Il est généralement admis qu’il faut prêter attention à l’équilibre de son alim

Il est généralement admis qu’il faut prêter attention à l’équilibre de son alimenta- tion, gage de bonne santé. Le chocolat (Figure 1) n’est pas une nourriture comme les autres : il associe une conno- tation affective certaine avec des effets sur la santé, qui suscitent un intérêt grandis- sant chez les scientifi ques, les professionnels de la Santé et le grand public. Les populations précolom- biennes, Mayas et Aztèques, incluaient déjà dans leur pharmacopée le cacao, prin- cipal composant du chocolat (Figure 2). Ils l’utilisaient pour lutter contre des maladies de la peau, contre les piqûres de serpents, ou encore pour soigner la diarrhée, en plus Michel Barel Le chocolat est-il bon pour la santé ? Le chocolat est-il bon pour la santé ? Figure 1 Le chocolat est principalement composé de cacao. La fève de cacao est issue de la cabosse (au milieu), fruit du cacaoyer (à gauche). La fève, principalement importée de pays tropicaux d’Afrique, d’Amérique et d’Asie, est fermentée, séchée, torréfi ée, broyée puis pressée à chaud jusqu’à former une pâte de cacao liquide dont on extrait la matière grasse : le beurre de cacao (voir la Figure 10). Figure 2 Noble maya offrant de la pâte de cacao. Musée du chocolat de Bruges (Belgique). 124 La chimie et l’alimentation de l’utiliser quotidiennement comme boisson, et parfois lors de cérémonies religieuses. À l’ère industrielle, les premiers chocolatiers étaient des pharmaciens : Van Houten, Nestlé, Menier… et le 5 janvier 1860, l’Empereur Napoléon III proclamait : « Le cacao n’est pas une marchandise de luxe, ce n’est point une gourmandise. Ses propriétés hygiéniques et nutritives sont incontestables et incontestées, et parce qu’il est doué d’un arôme et d’une saveur qui fl attent l’odorat et le palais, il entre dans les denrées de grande consom- mation dont je proclame le dégrèvement fi scal. Car il est physiquement et moralement salutaire ». Peut-on rêver plus belle apologie ? Cependant, beaucoup de rumeurs et d’idées reçues circulent toujours au sujet du chocolat, souvent associé au péché de gourmandise, mais également montré du doigt par des nutritionnistes [1]. Or, des études scientifi ques apportent des données convergentes qui suggèrent que ces savou- reux aliments pourraient bien avoir des effets positifs pour la santé. Le débat est loin d’être clos, et des ques- tions subsistent encore. Il est temps de faire le point sur les principales caractéristiques nutritionnelles et pharma- cologiques du chocolat. Pour cela, il faut passer à l’examen sa composition chimique (ici, c’est principalement le chocolat noir qui sera étudié. Voir l’Encart : « Les différents types de chocolats »). LES DIFFÉRENTS TYPES DE CHOCOLAT (Figure 3) Le chocolat noir, aussi appelé chocolat fondant ou chocolat amer, est le chocolat à proprement parler. C’est un mélange de cacao et de sucre qui contient généralement 60 à 75 % de cacao (il doit en contenir au minimum 35 %). Le chocolat au lait est du chocolat obtenu en ajoutant du lait en poudre. Il contient typique- ment un peu moins de 40 % de cacao et il est plus sucré que le chocolat noir. Le chocolat blanc est une préparation à base de beurre de cacao, additionné de sucre, de lait en poudre et d’arôme. Bien qu’il soit reconnu comme chocolat, il ne contient pas de cacao. Le chocolat de couverture est un chocolat de très bonne qualité utilisé par les chocolatiers et les pâtissiers comme matière première. Il peut être noir ou au lait, mais contient au moins 32 % de beurre de cacao, ce qui le rend très fl uide pour réaliser un enrobage plus fi n qu’un enrobage classique. Chocolat noir, blanc ou au lait : la composition n’est pas la même et les vertus viennent du cacao, ingrédient-clé dont le chocolat blanc est dépourvu. Figure 3 125 Le chocolat est-il bon pour la santé ? 1 Un aliment énergétique La première caractéristique du chocolat tient à ses propriétés énergétiques. De par sa composition en sucres et en matières grasses, il fournit, sous un faible volume, un très bon apport calo- rique. Ainsi, 100 grammes de chocolat noir (à plus de 50 % de cacao), soit environ une tablette, apportent 560 kcal (2 340 kJ). Le chocolat au lait en fournit autant : 550 kcal (2 300 kJ) pour 100 g. Quasi égalité ! À titre de comparaison, 100 grammes de pain apportent 250 kcal (1050 kJ). Or en moyenne, un homme a besoin de 2 400 kcal (10 000 kJ) par jour. Pour les sportifs, le chocolat est un excellent aliment leur appor- tant de l’énergie nécessaire aux efforts physiques, en particulier d’endurance (Figure 4). Précisons qu’ac- tuellement, le chocolat noir n’est pas considéré comme un sucre rapide, comme en témoigne son index glycémique1 particulièrement bas de 22. 1. L ’index glycémique, inventé par l’équipe de David J. Jenkins à l’université de Totonto en 1981, est un critère de classement des aliments contenant des glucides basé sur leurs effets sur la glycémie (taux de glucose dans le sang) durant les deux heures suivant leur ingestion. Il permet de comparer le pouvoir glycémiant de chaque aliment, mesuré directement lors de la digestion. L ’index glycémique d’un aliment est donné par rapport à un aliment de référence, auquel on attribue l’indice 100 (généralement glucose pur ou « pain blanc »). Plus l’index glycémique d’un aliment est élevé, plus le taux de glucose s’élève rapidement dans le sang après Figure 4 Le chocolat est un excellent aliment pour les sportifs : il apporte beaucoup de calories permettant des efforts physiques de longue durée. 2 Des anti-oxydants dans le chocolat : les polyphénols De nombreux végétaux – fl eurs, fruits, tiges – contiennent des molécules appelées polyphénols, dont les propriétés sont très diverses, au point que toutes ne sont pas encore réperto- riées ; on sait que certains, en particulier celles de la famille des fl avonoïdes, contribuent à la pigmentation de ces végé- taux (Encart « Dans la famille des fl avonoïdes » ; à propos des polyphénols, voir aussi l’Encart « Les nombreux poly- phénols de la pomme » du Chapitre de S. Guyot). On en trouve dans le raisin, le cassis, les myrtilles, … et surtout dans le cacao. Trois aliments sont de fait connus pour être riches en polyphénols – les trois « aliments couleur » : le vin rouge, le thé vert et le chocolat noir. Les fèves de cacao marchand contien- nent 5 % de polyphénols. La sa digestion. En dessous de 55, l’aliment est considéré comme un sucre lent ; au-dessus de 70, c’est un sucre rapide. 126 La chimie et l’alimentation poudre de cacao en contient 2 % ; le chocolat noir 0,8 % et le chocolat au lait 0,5 %. À titre de comparaison, le thé vert en contient 0,3 % et le vin rouge 0,15 %. Les polyphénols se répartis- sent en plusieurs familles. Ceux du cacao marchand sont principalement des fl avanols, des anthocyanes et quelques rares dérivés hydroxycin- namiques. Les fl avanols dominent nettement ; ils représentent à eux seuls 90 % des polyphénols du cacao. Ce sont essentiellement des procyanidines : le monomère est la (-)-épicatéchine, les dimères sont la procyanidine B2 et la procyanidine B5, et le trimère est la procyanidine C1. De structures chimiques voisines, les anthocyanes (du grec anthos = fl eur, kuanos = bleu sombre) sont les molé- cules responsables de la couleur : pendant la fermen- tation du cacao, c’est leur transformation qui fait passer les fèves du violet au brun. La variété Criollo, à cotylédons DANS LA FAMILLE DES FLAVONOÏDES Les fl avonoïdes constituent une famille de molécules de polyphénols que recèlent de nombreux végétaux comme les pommes, les poires, les baies, l’aubergine, le raisin, le cacao, etc. (Figure 5). Flavones, fl avonols, fl avanones, fl avanols ou encore chalcones sont autant de classes de molécules appartenant à cette grande famille de composés aux propriétés anti-oxydantes, et dont un grand nombre sont colorés. Les pigments fl avonoïdes sont alors appelés anthocyanes. Par exemple, la lutéoline est une fl avone qui donne la couleur jaune à des pellicules de raisins. La structure chimique générale des fl avonoïdes est la suivante (Figure 6) : La coloration du cassis, des myrtilles et du cacao provient de pigments naturels de la famille des anthocyanes, une sous-classe des fl avonoïdes. Figure 5 Structure générale d’un fl avonoïde. Figure 6 O O R' R R" 127 Le chocolat est-il bon pour la santé ? blancs, ne possède pas d’an- thocyane. Beaucoup de chercheurs pensent aujourd’hui que les polyphénols du chocolat sont capables de piéger des radi- caux libres2, présents dans notre corps et considérés comme toxiques pour l’orga- nisme [2-5]. De ce fait, ces molécules auraient des effets bénéfi ques sur la santé en tant qu’anti-oxydants, en limi- tant le stress oxydatif auquel nos tissus sont constamment soumis. Ils réduiraient de cette manière les processus de vieillissement de nos cellules ainsi que les risques de cancérisations (Figure 7). S’ajouterait également un effet préventif contre les maladies cardio-vasculaires ; certaines uploads/Sante/ chimie-alimentation-121.pdf

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  • Publié le Jan 18, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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