors de Lui te réduit à l'esclavage. Et tu ne saurais atteindre une complète liberté, alors que tu n'as pas accompli entièrement tes devoirs d'adoration.»5 En d'autres termes, la liberté de l'homme dépend de son entière soumission à Dieu, qu'il reconnaît comme seul et unique Maître, en refusant de se prosterner devant les idoles ou de s'adonner au culte des fausses divinités. Au contraire, l'homme qui se laisse entraîner par sa passion, quel que soit son objet, est réduit à une forme d'esclavage, qu'il en ait conscience ou non. Une autre sagesse de Ibn 'Atâ'i-Llâhi souligne la nécessité de se libérer de toute forme de shirk : «De même qu'il (Dieu) n'aime pas l'action où Lui est associée une autre divinité, Il n'aime pas le coeur qui comprend une autre divinité: Dieu rejette l'action qui ne relève pas d'une intention sincère, et Dieu ne vient pas au coeur déjà habité.»6 Ibn 'Atâ'i-Llâhi s'inspire directement du hadîth qudsî authentique où le Prophète ( ) affirme : «Dieu dit : «Je n'ai nul besoin d'associés. Qui donc agit (se servant de Moi) en vue d'un autre que Moi, je l'abandonne à cet autre (qui ne peut rien pour lui).»»7 Ainsi, Dieu rend vaines les actions qui ne sont pas entreprises sincèrement pour Lui. Il n'illumine pas le coeur qui est porteur d'images. «Il se peut, dit Ibn 'Atâ'i-Llâhi, que viennent à toi les lumières, et qu'elles trouvent ton coeur rempli 3Ibn Rajab al-Hanbalî, Kalimatu al-ikhlâç wa tahqîq ma'nâhâ (La parole de l'Unicité et la réalisation de son sens), pp. 37-39. 4Ibn 'Atâ'i-Llâhi, al-Hikam (Les Sagesses), N° 210. 5Commentaires de al-Hikam, par Muhammad Muçtafâ Ibn Abî al- 'Ulâ, vol. 2, p. 36. 6Ibn 'Atâ'i-Llâhi, Sagesse n° 203. 7Hadîth rapporté par Muslim. d'images matérielles, et qu'alors ces lumières s'en aillent d'où elles sont venues.»8 Ces lumières, expliquent les commentateurs, ce sont les connaissances dont Dieu illumine l'esprit de ceux qui L'aiment et cherchent à s'En approcher. Les images matérielles, ou «mondaines», c'est l'amour des biens terrestres : argent, honneurs, femmes et enfants. Nous avons vu que l'ostentation est un «moindre polythéisme». Mais il existe encore une forme d'ostentation plus subtilement cachée. Ibn 'Atâ'iLlâhi déclare: «Il se peut que tu sois atteint par l'ostentation, là où (tu comptes que) les créatures ne te regardent pas. »9 Ce qui signifie que l'homme peut agir et faire le bien en secret, sans pour autant rechercher uniquement l'agrément divin. Il se mêle en effet à son action un sentiment d'autosatisfaction, mêlé à l'impression du respect qui lui est dû pour ce qu'il entreprend, loin des yeux du monde ! La sincérité suppose au contraire que l'on s'interdise ou que l'on oublie de porter un tel regard sur soi-même, en s'absorbant totalement dans l'amour de Dieu. On demanda à Sahl Ibn 'Abdi-Llâhi: «Quelle est la chose la plus dure pour le nafs (l'ego) ?» Il répondit : «La sincérité, parce que l'ego n'en retire pour lui-même aucune part.»10 Extrait du livre : Aspects du monothéisme musulman, par Hani Ramadan, au éditions Tawhid, Lyon 1998 A PPORT DES MUSULMANS A LA CIVILISATION : L A PHYSIQUE «Les Arabes doivent être considérés comme les véritables fondateurs des sciences physiques», dit A. Humboldt. Il est malheureux que les principaux ouvrages de physique des Arabes soient perdus. Certains d'entre eux ne sont connus à présent que par leurs titres. Mais le petit nombre d'oeuvres qui nous sont parvenues attestent l'importance de leurs travaux et justifient le jugement de Humboldt. Le traité d'optique de Hassan Ibn Al-Haytham (Al- Hasen) (965-1039) a été un événement scientifique 8Sagesse n° 205. 9Sagesse n° 160. 10Ar-Risâla al-qushayriyya, Traité sur le soufisme, de 'Abd al-Karîm al-Qushayrî, p. 209. 3 de toute première importance. M. Charles estime qu'il fut «l'origine de nos connaissances en optique.» Cet ouvrage traite du lieu apparent des images dans les miroirs, de la réfraction, de la grandeur apparente des objets, de l'usage de la chambre noire qui devait se révéler si important dans la photographie, etc. Les travaux de Hassan Ibn Al- Haytham relatifs aux lentilles grossissantes inspirèrent les recherches de Roger Bacon, de Kepler et d'autres Occidentaux sur le microscope et sur le télescope. Critiquant la théorie d'Euclide et de Ptolémée, il donna le premier une description exacte de l'oeil, des lentilles et de la vision binoculaire. Les connaissances des Arabes en mécanique furent également fort étendues pour l'époque. Les instruments multiples et ingénieux que les savants musulmans employaient dans leurs recherches, et qui passèrent ensuite en Occident, en donnent une idée. E. Bernard d'Oxford a exprimé l'opinion que les Arabes découvrirent l'application du pendule aux horloges. Il n'y a pas de doute, en tout cas, qu'ils possédaient des horloges à poids tout à fait différentes de la clepsydre. Benjamin de Tudèle qui visita les communautés juives du Levant au XIIe siècle donna une description de la célèbre horloge de la mosquée de Damas. Il est indéniable que la boussole a été inventée par les Chinois, mais ce sont les Musulmans qui la perfectionnèrent et en firent un usage pratique, en appliquant l'aiguille aimantée aux besoins uploads/Science et Technologie/ bulletin-09-pdf.pdf
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- Publié le Mar 04, 2021
- Catégorie Science & technolo...
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