Université de Lille I La réalisation d’un document scientifique mémoire de DEA,

Université de Lille I La réalisation d’un document scientifique mémoire de DEA, thèse, article… Séminaire méthodologique de l’Ecole doctorale de sciences économiques et sociales Frédéric HÉRAN – 2003 La réalisation d’un document scientifique — Frédéric HÉRAN — Université de Lille I — 2 — INTRODUCTION Ce séminaire prétend expliquer comment réaliser au mieux un document scientifique ! Nous pensons en effet qu’il ne s’agit pas seulement d’une question d’expérience ou de talent, et encore moins d’une reproduction mimétique du style des documents les plus reconnus, mais d’un véritable apprentissage d’un ensemble articulé de méthodes et de techniques permettant de traiter un sujet avec rigueur. On insistera sur des aspects aussi essentiels que le choix d’un sujet, la construction d’une problématique et l’établissement d’un cadre analytique, sans négliger pour autant des aspects beaucoup plus pratiques comme la lecture, l’utilisation d’un logiciel de traitement de texte ou la rédaction. I — L’OBJECTIF D’UN MÉMOIRE DE DEA OU D’UNE THÈSE Le mémoire de DEA comme la thèse ont pour but de former l’étudiant à la recherche et au traitement d’informations, à l’analyse approfondie d’un sujet, à la défense d’une thèse et à l’écriture. L’objectif n’est donc pas d’arriver à un document scientifique irréprochable. Il est de prouver que l’on peut mener à bien (au moins en partie en DEA) la grande variété de ces tâches et les articuler correctement, dans un temps limité : en général un an pour un DEA et trois ans pour une thèse. En effet, un DEA n’est pas seulement conçu pour les quelques étudiants qui poursuivront en doctorat, il prépare aussi efficacement tous ceux – c'est-à-dire la grande majorité – qui préfèrent se présenter sur le marché du travail à l’issue de cette formation, pour occuper toutes sortes de postes exigeant de telles capacités. De même, un travail de thèse n’est pas seulement destiné aux quelques étudiants qui accéderont à l’enseignement supérieur ou à la recherche, il prépare également fort bien à des postes de chargé d’études dans de grandes administrations ou entreprises. II — LA DÉMARCHE D’ENSEMBLE Avant de commencer, il est très stimulant de parcourir quelques-uns des meilleurs mémoires ou thèses des années précédentes (en général disponibles à la bibliothèque) et si possible d’en La réalisation d’un document scientifique — Frédéric HÉRAN — Université de Lille I — 3 — discuter avec leurs auteurs (souvent aujourd’hui thésards ou jeunes enseignants-chercheurs), afin de se forger une première idée du type de travail à accomplir. De même, avant de se lancer dans l’écriture d’un article, il convient de feuilleter quelques-uns des meilleurs articles parus dans les revues où l’on souhaite être publié. Mais cet exercice ne dispense pas de s’interroger sur ce qu’est une démarche scientifique et comment la mettre en œuvre. L’important n’est pas d’utiliser correctement telle ou telle méthode particulière, mais bien d’appliquer une démarche scientifique. 1. LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE Dans une formule célèbre, Gaston Bachelard a résumé ce qu’est, selon lui, une telle démarche : « Le fait scientifique est conquis, construit et constaté. », c'est-à-dire : conquis sur les préjugés, construit par la raison et constaté dans les faits (cité et commenté par Quivy et Van Campenhoudt, 1995, p. 14). Trois étapes structurent donc ce processus : la rupture, la construction et la constatation ou expérimentation (voir Bourdieu et al., 1968). 1/ Nous sommes tous pétris d’illusions, d’idées préconçues, de lieux communs. Nous avons tendance à croire qu’il suffit de regarder ou d’écouter pour comprendre. Par exemple, dans le domaine des déplacements urbains, les préjugés sont innombrables, car nous avons tous une expérience directe de la question, enrichie de diverses anecdotes assénées rapidement comme preuves irréfutables. Ainsi, les automobilistes sont la vache à lait du fisc, les cyclistes sont irresponsables puisqu’ils brûlent les feux, les piétons français sont indisciplinés au contraire des allemands, etc. Des scientifiques expérimentés ont pourtant démontré que toutes ces idées apparemment robustes sont fausses, mais elles ont la vie dure. Bref, pour entrer dans une démarche scientifique, il faut accepter de rompre avec les appa- rences, les fausses évidences et les partis pris. 2/ Cette rupture suppose aussi la construction d’une problématique et d’un cadre analytique avant toute observation sérieuse des faits. Les faits ne sont pas donnés, comme le croit les empiristes, mais bien construits, élaborés à travers une théorie (Chalmers, 1976). Par exemple, pour comprendre pourquoi les cyclistes « brûlent » les feux, il faut rompre avec l’idée que ce comportement est a priori irresponsable et dangereux et admettre – c’est-à-dire faire l’hypothèse – qu’il doit exister des raisons profondes expliquant cette attitude. Après analyse, on découvre en substance que : • pour un cycliste se déplaçant à 20 km/h, le redémarrage après un arrêt représente un effort personnel équivalent à un détour de 80 m (voir les lois de l’énergie cinétique), • il est dangereux de brûler les feux, mais aussi de ne pas les brûler, car en démarrant le cycliste en recherche d’équilibre risque de se faire accrocher par les voitures, • la France est le pays au monde qui a le plus de feux, généralisés au début des années 70 lors de la mise en place de plans de circulation fortement financés par l’Etat et conçus uniquement pour faciliter la circulation automobile… Bref, les cyclistes ont un comportement beaucoup plus rationnel qu’on ne le croit d’ordinaire : ils considèrent en fait les feux comme des « cédez le passage ». 3/ Les hypothèses de travail doivent être validées par des informations recueillies sur le terrain et traitées. Non seulement les faits doivent concorder avec la théorie de façon répétée, mais il faut vérifier que ce n’est pas une coïncidence et que cela découle logiquement des méthodes utilisées. La réalisation d’un document scientifique — Frédéric HÉRAN — Université de Lille I — 4 — 2. LES ÉTAPES CONCRÈTES D’UNE DÉMARCHE SCIENTIFIQUE Idéalement, la réalisation d’un document scientifique se déroule en 7 phases, comme l’indique le schéma suivant : Les étapes concrètes d’une démarche scientifique 7. La soutenance et la valorisation 1. Le choix d’un sujet (limites, exploration…) 2. La définition d’une problématique (question principale, hypothèses de travail…) 3. La construction d’un cadre d’analyse (appareil conceptuel, modèles…) 4. La recherche des informations (documentation, lectures, entretiens…) 5. Le traitement des informations (analyse, vérification des hypothèses, résultats…) 6. La rédaction et la réalisation matérielle (plan, écriture, frappe, impression, tirage…) Rupture Construction Constatation Construction En pratique, il existe de nombreux retours en arrière qui compliquent singulièrement le déroulement du travail. Par exemple, si les investigations s’avèrent trop complexes (4), il con- viendra de limiter les ambitions de départ (2), si certaines hypothèses ne s’avèrent pas vérifiées (5), il faudra peut-être rechercher des informations complémentaires (4) ou même revoir le cadre d’analyse (3), etc. Ces va-et-vient sont inévitables. Ils sont même nécessaires pour ajuster correctement les étapes entre elles et pouvoir finalement défendre une thèse originale de façon bien argumentée. L’ordre des phases est donc surtout didactique. L’essentiel est de bien savoir, à tout moment, où on se situe dans la démarche et surtout de n’oublier aucune étape. Voici les carences les plus grossières et néanmoins les plus fréquentes dans l’élaboration d’un travail scientifique : • les frontières du sujet sont imprécises ou implicites ; • des approches classiques du sujet sont méconnues ; • aucune question principale ne structure la réflexion ; • les investigations partent dans tous les sens parce qu’aucune hypothèses de travail n’a été formulée ; • des entretiens sont réalisés sans avoir le moindre cadre d’analyse, ni même une problé- matique ; La réalisation d’un document scientifique — Frédéric HÉRAN — Université de Lille I — 5 — • le choix de la méthode de traitement des données a été fait avant même de savoir si les données nécessaires peuvent être recueillies ; • aucune thèse n’est vraiment défendue dans le document final… Ainsi, ce séminaire a pour objectif d’expliquer la démarche conduisant à la réalisation d’un document scientifique en détaillant les 7 phases ici identifiées et leur articulation. Ce qui suppose : • de développer certains aspects peu ou pas étudiés par ailleurs : par exemple, la délimitation d’un sujet, la construction d’une problématique, la lecture de documents scientifiques…, • d’évoquer au contraire rapidement certains aspects pourtant essentiels, mais mieux connus car développés dans d’autres cours ou séminaires : par exemple, les modèles, les méthodes de recueil et de traitement des informations… III — L’ORGANISATION DU TRAVAIL Quelques conseils généraux paraissent encore nécessaires avant d’entamer la présentation de la démarche. 1. LA GESTION DU TEMPS La réalisation d’un document scientifique est une école de rigueur : maîtrise de l’information, justesse de l’analyse, précision dans la rédaction… tout cela dans un temps imposé. Il faut donc être méthodique, mais pas maniaque, maintenir un effort soutenu sans pour autant s’épuiser. Après des périodes d’intense activité succéderont parfois des passages à vide, des moments de fatigue ou de doute. C’est normal, c’est humain. On peut en profiter pour faire des tâches simples ou répétitives : saisir la bibliographie, relire un texte, corriger les fautes… ou bien qui change uploads/Science et Technologie/ redaction-d-un-document-scientifique.pdf

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