Axe 2. Objets numériques, pratiques médiatiques et innovations sociotechniques

Axe 2. Objets numériques, pratiques médiatiques et innovations sociotechniques comme autant d’invitations à expérimenter ESSACHESS. Journal for Communication Studies, vol. 6, no. 1(11) / 2013: 107-124 eISSN 1775-352X © ESSACHESS Environnements immersifs et dispositifs numériques. Etudes expérimentales et approches distanciées Philippe BONFILS, Maître de Conférences, I3M, Université du Sud Toulon-Var, FRANCE bonfils@univ-tln.fr Michel DURAMPART Professeur des universités, I3M, Université du Sud Toulon-Var, FRANCE michel.durampart@univ-tln.fr Résumé : L'article propose de discuter les enjeux théoriques et méthodologiques appliqués à l'étude des environnements immersifs en sciences de l'information et de la communication. Les environnements considérés sont des dispositifs numériques qui engendrent des effets plus ou moins forts d'immersion (réalité virtuelle, réalité augmentée, serious games, etc.). Il s'agit pour les auteurs de questionner le renouvellement d'une posture constructiviste et ethno-méthodologique mise à l'épreuve d'expérimentations multiples. 108 Philippe BONFILS, Michel DURAMPART Environnements immersifs… L'article se termine par l'illustration d'une méthodologie actuellement en cours de test sur un projet industriel. Mots-clés : environnements immersifs, distanciation, légitimité, point de vue, méthodologie *** Immersive environments and digital devices. Experimental studies and distanced approaches Abstract: This paper proposes to discuss the theoretical and methodological issues applied to the study of immersive environments in information and communication sciences. Environments considered are digital devices that generate more or less strong effects of immersion (virtual reality, augmented reality, serious games, etc..). The authors question the renewal of a constructivist and ethno-methodological posture that will be put into test in various experiments. The paper concludes with an illustration of a methodology currently being tested on an industrial project. Keywords: immersive environments, distance, legitimacy, point of view, methodology *** Cette proposition s’ancre dans un double constat : les dispositifs et les applications numériques et, plus notamment, les environnements immersifs suscitent un engouement dans les recherches en SIC (connaissent un succès grandissant). Il est question ici de mettre à l'épreuve, de la théorie et des méthodologies scientifiques, les objets spécifiques que sont ces environnements. Sur le plan terminologique, le concept auquel nous faisons référence s'inscrit dans la famille des dispositifs numériques et plus particulièrement des dispositifs sociotechniques d'information et de communication (DISTIC : qui constitue le thème central des travaux conduits au sein du laboratoire I3M Nice-Toulon). Ceux-ci désignent des lieux de médiation composés de multiples facteurs sémiotiques, esthétiques et techniques en interaction qui relient des acteurs sociaux dans des agencements et processus médiatés. Ce sont donc des construits sociaux issus de processus d’interaction entre des individus (producteurs, consommateurs, usagers, citoyens) qui sont aussi des sujets socialisés face à un ensemble hétérogène de techniques. Dans cette famille des Distic, les environnements immersifs regroupent un ensemble large de dispositifs qui engendrent des effets plus ou moins prononcés d'immersion sensorielle voire psychique. Ces effets peuvent être produits par des effets visuels et sonores avec des degrés plus ou moins prononcés de mélange d'images images de synthèses et d'images réelles. L'intérêt de cette définition est de construire un travail de recherche sur des dispositifs et contextes variés (installations immersives de ESSACHESS. Journal for Communication Studies, vol. 6, no. 1(11) / 2013 109 simulations industrielles, mondes virtuels, jeux vidéos, installations scéniques artistiques, applications immersives en muséologiques, serious games, etc.), mais qui sont tous reliés par la notion d'immersion. Si on regarde l’emploi de méthodologies expérimentales afin d’étudier ces dispositifs numériques, deux problématiques se dessinent : – La façon dont les chercheurs justifient et légitiment l’ancrage de leurs méthodes et les rendent opérationnelles alors qu’ils sont eux mêmes directement impliqués dans les objets et dispositifs qu’ils étudient – Et de fait, la posture et le positionnement revendiqués par le chercheur face à l’analyse des tensions et transformations que ces technologies très socialisées impriment sur (et dans) le corps social. Cet article propose de discuter ces problématiques à partir d'un retour sur les différents ancrages théoriques mobilisés par les chercheurs conduisant des travaux en SIC sur les dispositifs numériques. Il s'agit ensuite de reconsidérer la position du chercheur à partir, notamment, d’une volonté fréquemment affirmée de s’appuyer sur un renouvellement des méthodologies issues de l'ethno-méthodologie et du constructivisme. Il s’agit de rendre compte de la place que les chercheurs accordent aux reconfigurations et déplacements des usages à partir de l'analyse des tensions qui se manifestent entre les usages individuels et collectifs de ces dispositifs numériques. Enfin, il est question d'étudier le transfert de cet angle de traitement théorique et méthodologique à des environnements numériques récents qui engendrent des effets plus ou moins importants d'immersion (dispositifs de réalité virtuelle, augmentée, Serious Games, etc.). Un terrain de recherche actuellement en cours de tests sur un projet industriel servira de support et d’illustration à cette façon d’aborder l’immersion. 1. Un ancrage théorique qui doit s’accorder à la position du chercheur et la recherche conduite 1.1. La position du chercheur face aux re-médiations opérées par des dispositifs numériques On assiste souvent à la revendication (en particulier dans les thèses actuelles en Sic orientées vers des objets comme les TIC et les dispositifs numériques) d’un ancrage relevant de l’ethnométhodologie, du renouvellement d’une posture constructiviste voire socio-constructiviste qui soulèvent des questions au regard de 110 Philippe BONFILS, Michel DURAMPART Environnements immersifs… l’emploi qui est fait de ces références. En effet, il arrive que la façon de s’inscrire dans ces approches méthodologiques ou paradigmes manque de clarté quant à l’appropriation qui en est faite et leur possible ajustement avec les objets ou démarches analysés. Il nous importe de souligner également la diversité des approches méthodologiques en jeu (réflexivité, médiation de dispositifs technologiques de captation, relectures des observations, mise en situation d’acteurs individuelles/collectives, attention portée à l’appareillage de l’acteur en situation d’utilisations, etc.), et les multiples directions que peuvent prendre une fonction (une démarche) d’étude et d’observation en SIC face à de tels objets. La principale question porte selon nous sur la position du chercheur face au regard de à sa propre situation. Elle sera donc abordée sous l’angle de son investissement et de sa posture au regard des orientations méthodologiques et théoriques 1.2. Des déplacements engendrés par l'action du chercheur Les deux travers qui nous semblent faire problème s’expriment dans cette non élucidation des opérations de déplacement impliquées par la distanciation, la dématérialisation, la dislocation espace temps, relevant des usages des TIC et donc redoublées par l’action du chercheur lui même investi au cœur de ces technologies. Aucune équivalence de fait n’est possible entre une action en présence et à distance (dématérialisée) et pourtant, il existe de nombreuses relations de continuité et de contiguïté (Durampart, 2012). Par ailleurs, les approches de type ethno-méthodes ont été pensées dans un cadre de proximité, de présence, voire d’insertion envers les contextes étudiés. Que devient le développement des recherches ancrées sur ce socle méthodologique quand on se situe sur l’observation des re-médiations impliquée par les objets ou les appareillages que constituent un écran, une intermédiation avec un objet communicant, etc.. ? De fait, il ne s’agit pas de contester l’ancrage théorique mais plutôt sa déclinaison, son explicitation dans le cadre d’une recherche où le chercheur se trouve lui même acteur en situation. En effet, on ne peut se contenter d’une posture théorique qui ne questionnerait pas la posture du chercheur au cœur même du terrain d’étude, la distanciation qu’il opère et l’analyse réflexive qu’il conduit du fait de l’implication de sa position sur les recherches conduites et sur l’ajustement des résultats qui en découlent. Toutes ces considérations existent justement au cœur des approches ethno méthodologiques ou dites constructivistes. Lorsqu’on se penche plus spécifiquement sur le discours des chercheurs quand ils convoquent ces références on s’aperçoit qu’il s’agit plus souvent de l’affirmation d’un principe généralisant qui s’articule peu avec les démarches et méthodes utilisées. ESSACHESS. Journal for Communication Studies, vol. 6, no. 1(11) / 2013 111 2. Renouvellement d'une posture constructiviste et ethno-méthodologique 2.1. Le constructivisme: un courant pluriel Du côté du constructivisme, il est difficile de parler d’un courant unifié, tant la déclinaison et la dissémination de cette approche et de sa traduction en concepts épistémologiques ou structurants sont diversifiées. Les cadres de référence peuvent s’articuler autour d’une approche de la connaissance, de l’éducation, de l’organisation, du social, du vivant. Des variantes et tendances se dégagent parmi des auteurs aussi divers que Jean Piaget avec l’épistémologie génétique, Ernst von Glasersfeld avec le constructivisme radical, Edgar Morin avec l’épistémologie complexe, ou Mioara Mugur-Schächter avec l’épistémologie formalisée (Chevalier : 2004). On peut dire du constructivisme qu’il propose de dépasser les antinomies classiques : idéalisme/empirisme, sujet/objet, etc. Cette position dépasse le réalisme scientifique tout en évitant le piège d’un relativisme. Il ne s’agit pas de nier une réalité construite ni de la faire dépendre entièrement d’une subjectivité qui lui échappe mais de reconnaître les interdépendances entre facteurs, individus et structures, détermination et co-construction, qui permettent de rendre compte d’un phénomène ou d’une réalité. Or, les dispositifs techniques mettent en cause autant l’apprentissage individuel que l’apprentissage collectif. En ce sens c’est bien du côté des actions sociales situées ou collectives que les changements provoqués ou induits par les « TIC » peuvent se révéler. Cela nécessite aussi de mettre en évidence un ensemble de représentations convergentes uploads/Science et Technologie/ ssrn-id2314925 1 .pdf

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