Cinquante années de psychiatrie à l'UCL par Léon Cassiers (1930 - professeur ém

Cinquante années de psychiatrie à l'UCL par Léon Cassiers (1930 - professeur émérite 1995) Les progrès de la psychiatrie L'histoire de la psychiatrie à l'UCL ne se comprend que resituée dans l'histoire générale de cette discipline au fil des 50 dernières années. Nous commencerons donc par retracer celle-ci. La première moitié du siècle avait vu naître la psychanalyse (1900/1910), comme traitement des névroses et intelligence des structures du psychisme, la cure d'insuline (1929) comme traitement des schizophrénies, et l'électrochoc (1936) comme traitement des dépressions. L'efficacité de ces thérapeutiques restait limitée, en particulier dans les affections sévères. L'apparition du premier neuroleptique, la chlorpromazine (largactil), en 1952, a entamé une véritable révolution dans le devenir des maladies mentales. Le largactil puis l'haloperidol et leurs dérivés divers ont permis de contrôler les angoisses de dissociation et l'agitation délirante des psychotiques (schizophrénies, manies, bouffées délirantes, paranoïas, etc.). Les neuroleptiques modernes améliorent même l'autisme, ou retrait des malades hors de la communication. Ces médications contrôlent en outre, dans une certaine mesure, l'évolution destructrice du psychisme qu'entraînaient les schizophrénies, au point que le terme de "démence précoce" qui les désignait dans les traités classiques a disparu de la nosographie. Il en est résulté une transformation radicale des asiles. "Fosses aux serpents" en tant que lieux de bruit, fureur, contention, enfermement, ils se sont transformés en hôpitaux psychiatriques le plus souvent ouverts, voués aux traitements et à la resocialisation. Quelques années plus tard (1956), l'apparition des antidépresseurs, IMAO (Inhibiteurs de la MonoAminoOxydase), et tricycliques, ont permis de soigner avec efficacité la plupart des dépressions, et les progrès continuent avec le développement de nouvelles molécules. Quelques années plus tard encore, vers 1960, apparaissent les benzodiazépines dont les multiples variations permettent de soulager les angoisses névrotiques et d'induire le sommeil infiniment mieux que ne le faisaient auparavant les barbituriques. Loin de supplanter les traitements psycho- et sociothérapeutiques, l'efficacité des médicaments psychotropes les a rendus plus nécessaires que jamais. En effet, si les médications effacent ou atténuent les symptômes, elles n'ont aucun impact sur les problèmes psychologiques et sociaux qui, tantôt sont à l'origine des maladies mentales, tantôt en sont la conséquence. Pour aider les patients à leur nécessaire restructuration psychologique et sociale se sont ainsi développées au cours des cinquante dernières années de multiples techniques thérapeutiques relationnelles. On a vu apparaître, à côté de la psychanalyse, les thérapies de groupe, la thérapie familiale, les psychothérapies brèves, diverses formes de sociothérapie et les thérapies de conditionnement. Les institutions psychiatriques se sont, elles aussi, profondément modifiées. En 50 ans, cette triple évolution de la psychiatrie, pharmacologique, psychothérapeutique et institutionnelle, a transformé le devenir des maladies psychiatriques. Évolution à l'UCL Pour les non-initiés, il est difficile de percevoir combien l'étude des maladies mentales, et, en corollaire, la compréhension du psychisme normal, interrogent le psychiatre et le psychologue sur sa propre structure psychique et sur les idéologies dominantes qui ont cours dans la société. Quelques exemples : Freud s'est interrogé sur le statut de la religion comme névrose obsessionnelle collective ("L'avenir d'une Illusion" 1927). E. De Greeff, très célèbre professeur de criminologie à l'UCL, a étudié les rapports des préoccupations religieuses avec les tendances dépressives. Les rapports de la maladie mentale avec la délinquance interrogent sur les fondements psychiques du sens moral, et de là sur toute l'éthique (L. Cassiers : "Le Psychopathe Délinquant" 1969). Le traitement des déviations sexuelles pose la question de la normalité, mais aussi de la moralité des conduites sexuelles (H. Ey "Perversité et Perversions" 1950). Les classes défavorisées sont surreprésentées dans les hôpitaux psychiatriques par rapport aux milieux aisés, posant par là la question des déterminants socio-économiques des maladies mentales. Tout le courant "antipsychiatrique" des années 60 et 70 s'est attaché à cette question. De tels exemples peuvent être multipliés. En outre, le psychisme est de nature essentiellement subjective, et n'est partiellement objectivable que par l'interprétation des dires, des comportements et - rarement - des réactions physiologiques des personnes. Ceci donne à la psychiatrie un statut d'étrangeté au sein d'une Faculté de médecine, vouée à l'observation scientifique objective du corps. Cette double étrangeté de son statut, philosophique et scientifique, crée facilement de l'incompréhension et même de la méfiance envers la psychiatrie au sein des institutions universitaires. Tel a été le cas à l'UCL pendant la première moitié du siècle, malgré une longue tradition chrétienne de soins caritatifs aux malades mentaux. Parce que la psychanalyse et quelques autres théories du psychisme qui fondaient la psychiatrie paraissaient peu scientifiques, mais plus encore parce qu'elles mettaient en question le statut psychique de certaines convictions religieuses, l'UCL avait montré de grandes réticences au développement de la psychiatrie en son sein. Ainsi, la consultation de psychiatrie, à Leuven, restait située dans des bâtiments mal entretenus du XVIIIe siècle, tandis que l'hospitalisation se faisait dans deux asiles, Bierbeek et Lovenjoel *.À partir de l'après-guerre, quelques professeurs se sont efforcés de remonter ce courant : au premier chef les Prs J. Schotte et A. Vergote à la Faculté de psychologie, le Pr A. De Waelhens à l'Institut de philosophie, le Pr E. De Greeff à l'Ecole de Criminologie, et le Pr Ch. Rouvroy qui les accueillait dans l'organisation de multiples séminaires au sein du service de psychiatrie. Au décès de ce dernier, en 1967, les mentalités avaient assez évolué pour que soient nommés comme enseignants trois psychiatres désireux de moderniser cette discipline au sein de l'UCL et en Faculté de médecine : les Prs P. Guilmot, J.-P. Legrand et L. Cassiers. L'histoire de la psychiatrie à l'UCL au cours des cinquante dernières années a ainsi d'abord été celle de la modernisation de son personnel et de ses structures de soins, tout en contribuant à la modernisation de la psychiatrie dans le pays et surtout à Bruxelles. En 1967, feu le Pr P. Guilmot (1923 - † 1990) fondait à Woluwe le Centre de santé mentale "Chapelle-aux-Champs", consacré au développement de la psychiatrie ambulatoire, et foyer de réflexion sur la psychiatrie actuelle. Ce Centre a collaboré à la fondation des Centres de santé mentale de Saint-Gilles, de Woluwe- Saint-Lambert (WOPS), d'Auderghem et de Braine-l'Alleud. Il a fondé ceux de Woluwe-Saint-Pierre ("Le Chien Vert") et de Saint-Josse-ten-Noode ("Le Méridien"), qui lui restent encore actuellement attachés. Il a largement participé à la * L’institut de Bierbeek, géré par les Frères de la Charité était réservé à l’hospitalisation des hommes, celui de Lovenjoel à celle des femmes (voir pages précédentes). création du Centre de Santé Mentale de Louvain-la-Neuve, actuellement dirigé par le Pr Ph. Meire. Il a collaboré à la création d'un Centre de jour ("Le Gué") et d'un Centre de nuit (associé au WOPS). Il a étroitement collaboré à la fondation de deux centres pour le traitement des toxicomanes ("Le Solbosch" et "Enaden"). Il a fortement contribué, tout récemment encore, à la fondation d'un planning familial sur le site de Woluwe ("Faculté d'Aimer"). Le Centre Chapelle-aux-Champs est devenu, parallèlement à ces développements, un très important foyer de pratique, de réflexion et de formation, ouvert à tous les psychiatres et psychologues francophones, dans de nombreux domaines : la psychanalyse des enfants (Dr D. Desmedt du Toict), la thérapie de groupe par le psychodrame (Pr P. De Neuter), la thérapie familiale que le service a introduite en Belgique (Pr P. Fontaine et Mme E. Tilman), la thérapie des assuétudes (Pr J.-P. Roussaux), la maltraitance des enfants (Pr J.-H. Hayez), la psychiatrie de crise (Pr L. Cassiers et feu le Pr M. Declercq [† 2000]), la prise en charge institutionnelle des enfants et des handicapés mentaux (Mme Cl. Morelle). Parallèlement, il développait la diversité de ses spécialisations : à côté des secteurs pour les enfants (Prs P. Fontaine et J.-H. Hayez), il a créé une consultation pour les adolescents (Pr Ph. van Meerbeeck), pour les délinquants (feu le Pr J.-P. Legrand et Dr F. Legein) et pour la gérontopsychiatrie (Pr Ph. Meire). De deux à trois mille consultations par an en 1968, le Centre Chapelle-aux-Champs en assure 35 000 par an à l'heure actuelle. Ce mouvement de spécialisation et ces efforts de formation dans tous les domaines ont abouti à la création, par une association entre les Facultés de médecine et de psychologie, du certificat spécial de psychothérapie, premier du genre en Belgique. Si le développement de la psychiatrie extrahospitalière était indispensable, il ne fallait pas oublier la modernisation de l'hospitalisation psychiatrique. Le service s'est efforcé de créer des unités de psychiatrie dans les hôpitaux généraux, à commencer par les cliniques universitaires Saint-Luc, qui y ont consacré 24 lits. Ce service a été orienté prioritairement vers le traitement des états psychiatriques aigus (Pr L. Cassiers, Pr A. Seghers et Dr B. Lapy), en lien avec la prise en charge des urgences. La psychiatrie de liaison dans tous les autres services de Saint-Luc a été développée (Pr P. Jonckheere, Drs A. Roelandts, A. Luts et Mme M. Van Den Bossche). Sous l'impulsion des Prs J.-P. Roussaux et A. Seghers, plus récemment, une consultation psychiatrique pour adultes (actuellement 19 000 consultations/an) est venue compléter la consultation pour enfants qui y fonctionnait déjà (Pr uploads/Sante/ 50-ans-de-psy-a-l-x27-ucl.pdf

  • 19
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Aoû 23, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.0551MB