Orthod Fr 2015;86:205–207 c ⃝EDP Sciences, SFODF , 2015 DOI: 10.1051/orthodfr/2
Orthod Fr 2015;86:205–207 c ⃝EDP Sciences, SFODF , 2015 DOI: 10.1051/orthodfr/2015022 Disponible en ligne sur : www.orthodfr.org Éditorial Clinique et varia Configurations d’anomalies dentaires (CAD). Un nouveau regard sur les malocclusions* Sheldon PECK** Traduit par Philippe AMAT Département de biologie développementale, Université de médecine dentaire de Harvard, Boston, MA 02115, États-Unis Contacté pour rédiger un court article pour l’Or- thodontie Française, Sheldon Peck, très pris, n’a pu ré- pondre à nos attentes mais a toutefois souhaité que nous fassions partager à nos lecteurs les quelques lignes qu’il a publiées en 2009 dans l’Angle Orthodontist, toujours d’actualité. Voici ses propos. Petit questionnaire : (1) Pourquoi les enfants avec des agénésies de dents définitives présentent-ils une édification tardive de certaines de leurs autres dents ? (2) Pourquoi les patients orthodontiques avec une canine en ectopie palatine disposent-ils presque tou- jours d’assez de place sur l’arcade dentaire pour leur dent incluse? (3) Pourquoi la transposition ca- nine/première prémolaire maxillaire est-elle si fré- quemment associée à l’agénésie d’une incisive laté- rale maxillaire? Les réponses se trouvent ci-dessous. Ces caractéristiques étroitement liées sont des exemples de configurations d’anomalies dentaires (CAD) : des anomalies dentaires dont l’association est beaucoup plus fréquemment observée que si le simple jeu du hasard en était la seule explication. Des anomalies dentaires telles que des agénésies, des dé- fauts de taille ou de morphologie, certaines ectopies et des anomalies d’éruption sont présentes chez 10 à 20 % des patients, pour lesquels un diagnostic de malocclusion a été posé. Les orthodontistes traitent habituellement ces anomalies, sans penser particu- lièrement à leurs modes d’association ou à leur si- gnification biologique. * Traduit de l’éditorial « Dental Anomaly Patterns (DAP). A New Way to Look at Malocclusion » paru dans l’Angle Orthodon- tist (Angle Orthod 2009;79:1015–1016). Avec l’aimable autori- sation de la revue et de l’auteur, tous nos remerciements. ** Auteur pour correspondance : speck@hms.harvard.edu Nous nous sommes appuyés sur les résultats d’études précédemment publiées pour identifier les conditions mesurables, ou seulement observables car trop discrètes, que nous pouvons inclure comme étant des composantes d’une configuration d’anoma- lies dentaires liées biologiquement : 1. Agénésie. 2. Microdent (par exemple, incisive latérale riziforme). 3. Réduction de taille des dents (généralisée ou localisée). 4. Retard de l’édification dentaire et de l’éruption (généralisées ou localisées). 5. Infraclusion (le plus souvent de dents temporaires). 6. Ectopie palatine d’une canine. 7. Transposition canine-première prémolaire maxil- laires (Mx. C. P1). 8. Transposition incisive latérale-canine mandibu- laires (Md. I2. C). 9. Angulation distale d’une seconde prémolaire mandibulaire non évoluée. A n’en pas douter, un nombre croissant d’associa- tions seront découvertes lorsque le spot lumineux de nos investigations s’attardera sur le schéma gé- nétique des anomalies dentaires, qui est un domaine prometteur pour la recherche translationnelle. De toutes les anomalies dentaires, les agénésies sont celles qui ont le plus suscité l’intérêt scienti- fique. L ’absence biologique d’une ou plusieurs dents permanentes chez un individu est l’anomalie den- taire distincte la plus fréquemment observée. Sa prévalence, en incluant les agénésies de dents de sagesse, a été évaluée à environ 25 % de la po- pulation mondiale. Selon les études d’associations, Article publié par EDP Sciences 206 Orthod Fr 2015;86:205–207 Clinique et varia mendéliennes et moléculaires, portant sur les agé- nésies dentaires, les gènes défectueux sont le fac- teur explicatif déterminant de la prévalence de cette anomalie. La prise en compte des configurations d’anoma- lies dentaires (CAD) dans nos diagnostics ortho- dontiques pourrait favoriser une évolution de notre vision mécanique et séculaire des malocclusions. Prenons comme exemple le débat du traitement des agénésies d’incisives latérales maxillaires. Les parti- sans du remplacement prothétique s’opposent, de fa- çon généralement tranchée, à ceux de la fermeture d’espace par mésialisation canine. Lors de réunions, nous observons d’excellents cliniciens montrer des cas traités d’agénésies d’incisives latérales, et ten- ter de démontrer la supériorité d’une des options thérapeutiques : ouverture ou fermeture d’espace. J’entends rarement quelqu’un préciser qu’un patient affecté de l’agénésie d’une ou deux incisives laté- rales maxillaires présentera probablement d’autres signes révélateurs d’une configuration d’anomalies dentaires (CAD) liées biologiquement. Chez ces pa- tients, nous sommes susceptibles d’observer des ré- ductions significatives de la taille des dents, un re- tard de l’édification dentaire et de l’éruption, une prévalence plus importante d’autres agénésies, et d’autres anomalies dentaires, telles des canines en ectopie palatine. L ’association de ces éléments in- fluencera sûrement la décision thérapeutique de ma- nière significative. Des dents de taille réduite vont vraisemblablement de pair avec une arcade dentaire sans problème d’encombrement, et plaident contre un traitement héroïque par fermeture d’espaces. Qui plus est, la probabilité accrue d’autres agénésies chez ces patients est un argument supplémentaire pour rejeter un plan de traitement par fermeture agressive d’espaces et mésialisation canine. Par expérience, j’ai identifié quatre fondamen- taux dans l’établissement d’un diagnostic orthodon- tique chez de jeunes patients, en particulier pour les presque 20 % d’entre eux qui peuvent présenter des signes de CAD lors de leur premier examen. D’abord, faites passer une radiographie panora- mique à tout nouveau patient âgé de 7 à 9 ans. Vous serez surpris de la fréquence avec laquelle vous pour- rez découvrir des anomalies dentaires et des bizarre- ries du développement qui vous feront suspecter une évolution dentaire anormale et vous inciteront à as- surer un suivi rigoureux et à poser la question d’une interception. En règle générale, les patients ortho- dontiques avec une CAD sont ceux qui requerront un traitement précoce et dont la durée de traitement sera plus longue que celle de la plupart des patients. En second lieu, gardez à portée de main un ta- bleau illustré décrivant la chronologie du développe- ment dentaire, plus particulièrement un montrant, annuellement entre 7 et 12 ans, les stades de mi- néralisation dentaire et la position des germes. Un retard du développement dentaire peut être détecté par une rapide évaluation de l’évolution dentaire en fonction de l’âge. Elle se fait par comparaison vi- suelle des données de l’examen clinique et de la ra- diographie panoramique d’un jeune patient, avec les illustrations d’une charte de référence. Une charte idéalement conçue pour cet usage a été développée à partir de l’ouvrage bien connu d’Isaac Schour et Maury Massler, qu’avait publié l’Association Dentaire Américaine1. On en trouve actuellement la repro- duction dans plusieurs manuels de pédodontie. En troisième lieu, mesurez le plus possible de dents définitives évoluées, avec soin et précision, pour définir la typologie dentaire du patient : dents de taille importante, moyenne, ou petite. D’anciens pieds à coulisse, comme la jauge de Boley, génèrent des mesures peu fiables. Aujourd’hui, nous devrions tous disposer d’un pied à coulisse de précision avec cadran circulaire ou d’un pied à coulisse digital avec affichage millimétrique, qui peuvent être utili- sés pour des mesures odontométriques directes ou indirectes. Les dimensions mésio-distales des dents devraient être comparées aux valeurs de n’importe quelle publication d’échantillons de référence consa- crés à la population de votre région. Enfin, menez une anamnèse exhaustive des an- técédents dentaires familiaux. En orthodontie, nous avons pris l’habitude de traiter ce point avec trop de légèreté. Nous devrions garder présent à l’esprit le caractère familial de tellement de problèmes or- thodontiques. Il est étonnant de constater combien de parents se souviendront qu’ils avaient une canine palatine ou que leurs dents de sagesse n’ont jamais évolué, ou que l’oncle du patient possède encore une dent antérieure déciduale ou une incisive maxillaire petite et particulièrement pointue. Toutes ces infor- mations sont utiles à la prédiction d’une CAD chez 1 Massler M, Schour I. Atlas of the Mouth and Adjacent Parts in Health and Disease. Chicago, IL: American Dental Association; 1944, 1958. Peck S. Configurations d’anomalies dentaires (CAD). Un nouveau regard sur les malocclusions 207 Clinique et varia des enfants en prétraitement. Il existe une probabilité élevée que ces caractères autosomiques dominants se manifestent de génération en génération. Je ne suis pas le seul à être enthousiasmé par l’ap- port de cette approche orientée CAD à l’améliora- tion de la compréhension et du traitement des mal- occlusions. L ’association d’anomalies dentaires est un domaine de prédilection pour un certain nombre de cliniciens, conscients de l’apport de la biologie en orthodontie. Tiziano Baccetti, Daniela Garib et Miriam Shalish sont parmi les plus importants de ceux ayant contribué récemment à renforcer notre prise de conscience des liens fondamentaux entre des anomalies dentaires importantes d’un point de vue orthodontique. L ’intégration de la notion de CAD en clinique orthodontique devrait vous donner le sentiment d’une maîtrise nouvelle la prochaine fois qu’une enfant de 8 ans, avec une infraclusion des molaires déciduales et un retard de développement dentaire, s’assiéra sur votre fauteuil de consultation. Pendant qu’elle passera une radiographie panoramique, vous pourrez confier à ses parents qu’ils ont bien fait de consulter de bonne heure, car de telles carac- téristiques sont fréquemment associées à d’autres particularités dentaires, qui se traitent toutes très bien. Ô combien réconfortante, actuelle et perti- nente, tout simplement fondée sur la biologie, de- vrait être l’orthodontie moderne. Les réponses au questionnaire (1) Les agénésies et le développement dentaire tardif sont liés biologiquement. Consultez uploads/Sante/ configurations-d-x27-anomalies-dentaires-cad-un-nouveau-regard-sur-les-malocclusions.pdf
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- Publié le Dec 31, 2022
- Catégorie Health / Santé
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