Le 3 janvier 1967 – Le nouvel Institut de recherche en informa- tique et automa
Le 3 janvier 1967 – Le nouvel Institut de recherche en informa- tique et automatique, l’I.R.I.A., voit enfin le jour! Officiellement créé ce 3 janvier, le projet d’insti- tut était discuté depuis le 30 novembre dernier à l’Assem- blée nationale, avant d’être adopté à main levée à 1h50 du matin le 2 décembre. Le projet a suscité une large approbation, même si François Mitterrand, pour l’opposition, et Alain Peyre- fitte, pour la majorité, ont échangé quelques arguments sur la nécessité de créer un Cen- tre national d’informatique et d’automatique plutôt qu’un sim- ple institut. Ce vote clos le long débat qui a accompagné la genèse du pro- jet. La question de la création d’un Institut de recherche en informatique et automatique a été évoquée pour la première fois par le Conseil consultatif de la recherche scientifique et tech- nique (C.C.R.S.T.) le 12 février 1966, reprenant en cela certai- nes des idées lancées l’année précédente par la commission des sages dirigée par Jean Saint- Geours, directeur de la Prévision au Ministère des Finances, pour faciliter et accélérer la recherche industrielle en France. Le C.C.R.S.T. énonçait alors les sujets devant mobiliser l’effort public parmi lesquels, outre les domaines spatial ou nucléaire, figuraient en bonne place l’élec- tronique et les grands calcula- teurs. Pour aboutir dans ces domaines de pointe, était-il sti- pulé, la recherche est indispen- sable. Aucun consensus ne se déga- geait cependant sur la forme que prendrait un tel institut. Tout le monde s’accordait sur les rela- tions privilégiées que l’institut devrait tisser avec l’industrie. Mais fallait-il l’intégrer dans le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), créer un Centre National de l’Informati- que et de l’Automatique (C.N.I.A.) à l’image du Cnes pour le spatial ? Après de lon- gues hésitations, il fut décidé que le futur I.R.I.A. devrait être un organisme d’un genre nou- veau. L’indépendance d’un insti- tut public est, dans la tradition française, assez limitée dans les faits. D’où, sans doute, un pro- jet de dépenses internes assez limité, destiné à conjurer le sort. À l’automne, la nomination d’un Délégué à l’informatique a com- plété le nouveau paysage institu- tionnel. La phase parlementaire a alors débuté par un projet de loi, le 16 novembre 1966, por- tant sur les fonts baptismaux l’I.R.I.A., l’A.N.V.A.R. pour la Et pendant ce temps là... Le professeur Christian Bernard et son équipe réalisent la première greffe du cœur – « La planète des singes» sort sur les écrans – La guerre des six jours éclate – Les Beatles chantent «All you need is love » – L’Agence Nationale pour l’Emploi est créée en France – Charles De Gaulle lance à Montréal « Vive le Québec libre ! » - Mort de Che Guevara. L ’OTAN au centre des débats à l’Assemblée Nationale en1966 © Keystone France I.R.I.A. Une naissance aux forceps C ’est à André Lichnero- wicz, grand savant et organisateur de la recher- che, qu’a été confiée la pré- sidence du Conseil scien- tifique du tout jeune I.R.I.A. Cet homme de 52 ans affiche simplicité et franc-parler, bien qu’il soit normalien, membre de l’Académie des Sciences, professeur au Collège de France et docteur honoris causa de nombreuses uni- versités étrangères. Il prend ses nouvelles fonctions après avoir assuré la direc- tion de la Commission d’enseignement des mathé- matiques de l’Union Mathématique Internatio- nale de 1962 à 1966 et la direction de la Commission sur la réforme de l’ensei- gnement des mathémati- ques en 1966. Très sensible au fossé qui s’est creusé entre l’évolution de la dis- cipline et son enseigne- ment, André Lichnerowicz entend mettre en avant à l’I.R.I.A. la formation des hommes, plus complexe et plus urgente, selon lui, que les seuls enjeux matériels liés au Plan Calcul. Pour cela,l’I.R.I.A doit accueillir des personnes d’horizons divers à la façon d’un « club » afin que la France puisse affirmer sa présence dans l’informatique mon- diale. À cet effet, le jeune institut doit être doté de moyens suffisants, insiste le Professeur au Collège de France, visiblement inquiet des moyens modestes dévo- lus à l’institut pour sa pre- mière année de fonctionne- ment. ■ AB & PG Un réformateur à la tête du Conseil Scientifique de l’I.R.I.A. valorisation de la recherche et le C.N.E.X.O. pour l’exploitation des océans, et a mené au vote du 2 décembre. La Commission des affaires culturelles et socia- les souligne l’originalité des nou- veaux instituts comme l’I.R.I.A. qui se situent à proximité du privé et préfigurent de nouvelles relations entre secteur public et industrie. Les rapports parlemen- taires insistent de leur côté sur le retard français et donnent quel- ques pistes de recherche, comme l’informatique médicale à propos de laquelle est cité Michel Laudet qui pourrait, de source bien informée, se voir confier la direction du tout jeune I.R.I.A. ■AB & PG No 1 8 janvier 2007 ANNÉE 1967 L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA IL Y A UN MARCHÉ MONDIAL POUR PEUT-ÊTRE 5 ORDINATEURS Thomas Watson, patron d’IBM, 1943 L’ENIAC est l’ordinateur de réfé- rence des années 1940. Ses 17468 tubes remplissaient une salle de 170m2 ce qui aurait fait dire au patron d’IBM, Thomas Watson, en 1943: « il y a un marché mon- dial pour peut-être 5 ordina- teurs» © US Army photo Les chercheurs, quant à eux, étaient recrutés par les responsa- bles scientifiques. Leurs contrats étaient de courte durée et renou- velés en fonction de leurs travaux, mais très rapidement ils ont été remplacés par des contrats de longue durée comme le reste du personnel. À l’époque, un contrat de travail était une simple lettre d’engagement avec le nom, le sta- tut, la durée et c’est à peu près tout. En 1968 on était une centaine environ, dont 60 chercheurs : tout le monde se connaissait ! L’estafette qui nous emmenait depuis la gare de Versailles Rive Droite était conduite par Marcel Thibaut qui travaillait également aux services généraux. Plusieurs familles étaient logées sur le site, à l’endroit de l’actuel bâtiment 27 : les Thibault, les Simian, les Righetti, etc. Certains de leurs enfants sont d’ailleurs nés sur le campus ! Travailler à l’IRIA, c’était un peu comme se retrouver en famille. Certains exerçaient des Je suis arrivée à l’IRIA en décem- bre 1967 comme secrétaire de Henri Gautier, le chef du person- nel. Au début, je m’occupais du secrétariat et de l’exécution des contrats de travail. L’IRIA avait vocation à recruter, et tout était à construire. On recrutait sur CV ou par connaissance ; la décision finale était prise par le chef du personnel ou le responsable du service administratif et financier. fournitures, pas de secrétaires ! Pas grand chose en fait, excepté les locaux qui avaient servi aux Américains lorsque Rocquen- court abritait les forces armées de l’Otan: gymnase, piscine, tennis, squash, terrain de football. Il n’y avait pas non plus de cantine — nous déjeunions à la cantine Thomson CSF occupée aujour- d’hui par l’entreprise Mercedes — et on voyait encore des images de cowboy et de Mickey dans les sal- les de bain et toilettes, avec le papier hygiénique américain dont chaque feuille était estam- pillée Property of the US govern- ment. Nous étions proches de nos direc- teurs qui étaient nos anciens pro- fesseurs à l’université. Il faut dire que nous n’étions pas très nom- breux à faire de la recherche infor- matique à l’époque. Seulement deux écoles préparaient à l’ingé- nierie informatique : les écoles supérieures de Grenoble et de Toulouse. Et nous étions aussi un peu privilégiés parce que le gou- vernement souhaitait ardemment que l’informatique se développe et que la France puisse y jouer un grand rôle. ■JG «Il n’y avait qu’un seul téléphone pour 25 chercheurs.» Pierre Népomiastchy, responsable Asie à la direction des relations internationales. Je me souviens être arrivé en voi- ture, l’été 1967, avec Claude Lemaréchal qui travaille aujour- d’hui à Grenoble. Fraîchement diplômé de l’ENSEEIHT (École nationale supérieure électronique informatique et ingénierie hydraulique de Toulouse), je venais pour effectuer ma thèse sous la direction de Michel Laudet qui était aussi le directeur général de l’IRIA. Bien qu’arrivé parmi les tout premiers, je n’étais pas encore considéré comme un chercheur officiel de l’institut, car je n’étais pas payé par l’IRIA ! Je bénéficiais d’une bourse de la Délégation générale à la recher- che scientifique et technique (DGRST). Ce n’est qu’après une escale d’un an à Moscou, que je suis devenu, en 1970, chercheur à l’IRIA. Ma thèse portait sur la résolution des équations aux dérivées par- tielles. Nous avions peu de moyens pour travailler: il n’y avait qu’un seul téléphone — celui de Jacques Louis Lions — pour l’en- semble des 25 chercheurs pré- sents à Rocquencourt, pas d’ordi- nateurs (évidemment), pas de Directeur de la publication: M. Cosnard. Rédacteur en chef: S. Casademont. Comité de rédaction : M.-A. Enard, C. Genest, J. Gramage, A. Garot. Conception-réalisation: Direction de la communication/INRIA (mise en page : P. Lau- rent, iconographie: L. Calderan)-Technoscope (F. Breton). Ont collaboré à ce numéro: A. Beltran et P. Griset (Histoire de l’INRIA à paraître chez EDP uploads/Science et Technologie/ code-source-1967-1977.pdf
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- Publié le Jui 12, 2022
- Catégorie Science & technolo...
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