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Cardiomyoplastie V Bors P rès de 1 000 cardiomyoplasties ont été pratiquées dans le monde. © Elsevier, Paris. I Introduction La cardiomyoplastie est une technique chirurgicale utilisant un muscle squelettique (le grand dorsal), enroulé autour des ventricules, et stimulé électriquement pour réaliser une assistance chronique du cœur défaillant. I Base expérimentale Les muscles squelettiques comportent deux types de fibres : les fibres de type I, à contraction lente, et les fibres de type II, à contraction rapide. Les fibres de type I sont résistantes à la fatigue et conviennent à un travail chronique. Les fibres de type II peuvent être transformées en fibres de type I par une stimulation électrique progressive séquentielle et à basse fréquence par voie neuronale. Le muscle squelettique devient ainsi un « substitut myocardique » [4]. I Technique opératoire L’intervention comprend deux temps. Le patient est installé en décubitus latéral droit et le muscle grand dorsal gauche est abordé par une incision cutanée allant de la région axillaire jusqu’à la crête iliaque. Le muscle grand dorsal est entièrement libéré de ses insertions, en préservant soigneusement son pédicule vasculonerveux qui aborde la face profonde du muscle près de son extrémité supérieure. Deux électrodes de stimulation musculaire sont placées autour des branches de division du nerf du grand dorsal, au niveau du tiers proximal du muscle. Puis l’arc antérieur de la deuxième ou troisième côte gauche est réséqué, permettant de réaliser une fenêtre thoracique. Par cette courte thoracotomie, les électrodes et le muscle grand dorsal entièrement libéré sont placés provisoirement dans la cavité pleurale gauche. L’incision cutanée est ensuite fermée sur des drains aspiratifs et le malade est installé en décubitus pour le temps opératoire suivant. Le cœur est abordé par sternotomie médiane verticale. La plèvre gauche est largement ouverte, permettant de récupérer le muscle grand dorsal et les deux électrodes musculaires. Le péricarde est incisé à gauche de la ligne médiane et le cœur est exposé. Après avoir mis en place une ou deux électrodes de recueil dans la paroi antérieure du ventricule droit, l’enroulement du cœur est réalisé en plaçant le muscle grand dorsal d’abord en arrière des ventricules : le muscle est maintenu en place en le suturant au péricarde postérieur, en regard du tronc de l’artère pulmonaire et de la veine cave inférieure. Il est ensuite suturé bord à bord, à partir de la pointe du cœur, afin d’entourer les deux ventricules (fig 1). La cardiomyoplastie dynamique de renforcement ne nécessite pas le recours à la circulation extracorporelle. La sternotomie est refermée sur drains aspiratifs, puis les électrodes sont connectées à un cardiomyostimulateur. Le cardiomyostimu- lateur est logé à la face postérieure du muscle grand droit gauche (fig 2). 1 Illustration de la technique opératoire de la cardiomyoplastie. 1 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine 2-0340 © Elsevier, Paris 2-0340 I Protocole de stimulation ‚ Matériel L’électrode cardiaque recueille l’onde R et le cardiomyostimulateur permet d’envoyer un train d’impulsions synchronisé au muscle grand dorsal. Il est possible de régler le délai entre l’onde R et la première impulsion, le nombre d’impulsions délivrées au muscle, l’intervalle entre les impulsions, l’amplitude des impulsions. Le cardiomyostimulateur peut être synchronisé à chaque contraction cardiaque ou à une contraction sur deux, voire une sur trois ou une sur quatre. De plus, le cardiomyostimulateur peut fonctionner comme pacemaker sur le mode VVI. ‚ Protocole Le stimulateur musculaire est mis en route 15 jours après l’intervention. Ce délai est nécessaire à la récupération du muscle du traumatisme opératoire et permet l’adhérence du grand dorsal aux ventricules. La stimulation est progressive : pendant les 15 jours suivants, seule une impulsion électrique est envoyée au muscle, d’amplitude d’environ 4 volts, et tous les 15 jours une impulsion supplémentaire est ajoutée. À la fin de la période d’entraînement musculaire, chaque salve comporte six impulsions (fig 3). Cet entraînement progressif permet d’obtenir la transformation du muscle squelettique. Le début du train d’impulsions est réglé par échographie de type TM (temps mouvement). Habituellement, 2 mois après l’intervention, les patients rapportent déjà une amélioration fonctionnelle. Bien évidemment, le traitement médicamenteux préopératoire a été maintenu pendant toute cette période et ne sera éventuel- lement allégé qu’à distance de l’intervention. I Indications et contre-indications ‚ Indications La cardiomyoplastie dynamique peut être proposée aux patients en insuffisance cardiaque d’origine ischémique ou idiopathique, en classe III de la NYHA (New York Heart Association), malgré un traitement médical optimal, ayant un muscle grand dorsal gauche intact. ‚ Contre-indications Les contre-indications absolues sont représentées par : – les contre-indications cardiaques : – la classe IV irréductible ou la nécessité d’un support inotrope IV et/ou d’un ballon de contrepulsion intra-aortique ; – les cardiopathies hypertrophiques ou restrictives ; – l’hypertension artérielle pulmonaire fixée ; – la défaillance biventriculaire à prédominance droite ; – l’insuffisance mitrale > ++ ; – les contre-indications extracardiaques : – la cachexie ; – les maladies neuromusculaires ; – l’insuffisance respiratoire (capacité vitale inférieure à 55 % de la valeur théorique) ; – l’insuffisance hépatique ou rénale sévère ; – la thoracotomie gauche préalable. D’autres contre-indications sont relatives : – la dilatation majeure du ventricule gauche (diamètre télédiastolique supérieur à 75 mm) ; – l’effondrement de la fonction ventriculaire gauche (fraction d’éjection inférieure à 15 %) ; – l’épuisement de la réserve myocardique (consommation maximale d’O2 inférieure à 12 mL/min/kg). 2 Radiographie thoracique après cardiomyoplastie : noter l’ombre de la partie proximale du muscle grand dorsal gauche qui barre le champ pulmonaire gauche. 3 Électrocardiogramme à la fin du protocole de stimulation : noter la survenue d’une salve de six impulsions après un QRS sur deux. 2-0340 - Cardiomyoplastie 2 I Surveillance La surveillance au-delà du troisième mois postopératoire des patients ayant bénéficié d’une cardiomyoplastie est une surveillance simple, n’imposant aucune contrainte spécifique ni au cardiologue, ni au malade, hormis le contrôle du bon fonctionnement du stimulateur qui se fait dans le centre d’implantation. Le transfert du muscle grand dorsal gauche autour du cœur n’entraîne ni gêne fonctionnelle de l’épaule, ni diminution de la fonction respiratoire. I Résultat La première cardiomyoplastie dynamique a été réalisée à l’hôpital Broussais, à Paris, par le professeur Alain Carpentier et le docteur Juan Carlos Chachques, en janvier 1985. Depuis cette date, près de 1 000 interventions ont été pratiquées dans le monde [1, 2]. Le mode d’action de la cardiomyoplastie est encore sujet à controverse, mais toutes les études concordent pour signaler l’amélioration significative et durable de la qualité de vie des patients ayant bénéficié de la cardiomyoplastie. On note le gain d’au moins une classe fonctionnelle suivant la classification de la NYHA, ainsi que la diminution d’épisodes aigus de défaillance cardiaque nécessitant une réhospitalisation [3, 6, 7]. La probabilité de survie après cardiomyoplastie est de 70 % actuellement, à 4 ans, mortalité opératoire incluse, pour les patients opérés en classe fonctionnelle III de la NYHA. La cardiomyoplastie préalable n’interdit pas une transplantation cardiaque ultérieure : plusieurs dizaines de patients ont été transplantés avec succès à cause de la progression de la défaillance cardiaque après cardiomyoplastie. I Perspective La cause de décès la plus fréquente chez les patients ayant bénéficié de cardiomyoplastie est la mort subite. Bien que toutes les morts subites ne soient pas imputables à des troubles du rythme ventriculaire, il est actuellement possible de combiner la cardiomyoplastie avec la mise en place d’un défibrillateur implantable chez les patients ayant eu des épisodes d’arythmie ventriculaire menaçante [5]. L’amélioration de la performance du muscle squelettique est une autre préoccupation. Deux voies principales de recherche sont actuellement prospectées : – l’amélioration de la force musculaire avec des moyens physiques (stimulation électrique préopératoire, expansion passive in situ préopératoire du muscle grand dorsal) ou médicamenteux (utilisation de stéroïdes anabolisants ou de facteurs de croissance) ; – le perfectionnement du mode de stimulation, permettant d’adapter la contraction du muscle grand dorsal aux variations de débit cardiaque au repos et à l’effort. Plusieurs études randomisées sont en cours actuellement, dont la plus importante, aux États-Unis, compare la cardiomyoplastie au traitement médical conventionnel seul chez des patients insuffisants cardiaques en classe III de la NYHA. L’exploitation prochaine des résultats de cette étude devrait répondre objectivement à trois questions : – l’amélioration du statut fonctionnel et de la qualité de vie des patients ; – la durée de survie comparée au traitement médical classique ; – la stabilisation, voire l’amélioration de la fonction cardiaque, comparée au traitement médical classique. I Conclusion La cardiomyoplastie est une méthode d’assistance ventriculaire que l’on peut proposer aux patients en insuffisance cardiaque non équilibrée sous traitement médical. Elle trouve notamment sa place en cas de contre-indication ou d’impossibilité de transplantation cardiaque, et à l’inverse, n’interdit pas une transplantation ultérieure. Valéria Bors : Praticien hospitalier, chirurgien, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : V Bors. Cardiomyoplastie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0340, 1998, 3 p R é f é r e n c e s [1] Bors V, Dorent R, Patrat JF, Léger uploads/Sante/ cardiomyoplastie 1 .pdf

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  • Publié le Aoû 28, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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