1 Journée du 12 mai : « Intelligence et Dyslexie : quel parcours pour l’enfant
1 Journée du 12 mai : « Intelligence et Dyslexie : quel parcours pour l’enfant et l’adolescent » Intervention de Claudia Jankech-Caretta, Spécialiste FSP en psychologie de l’enfant et de l’adolescent et en psychothérapie www.jankech.ch « Intelligence et Dyslexie : un parcours semé d’embûches, souffrance, d’incompréhension et marginalisation » Je suis heureuse de vous voir si nombreux aujourd’hui et de pouvoir partager avec vous mon expérience avec les enfants en difficulté scolaire. La détection et la prise en charge tardive ou insuffisante des enfants dyslexiques m’ont interpellée ces dernières années. Plus l’enfant est intelligent, plus la détection se fait tardivement, dans des conditions difficiles, notamment au moment de l’orientation. Il s’agit de mon expérience mais je l’ai suffisamment partagée avec des logopédistes et des parents. Il semble bien qu’elle corresponde à une réalité, dont l’ampleur m’échappe. De vous voir si nombreux, constitue probablement un début de réponse. Les enfants dyslexiques représenteraient 10% de la population enfantine. Selon une recherche de l’Association Nationale Pour les Enfants Intellectuellement Précoces (France), il y aurait 30% de dyslexiques parmi les enfants à haut potentiels reconnus. Sous ces chiffres, il y a des enfants et des adolescents, avec leurs parcours difficiles et leurs souffrances, partagées souvent par toute la famille. La dyslexie n’est pas une mode. Le Dr Pringle Morgan l’a décrite en 1896. Parlant de Percy, 14 ans, il disait que ce jeune « aurait pu être le meilleur élève si l’enseignement avait été oral ». Mettant ainsi en relief les capacités de son patient, capacités qui n’étaient pas reconnues à l’école, vu la place considérable prise par l’écrit. Pour poser le diagnostic de dyslexie il est essentiel de savoir si le sujet dispose d’une intelligence normale. Ainsi, l’intelligence est prise en compte dans le diagnostic et c’est donc l’écart entre le niveau intellectuel et le niveau de lecture qui détermine le trouble. Ce décalage est plus ou moins grand selon les élèves mais il existe toujours. Je pense à tous les enfants qui souffrent car leurs camarades les traitent d’incapables, en voyant qu’ils ne savent pas lire! Il y a donc une réelle incompréhension. Pourquoi ? Je vais vous parler de 4 situations qui peuvent expliquer la difficulté à détecter la dyslexie: 1) Parfois l’échec de l’enfant semble être global: la difficulté le paralyse, sa progression scolaire est bloquée. Comme quelqu’un qui, s’étant brûlé en touchant la cuisinière n’oserait pas s’en approcher et ne se nourrirait plus. Il sera facilement considéré comme un enfant peu compétent voire en déficit intellectuel et parfois orienté 2 dans une classe à effectif réduit si la dyslexie n’est pas détectée et traitée rapidement. Je me souviens d d’ ’A Al lb be er rt ti in ne e* * (prénom fictif), que l’enseignante de 2ème avait adressée en consultation psychologique pour un retard scolaire global, elle ne progressait dans aucun domaine. D’origine étrangère, cette enfant avait perdu complètement toute vivacité dès son entrée en primaire. Le bilan psychologique a mis en évidence un niveau intellectuel dans la norme et une absence de pathologie psychique, j’ai adressé cette enfant en logopédie. Très vite, le diagnostic de dyslexie est posé, la prise en charge instaurée. Albertine a progressé dans tous les domaines et elle a pu montrer ses capacités intellectuelles, elle a repris courage. Ce phénomène peut se rencontrer si l’enfant ne sait pas dessiner ou écrire ou calculer. Valentin ne savait pas dessiner à l’école enfantine. Son repli a atteint un tel degré que l’enseignante s’est même demandé s’il n’était pas autiste. Il a suffi de lui dire qu’il était très intelligent, et donc capable d’apprendre, pour que son comportement change radicalement et qu’il montre ses compétences tout en s’ouvrant sur le plan relationnel. . 2) Il arrive que l’intelligence masque complètement le trouble, grâce à des stratégies permettant de ne pas lire ! Géraldine* est envoyée par sa pédiatre qui pense qu’elle devrait sauter une classe car elle s’ennuie. Or, je constate que, en fin de première primaire, elle ne peut même pas déchiffrer des mots simples tout en étant, en effet, très douée. Son QI global est de 136, le profil est homogène. Je déconseille donc un saut de classe et l’adresse en logopédie. Avant de la quitter je lui demande, curieuse, comment fait-elle pour avoir des « LA »(largement atteint) en français, sans savoir lire. Elle me dit alors, avec une grande spontanéité (qui fait toute la satisfaction du travail avec les enfants) : « mais moi je lis seulement si je ne comprends pas ». L’intelligence remplit bien son rôle : Géraldine s’adapte, la maîtresse trouve qu’elle a un problème d’organisation mais en aucune façon elle n’a perçu que son élève ne sait pas lire. Vu sa surcapacité intellectuelle, elle ne rencontre aucune difficulté à comprendre les consignes sans avoir à les déchiffrer. Or cette forme d’adaptation lui permet justement d’éviter l’apprentissage central de l’école, la lecture. Cette enfant a bénéficié d’un soutien pédagogique individuel, pris en charge par les parents. Je la revois en 3P, son niveau est encore meilleur, (QI Global de 144, verbal 150, non verbal 142)) et elle s’ennuie toujours. Elle va donc raccourcir avec succès le cycle 3/4P. Sans aide, Géraldine aurait fini par payer cher cette adaptation, notamment au moment de l’orientation. Comme l’atteste l’expérience douloureuse de S Sa am mu ue el l* *, , qui arrive chez moi en 9ème VSO, il a déjà commencé un traitement logopédique en fin de 6ème. C’est à ce moment que sa dyslexie a été détectée, grâce à l’insistance de sa mère, convaincue aussi bien des capacités que des difficultés de son enfant. En primaire on lui reprochait sa lenteur mais il a toutefois passé toutes ses classes sans que sa dyslexie ne soit détectée. Au moment de la consultation, Samuel commence à lire de manière plus 3 fluide mais son orthographe reste un problème. De plus, il se remet d’une dépression en 7ème. Suite à une orientation que les parents ont pourtant contestée. Samuel n’a plus confiance en lui, il se croit vraiment incapable. Le bilan intellectuel mettra en évidence une intelligence moyenne forte au niveau global (QI global de 116) mais supérieure sur le plan non verbal (indice d’organisation perceptive de 123) et très supérieure au niveau logique (à 15 ans il a un âge mental de 20, ce qui équivaut à un QI de 133). Samuel a toujours été excellent en maths, mais personne n’a pensé, qu’il ne savait pas lire. Hélas ! Trop tard en 6T pour prendre la bonne voie. Il a été traité de « paresseux », « touriste », « incapable », « minimaliste ». Les enseignants ne comprenaient pas ses échecs puisqu’il était visiblement intelligent. Le message donné à Samuel au moment de l’orientation: « tu peux pas aller en Voie générale, tu as des capacités mais tu ne les utilises pas » donc il a atterri dans une voie secondaire à option. Et il a déprimé. Si l’examen psychologique lui aura de permis de retrouver confiance, il refusera toutefois de raccorder et quittera l’école en VSO, tout en poursuivant encore pendant 1 an et demi la logopédie. Fait exceptionnel pour un adolescent. L’orientation en VSO n’est pas comptabilisée comme un échec par son établissement scolaire. Ses capacités réelles, ses aspirations et ses projets n’ont pas pesé lourd dans la balance. Fort heureusement, Samuel est doué sur le plan manuel et finit actuellement un apprentissage de mécanique. Tous n’ont pas la chance de pouvoir exercer un travail manuel : il faut être doué pour y parvenir. Nous connaissons tous des intellectuels qui seraient perdus dans une situation pareille ! Ainsi chacun devrait pouvoir trouver sa place en fonction de ses aptitudes et de ses aspirations. L’expérience de M Ma ar ri io o* * n’a pas été facile non plus. Avec un QI global de 133, dont un 144 de compréhension verbale à 11 ans, il avait tout pour suivre une VSB. Sa dyslexie n’avait pas été détectée en primaire. En faite, sa mère, voyant qu’il ne démarrait pas lui avait appris à lire. Mais le problème resurgit en 7ème dans l’apprentissage des langues étrangères. Quant à la dysorthographie, je l’ai découverte en septième quand j’ai finalement décidé de lui faire une dictée, ce que je ne fais jamais. Le sentiment d’échec était déjà ancré en lui et avait passablement écorné sa confiance. Pourtant, son niveau de compréhension verbale est très élevé. 4 TEST DE COMPREHENSION VERBALE DE BONNARDEL (BV17-T) 5 En effet, à 13 ans, il atteint le niveau 2ème gymnase au test de Bonnardel (4 ans d’avance, (cf protocole ci-dessus) il a obtenu le maximun (8 points) à presque toutes les phrases) alors qu’il ne sait pas orthographier des mots simples et confond les sons, ce qui complique l’apprentissage de nouvelles langues. Mais les enseignants n’ont pas crû en lui, refusant les aménagements proposés, pensant qu’il faisait exprès et que ce jeune ne travaillait pas. Mario a dû redescendre en VSG. Son exemple illustre très bien le décalage entre compréhension uploads/Sante/ intelligence-et-dyslexie-quel-parcours-pour-l-x27-enfant-et-l-x27-adolescent.pdf
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- Publié le Jan 01, 2023
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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