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29/04/14 07:59 La bataille de la Sécu - FAKIR | Presse alternative | Edition électronique Page 1 sur 8 http://fakirpresse.info/La-bataille-de-la-Secu-707.html La bataille de la Sécu « Ne vous inquiétez pas, votre maladie est prise en charge à 100 %. » Quand mon médecin avait prononcé cette phrase, j’y avais à peine prêté attention, tellement ça me semblait normal. Et puis, j’ai dû faire des piqûres à plus de 1 000 euros l’unité, accumuler les allers-retour en ambulance, enchaîner les traitements, les radios, les scanners, et là, je me suis rendu réellement compte de ce miracle : l’assurance- maladie. J’ai fait des recherches, donc, encore incomplètes (à vous de compléter les paragraphes en jaune) pour comprendre à quels hommes, à quelle histoire, au fond, je dois la vie... On est en 1914, dans la Somme, et des femmes discutent en lavant leur linge : Gervaise : Tu la connais l’histoire de Julien ? Henriette : Non, et alors ? Gervaise : Le grand Julien, c’est l’mari de la Sophie, celle qui aide à la boulangerie Desmaretz. Un sacré courage qu’il a eu, le Julien... La Sophie, elle était grosse d’au moins huit mois : son quatrième. Elle allait à l’époque sur ses 26 ans. La sage-femme lui a dit comme ça qu’les choses allaient pas comme elles devaient et qu’il faudrait qu’elle voye un médecin. La Sophie, bien sûr, elle a attendu sans rien dire le dernier moment mais ça n’allait vraiment pas du tout. Elle gémissait, elle hurlait, elle s’crispait et rien n’venait. Alors, comme elle allait passer, l’Julien, il a appelé l’médecin : celui d’Sainte Anne, l’docteur Colin. Il a dit que ce serait difficile, qu’y avait du travail, et que ça coûterait cher. « Combien ? » il a dit Julien – « Dix Louis » – « Ça va, je les ai, nos économies » qu’il a répondu l’Julien. Alors, l’médecin il s’est mis au travail, et la Sophie, elle a accouché d’un gros garçon. Tous les deux, ils vont bien ! Merci !... Mais quand l’Docteur, il a réclamé ses dix Louis : « J’les ai pas, a dit l’Julien. “Regardez ma maison et vous comprendrez !... Seulement, si je vous l’avais dit, vous n’auriez jamais aidé ma femme, ni l’petit.” » Furieux, l’docteur a appelé la police : « Ça fait rien, a dit Julien, j’préfère aller en prison et garder ma Sophie ! Au moins, y aura quatre orphelins de moins ! » Du coup, y a un voisin qu’a des relations, qu’a demandé au maire. Et le maire, il a dit : « J’paierai la moitié. Le reste, Julien devra l’payer en travaillant ! » Quand il a su ça, le docteur, la honte lui a pris, et il s’est contenté des cinq Louis d’la mairie ! Sacré courage tout de même, l’Julien ! Ah ! C’est pas l’mien qu’aurait fait ça ! 29/04/14 07:59 La bataille de la Sécu - FAKIR | Presse alternative | Edition électronique Page 2 sur 8 http://fakirpresse.info/La-bataille-de-la-Secu-707.html Ce dialogue est extrait d’une pièce de théâtre, le Lavoir. Malgré nos lectures, nous ne sommes tombés sur aucun témoignage, dans le réel et non dans la littérature, des difficultés à se soigner au XIXème. Les existences de pauvres laissent peu de traces. Alors, si jamais vous avez dans vos cartons un tel récit, hérité d’un ancêtre, ou découvert dans une thèse, on est preneur. Au secours des pauvres Contre cette précarité, les notables bricolent parfois des aides, localement. Ainsi à Châteaubriand dès 1854, où une première « mutuelle » s’efforce de « donner les soins du médecin et les médicaments aux membres participants malades », ainsi que de « leur payer une indemnité pendant la durée de leurs maladies ». à Montceau-lès-Mines, c’est l’industriel Jules Chagot qui fonde, en 1843, une « Caisse de Secours et de Prévoyance ». Sous la IIe République, les vignerons de Demigny, dans le Châlonnais, ainsi que leurs familles, bénéficient de secours en argent en cas de maladie et des soins médicaux gratuits. S’agissait-il alors de philanthropie ? Ou d’un intérêt bien compris ? Ou des deux ? L’historien Joseph Lefort tranche : « Les difficultés toujours croissantes, que suscitent le recrutement et la formation des ouvriers imposent aux concessionnaires d’accorder aux ouvriers la plus grande somme de bien-être possible pour les attirer ou les fixer à leur exploitation. » « Un pour tous, tous pour un » : reprenant la devise des mousquetaires, le mouvement mutualiste se répand un peu. Et est approuvé jusqu’au sommet de l’État : Napoléon III, en 1852, applaudit un système qui parvient à « réunir les différentes classes de la société, à faire cesser les jalousies qui peuvent exister entre elles, à neutraliser en grande partie le résultat de la misère en faisant concourir le riche volontairement par le superflu de sa fortune et le travailleur par le produit de ses économies à une institution où l’ouvrier laborieux trouve toujours conseil et appui ». Grâce au mutualisme, exploiteurs et exploités sont unis et heureux... On aimerait en savoir bien plus sur la mise en place, concrète, locale, de ces mutuelles à Montceau, Châteaubriand ou Demigny. Si des lecteurs du coin veulent se lancer dans des recherches... La gauche contre Ainsi porté sur les fonts baptismaux, on comprend que, à la fin du siècle, les partis et syndicats révolutionnaires ne portent pas les mutuelles dans leur cœur. 29/04/14 07:59 La bataille de la Sécu - FAKIR | Presse alternative | Edition électronique Page 3 sur 8 http://fakirpresse.info/La-bataille-de-la-Secu-707.html « Lorsque des syndicats patronaux viennent vanter leur attachement pour les ouvriers et estiment qu’ils sont conscients de leurs devoirs, je dis que c’est une mauvaise plaisanterie », s’emporte à la Chambre, en 1905, le député radical Paul Guieysse. Les socialistes, eux, combattent carrément le mutualisme : Jules Guesde dénonce ainsi « le secours mutuel entre ceux qui n’ont rien parce qu’on leur a tout pris comme le dernier mot de la duperie ». Un « monstre », dénoncent les métallos CGT, une « forme d’association, qui, nul ne l’ignore, sourit beaucoup aux économistes bourgeois », « la mutualité s’aveulit dans la corruption et ne songe pas à se révolter », etc. La mutualité agace d’autant plus qu’elle exerce un attrait : avec deux millions d’adhérents en 1898, leurs effectifs rendent jaloux une CGT toute juste naissante. Qui, du coup, entre dans l’arène, et lance ses propres mutuelles : d’après l’Office du Travail, en 1910, un syndicat sur 6,5, dans le pays, en a mis un sur pied. Mais on demeure très loin d’un système de protection national. D’autant que, chez tous, mutualistes comme syndicalistes, une chose fait consensus : le refus que l’État intervienne. Par intérêt pour les premiers, par idéologie pour les seconds. Michel Dreyfus, historien, raconte : « Pour les mutualistes, l’État doit se mêler le moins possible de la protection sociale. Les mutualistes sont réticents devant tout système de protection obligatoire, quel qu’il soit. Cette méfiance est sans doute plus forte chez les mutualistes de base. De leur côté, la plupart des syndicalistes voient essentiellement en l’État un instrument policier. » L’État dans tout ça Mais la Grande Guerre va changer la donne. Parce que, d’abord, qui va prendre en charge ces centaines de milliers de blessés, de malades, d’handicapés, d’infirmes revenus des combats ? Par ailleurs, en Alsace et en Lorraine, les travailleurs ont bénéficié de la législation allemande – et il n’est pas question, au moment où ces provinces reviennent à la France, de les priver de ces avantages. Le pays doit s’aligner, par le haut : alors président du Conseil, Alexandre Millerand affirme, en 1919, que la République maintiendra « les avantages sociaux assurés aux ouvriers et aux employés d’Alsace-Lorraine par la législation existante où il faudra puiser les éléments susceptibles d’améliorer nos propres lois et procurer ainsi des avantages nouveaux à l’ensemble des travailleurs français ». Un consensus se fait jour. Avec la CGT, également, qui fait son virage : réunis le 15 décembre 1918, ses délégués exigent que « la société 29/04/14 07:59 La bataille de la Sécu - FAKIR | Presse alternative | Edition électronique Page 4 sur 8 http://fakirpresse.info/La-bataille-de-la-Secu-707.html garantisse contre le chômage, l’invalidité, la vieillesse tous les membres de la classe productive par l’Assurance sociale ». Cette position enrage le tout jeune Parti communiste, qui tempête avec dogmatisme contre les « chefs jaunes de la CGT qui, d’accord avec la bourgeoisie, acceptent le versement ouvrier ». Mais que le Parti se rassure : de projets en contre-projets, de passages au Sénat en retour à l’Assemblée, la loi traîne. Finalement, le 30 avril 1930, les « Assurances sociales » voient le jour. La grande nouveauté, c’est l’obligation d’adhérer. Mais elle ne suscite aucun enthousiasme populaire. Le socialiste étienne Antonelli, à l’origine de cette loi, s’étonne : « Les futurs assurés, leur attitude à eux est très nette, c’est la plus totale et la plus invraisemblable indifférence. J’ai fait des centaines de conférences publiques pour faire connaître le projet d’Assurances sociales. Partout uploads/Sante/ aperc-u-de-la-bataille-de-la-se-cu-fakir-presse-alternative-edition-e-lectronique.pdf

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  • Publié le Jul 06, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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