9 Généralités Généralités 1 Pourquoi cent questions sur la dépression ? L’objet
9 Généralités Généralités 1 Pourquoi cent questions sur la dépression ? L’objet de cet ouvrage est d’aborder, à partir de questions simples, les diffé- rents aspects cliniques et thérapeutiques de la dépression, mais aussi l’image qu’elle génère dans l’opinion publique. Pour ce faire, des patients souffrant de dépression, des médecins ou l’entourage de ces sujets ont proposé des thématiques pour lesquelles des explications leur paraissaient nécessaires. Cent questions ont été retenues au sein du verbatim ainsi constitué, mais nous aurions pu certainement en recueillir beaucoup d’autres. Tant de questionnement signifi e simplement que l’on est face à un phénomène tout sauf anodin : une maladie potentiellement grave. Étymologiquement, les termes « maladie » et « malade » proviennent du latin male habitus signifi ant « qui est en mauvais état ». Dans cette perspective, une maladie est une altération de fonctions ou de la santé d’un être vivant, une « condition anormale du corps ou de l’esprit d’un être humain qui cause de l’inconfort ou du dysfonctionnement ». La dépression majeure, par ses conséquences cliniques, psychologiques et sociales répond à cette défi nition et notre propos sera donc d’en souligner le caractère pathologique réel tout en le différenciant des variations normales ou adaptatives de l’humeur. Ainsi, mieux comprendre le trouble peut aider à mieux le traiter et surtout, dans la pratique quotidienne, cela permet de donner des réponses simples aux personnes concernées par la maladie dépressive. Tel est notre objectif principal. 10 Généralités 2 La dépression : Darwin en ferait-il un avantage évolutionniste ? Pour comprendre l’impact de notre environnement moderne sur l’humeur et faire le lien avec le potentiel dépressif de chacun, on peut s’appuyer sur une approche dite « évolutionniste ». En effet, l’homme a dû, au cours de son évolution naturelle, devenir un individu social pour assurer sa survie. Ceci a apporté des avantages mais aussi des inconvénients : notion de propriété, liens affectifs, éducation des enfants, position sociale, etc. Il lui a donc été nécessaire de développer des comportements optimisés pour interagir en groupe. Dans son existence, l’être humain est confronté à diverses situations : certaines vont être asso- ciées à un risque (perte) ou à une opportunité (avantage potentiel). Elles vont alors générer un état émotionnel qui aura une connotation positive ou négative et qui aidera l’individu à s’adapter aux événements et à favoriser les apprentissages pour lui permettre de faire face à un spectre assez large de situations. L’humeur triste serait, dans cette optique, un « outil » permettant de perce- voir des situations potentiellement négatives pour un sujet et d’y réagir de façon adaptée (au même titre que la douleur physique va être un message pour signaler l’existence d’un risque pour le corps). D’autres signes comme le désintérêt ou les ruminations obligent l’individu à se concentrer sur le problème à résoudre et à ne pas « se disperser », en évitant ainsi de gaspiller ses ressources. Par ailleurs, les signes dépressifs peuvent être aussi envisagés comme des messages envoyés aux autres et qui permettent de solliciter une aide par un signal « honnête » (la souffrance est reconnue et prise en compte). Les variations d’humeur et quelques signes sont, dans cette perspective, des défenses héritées de notre évolution. Cependant, dans des situations dépassant nos capacités d’adaptation (ce qui est souvent le cas dans nos sociétés modernes où les sollicitations, les événements stressants et la compétition sont importants), le système se dérègle et réagit à l’extrême, passant du normal (une adaptation) au pathologique (la dépression). 11 Généralités 3 D’illustres dépressifs ? De tous temps, des personnages de la vie publique ont vécu des épisodes dépressifs. Nombreux sont aussi ceux qui ont été étiquetés « dépressifs », parfois à tort par la société. Loin des « clichés » et des allégations discu- tables, certains biographes ont rapporté l’existence d’épisodes dépressifs parmi des personnalités célèbres. Trois exemples, volontairement distants de l’actualité, peuvent retenir notre attention : Ernest Hemingway, Molière et Chopin. De nombreux autres pourraient être cités également. Ernest Hemingway (1899-1961) est un écrivain et journaliste américain. Il est l’auteur en particulier de romans tels que Pour qui sonne le glas (1940), Le Vieil Homme et la Mer (1952). Dans sa biographie de l’écrivain (The True Gen : An Intimate Portrait of Ernest Hemingway by Those Who Knew Him), Denis Brian révèle la probable dépression du lauréat du prix Nobel de littérature (1954). Hemingway fi nira par se suicider en 1961. Un autre exemple de personnage illustre ayant probablement souffert de dépression est Molière (1622-1673). Jean-Baptiste Poquelin dit Molière de son nom complet est un écrivain et acteur de théâtre français. Il est l’auteur de nombreuses comédies ou farces connues et encore largement jouées de nos jours : Tartuffe (1664), Le Misanthrope (1666), Le Médecin malgré lui (1666), L’Avare (1668), Le Bourgeois gentilhomme (1670) ou Le Malade imaginaire (1673) pour ne citer qu’elles. En particulier dans Le Misanthrope ou l’Atrabilaire amoureux, Molière aborde ce sujet qui le concerne de très près, la dépression. En effet, à la lecture des tirades d’Alceste dans la pièce, il est possible de reconnaître des éléments sémiologiques de la dépression proches de la défi nition retenue de nos jours. Enfi n, Frédéric François Chopin (1810-1849), reconnu comme l’un des plus grands compositeurs de musique de la période romantique et l’un des plus célèbres pianistes du XIXe siècle, aurait lui aussi présenté des épisodes dépressifs au cours de sa vie (selon une biographie par M.-P. Rambeau intitulée Chopin l’enchanteur autoritaire). En particulier Chopin aurait traversé deux périodes dépressives, la première lors de ses premières années de vie parisienne (1831-1835) puis une seconde dans les dernières années de sa vie (1844-1849), suite aux deuils de proches et amis. 12 Généralités 4 Quelle différence entre « déprime » et « dépression » ? En dehors du cadre médical, les termes de « déprime » et de « dépression » sont souvent employés indifféremment et sans distinction. Ainsi, au quotidien est-on « déprimé par la météo », « en dépression depuis que l’annonce d’une mauvaise nouvelle » ou encore « déprimé par les informations télévisées ». Cependant, il est important d’établir une distinction entre, d’une part un sentiment de tristesse passager et « adapté » à une situation, la « déprime », et d’autre part une entité médicale, la « dépression ». Sur le plan psychiatrique, la « déprime » correspond à un état passager de détresse psychologique ou de tristesse qui peut être ressenti en réaction avec des événements diffi ciles. Elle ne correspond pas à un état pathologique ni à une maladie. La « dépression », au contraire, est une association de symptômes (dont la tristesse) durables dans le temps (au moins 15 jours), présents presque chaque jour et presque toute la journée. C’est cette notion de stabilité et de durée dans le temps de la symptomatologie qui sont les principaux arguments pour différencier la « déprime » de la « dépression ». Un autre argument fort de distinction est la répercussion dans la vie quoti- dienne et l’intensité de la souffrance, caractérisée « d’inhabituelle » dans la « dépression ». La « dépression » touche environ 5 % de la population générale et près de 15 % des gens auront un épisode dépressif au cours de leur vie. La « déprime » est évidemment bien plus diffi cile à quantifi er mais elle touche sans doute la quasi-totalité des personnes adultes, en fonction des événe- ments de vie. La « déprime » étant un événement passager et sans répercussion durable sur la qualité de vie, sa prise en charge est non médicalisée et fait en général appel essentiellement à l’entourage. La « dépression », au contraire, relève d’une prise en charge spécialisée ou en tout cas d’un avis spécialisé. 13 Généralités 5 Et dans les classifications internationales des maladies, où est la dépression ? En tant qu’entité nosographique, la dépression a été intégrée dans les classifi cations internationales de maladies mentales. Il existe plusieurs classifi cations internationales dont les plus couramment utilisées sont la Classifi cation Internationale de Maladies (CIM) et le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders). Dans la 10e édition de la CIM (CIM-10), publiée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en 2006 et utilisée à ce jour, la dépression est rattachée au chapitre 5 dit des « troubles mentaux et du comportement ». Plus précisé- ment, elle appartient au sous-groupe des troubles de l’humeur et est décrite sous différentes formes : épisode dépressif (avec les degrés d’intensité léger, moyen ou sévère) [codes F32.0 à F32.9], épisode dépressif dans le cadre d’un trouble bipolaire [F31.3, F31.4 et F31.5], épisode dépressif récurrent [F33.0 à F33.9] et certains épisodes de troubles de l’humeur persistants [F34.x] ou récurrents [F38.1]. La classifi cation CIM-10 est utilisée pour la cotation des actes médicaux en France. Dans le DSM-IV-TR (4e édition du DSM, révisée en 2000), publié par l’Asso- ciation américaine de psychiatrie (APA), la dépression s’inscrit dans les troubles de « l’axe 1 », troubles dits « cliniques ». La dépression y uploads/Sante/ 100-questions-sur-la-depression-extrait.pdf
Documents similaires










-
30
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 02, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
- Taille du fichier 0.0787MB