OBJET ET MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE EN PSYCHANALYSE : L'EXEMPLE DE LA PSYCHOP

OBJET ET MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE EN PSYCHANALYSE : L'EXEMPLE DE LA PSYCHOPATHOLOGIE PSYCHANALYTIQUE D'ORIENTATION PHÉNOMÉNOLOGIQUE Mareike Wolf-Fédida Association Recherches en psychanalyse | Recherches en psychanalyse 2004/1 - no 1 pages 81 à 96 ISSN 1767-5448 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-recherches-en-psychanalyse-2004-1-page-81.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Wolf-Fédida Mareike, « Objet et méthodologie de la recherche en psychanalyse : l'exemple de la psychopathologie psychanalytique d'orientation phénoménologique », Recherches en psychanalyse, 2004/1 no 1, p. 81-96. DOI : 10.3917/rep.001.0081 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Association Recherches en psychanalyse. © Association Recherches en psychanalyse. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.24 - 14/10/2014 16h32. © Association Recherches en psychanalyse Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.24 - 14/10/2014 16h32. © Association Recherches en psychanalyse I – INTRODUCTION Les mots-clés « recherche » ou « université » dans les dictionnaires de psychologie et de psychanalyse sont difficiles à trouver 1. Pourtant la clinique ne se passe ni de la recherche ni de son histoire, bien au contraire. Une prise de position à travers une construction historique semble indispensable. Il en dépend la compréhension de l’orientation et des enjeux de certaines recherches d’aujourd’hui. Je proposerai donc quelques jalons pour situer la recherche en psychanalyse et je terminerai par un exemple de ma propre orientation de recherche. La recherche en psychanalyse se démarque par rapport à quatre dates histo- riques dans l’ordre suivant : l’entrée de la psychologie à l’Université (1879, à Leibzig, Wundt ; 1895, à Rennes, Bourdon), l’expérimentation des données psychanalytiques en laboratoire (1904, la clinique psychiatrique Burghölzli, dirigé par E. Bleuler), la fondation de la première société de psychanalyse (1902, Société psychologique du mercredi ; dissolue en 1907 pour devenir l’Association psychanalytique de Zurich) et la première chaire de psychanalyse (1919, à Budapest, Ferenczi). Nous voyons là qu’il s’agit d’une recherche encore jeune de cent ans à peine. Et encore, il s’agit des dates des débuts. Sachant que l’organisation d’une recherche, puis les délais de publication, nécessitent souvent quinze à vingt ans pour devenir significative et être connue au public. Autrement dit, quand nous parlons de la recherche en psychanalyse, nous disposons d’un temps d’expérience qui correspond à peu près à l’espé- Objet et méthodologie de la recherche en psychanalyse : l’exemple de la psychopathologie psychanalytique d’orientation phénoménologique Mareike Wolf-Fedida Recherches en psychanalyse, 2004, 1, 81-96. 1. L’exception confirme la règle : A. De Mijolla, Dictionnaire International de la Psychanalyse, Paris, Calmann-Lévy, 2002. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.24 - 14/10/2014 16h32. © Association Recherches en psychanalyse Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.24 - 14/10/2014 16h32. © Association Recherches en psychanalyse 82 RECHERCHES EN PSYCHANALYSE rance de vie d’un homme d’aujourd’hui ! Il s’agit donc de relativement peu de temps, dense en grands changements de tout ordre (les guerres, l’informatique, mai 68, la pluridisciplinarité, les avancées technologiques y compris en médecine, entre autres) ayant eu forcément une influence sur toute pensée. Ses quatre dates, entre 1880 et 1920, sont aussi celles qui encadrent l’essentiel de la découverte de la psychanalyse. Ces événements vont éclairer les objets qui constitueront la recherche en psychanalyse et la méthodologie qu’elle empruntera. II – LES DÉBUTS DE LA RECHERCHE Freud a suivi une formation de physiologiste comme il était d’usage à cette époque. Il a obtenu son doctorat, sa thèse portant sur l’anguille, en 1877. La psychologie qui a commencé tout juste à faire son entrée à l’université était la « psychologie physiologique » (H.v. Helmholtz, Professeur de physiologie à Königsberg) 2 et la création d’un laboratoire de « psychologie expérimentale » était en cours (W. Wundt, Leibzig) 3. On note que les objets de recherche de la psychologie traite de l’appareil optique et des modifications de la vision. L’illusion pouvait donc être de nature optique tout comme l’optique pouvait être une illusion d’objectivité scientifique! 4 La subjectivité – l’objet d’étude par excellence déjà abordé en philosophie depuis 200 ans – devient enfin saisis- sable à travers les manifestations subjectives de l’œil en étudiant le regard et l’attention portée à la perception. Cet intérêt dans la psychologie à cette époque traverse les frontières géographiques, puisque B. Bourdon (professeur de psychologie expérimentale à Rennes) publie La perception visuelle de l’espace en 1902. On remarque également qu’à la fin du XIXe siècle la mise au point de la photographie (vers 1880) et le passage de l’impressionnisme (vers 1860) à l’expressionnisme (début du XXe siècle). L. Binswanger – fondateur de l’« analyse existentielle» et de la psychiatrie phénoménologique – débutera ses propres observations cliniques, au début du XXe siècle en s’intéressant au vécu du malade à travers l’altération de la perception du temps et de l’espace. Mais Freud, quant à lui, s’intéressera plutôt à la fonction du langage – ou une nouvelle façon de la concevoir. Par la publication sur l’aphasie, en 1891, il se démarquera de la psychiatrie et de la conception régnante de celle-ci au sujet du cerveau. Peu après, ses travaux en collaboration avec Breuer donnent une nouvelle lumière sur l’activité de la mémoire et sur l’association comme 2. Deux ouvrages faisant autorité : Physiologische Psychologie et Handbuch der physiolo- gischen Optik. 3. Logik (1880-1883), Ethik (1886), System der Philosophie (1889) et Völkerpsychologie (1900). 4. Cf. Maine de Biran au début du XIXe siècle sur la vision, in Du physique et du moral de l’homme (p. 280) cité in Le Robert, dictionnaire, « Vision », 1978, p. 826. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.24 - 14/10/2014 16h32. © Association Recherches en psychanalyse Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.24 - 14/10/2014 16h32. © Association Recherches en psychanalyse MAREIKE WOLF-FEDIDA – OBJET ET MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE EN PSYCHANALYSE 83 fournisseur d’accès au souvenir. Les Études sur l’hystérie vont bouleverser la psychiatrie pour plus d’une raison. Commence une nouvelle conception de la nosologie qui se règle sur l’origine psychique du symptôme. Autrement dit, des maladies qui se traitent par la parole ne justifient plus l’hospitalisation en milieu psychiatrique. Qui d’autre que Bleuler, son adversaire aussi fécond que fiable, ne pouvait avoir envie de mettre les outils de la recherche psychanaly- tique à l’épreuve de l’expérimentation! La clinique psychiatrique du Burghölzli a constitué un laboratoire de choix pour les expérimentations d’association. C’est donc la première fois que la psychanalyse est appliquée à l’expérimen- tation (plus tard en 1920 avec le psychodiagnostic et, en 1935, le TAT comme «psychanalyse appliquée», elle entre dans l’ère des tests de personnalité). Ceci avec le souhait plus ou moins sincère de la voir se valider. C.G. Jung a travaillé sous la direction de Bleuler. L. Binswanger a écrit sa thèse également sous sa direction, au sujet des réactions psychogalvaniques dans la confrontation à une série de mots couvrant le trauma psychique. Enfin, plus tard, J. Lacan est venu parfaire sa formation psychodiagnostique au Burghölzli. La découverte de la psychanalyse avait donc influencé l’expérimentation telle qu’elle était conçue en psychologie en l’orientant sur le langage. Mais comme le langage devait être l’accès à la mémoire, ce dernier a été l’objet de recherche de la psychiatrie – selon le raisonnement que la mémoire dépend du bon fonctionnement du cerveau. Et puisque le trauma psychique empêche le souvenir, il empêche également le bon fonctionnement du cerveau. Cette causalité de la maladie découverte par la psychanalyse, avait donc mérité tout l’intérêt d’être retenu et vérifié par l’investigation psychiatrique. Mais comme dans toute expérimentation, les résultats renseignent davantage sur le cadre dans lequel l’expérimentation a été conçue que sur des choses qui n’y ont pas été prévues. Donc ce genre de recherche sur l’association a produit des résultats certes intéressants au sujet des réactions différentes que produisent les affec- tions psychopathologiques vis-à-vis du langage. Mais ils ne peuvent pas valider ou invalider la psychanalyse puisque la dernière varie complètement de la consultation psychiatrique par le cadre de traitement et les conditions d’obser- vation – celles-ci se situent à l’intérieur même du langage. Pareil pour la psychologie clinique (É. Séguin, Aspects cliniques de la psy- chologie de l’enfant, 1837. W. Ligtner développe la psychologie clinique et la clinique psychologique à partir de 1894) qui retient de la psychanalyse ce qui sert à confirmer leur propre courant: l’importance du déroulement de l’enfance pour l’équilibre psychique et le devenir de uploads/Science et Technologie/ wolf-fedida-m-recherche-en-psychanalyse.pdf

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