Chirurgie cardiaque itérative : de la sternotomie à la canulation S. Aubert, S.

Chirurgie cardiaque itérative : de la sternotomie à la canulation S. Aubert, S. Rubin, A. Ouattara, V. Bors, N. Bonnet, P. Leprince, I. Gandjbakhch, A. Pavie Quel que soit le degré d’expertise du chirurgien cardiaque, la chirurgie du patient redux reste un exercice délicat qui demande la mise en place d’une stratégie opératoire réfléchie. L’utilisation d’une succession d’astuces chirurgicales et d’automatismes permet au chirurgien d’avoir un contrôle permanent de la situation, en particulier un contrôle de l’hémodynamique du patient et de sa perfusion cérébrale. Ce chapitre essaye de regrouper l’ensemble des techniques développées dans différentes écoles chirurgicales et d’en faire une synthèse. Il est volontairement orienté vers la technique chirurgicale, avec une succession de conseils, astuces et illustrations originales qui devraient permettre aux plus jeunes de s’approprier l’expérience des plus anciens. « Toutes les bêtises ont été faites, il n’est pas nécessaire de les recommencer ». © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Patient redux ; Sternotomie ; Canulation ; Défibrillation ; CEC ; Décollement sternal ; Cardioplégie ; Héparine Plan ¶ Prise en charge anesthésique 1 ¶ Stratégie préopératoire 2 ¶ Préalable à la sternotomie 3 ¶ Sternotomie 4 ¶ Décollement 4 Ouverture sternale 4 Décollement sternal 5 Péricarde 6 Cas particulier du patient redux que l’on va transplanter 8 ¶ Canulation 8 ¶ Cas particulier du patient redux de pontages coronaires 8 ¶ Cas particulier de la chirurgie mitrale chez les patients redux 9 ■Prise en charge anesthésique Les patients devant bénéficier d’une réintervention de chirurgie cardiaque ont été clairement identifiés comme des patients à risque [1]. Bien que l’amélioration des techniques chirurgicales aient permis de diminuer de façon significative la surmorbimortalité périopératoire de ces patients [2], le risque hémorragique reste, quant à lui, élevé et omniprésent. Il impose une prise en charge anesthésique périopératoire particulière que nous nous proposons de détailler dans ce chapitre. Comme pour toutes les interventions, le risque opératoire de ce type d’intervention doit être clairement exposé au patient ainsi qu’à sa famille et est notifié dans le dossier médical. Dès la consultation anesthésique, les traitements interférant avec l’hémostase sont arrêtés, voire substitués par d’autres selon les antécédents médicaux du patient. Le recours à une transfusion homologue étant relativement élevé chez le patient de chirurgie cardiaque [3], il n’est pas rare que ces patients aient reçu des produits sanguins labiles lors de la première intervention. L’obtention, la veille de l’intervention, des résultats sur la recherche d’agglutinines irrégulières apparaît licite chez ces patients. En effet, il peut être judicieux de commander des produits sanguins labiles dès la veille de l’intervention ou au moins prévenir l’Établissement français du sang local d’un possible besoin de sang à comptabiliser. En effet, en cas de présence d’agglutinines irrégulières, la délivrance des produits est plus longue et donc nécessite une anticipation de la part du médecin prescripteur. Le reste du bilan préopératoire reste standard. Le matin de l’intervention, il est impératif de disposer de tous les documents du bilan prétransfusionnel et même, selon l’importance de l’intervention, d’avoir fait acheminer quelques concentrés globulaires au bloc opératoire. Chez les patients bénéficiant d’une réintervention, il est impératif de disposer d’au moins deux voies veineuses de bon calibre (≥ 16 G) dévolues exclusivement au remplissage. Celui-ci sera assuré idéalement par un circuit d’accélérateur de perfusion (pompes à galets type Jouvelet ou TGV 600) comportant un réchauffeur et des filtres pour transfusions massives. Sur le plan anesthésique, il semble préférable d’utiliser une anesthésie basée sur de l’étomidate, du midazolam et du sufentanil qui procurent une stabilité parfaite en comparaison au propofol et aux agents anesthésiques inhalatoires. Le système d’autotransfusion par la récupération des aspirations, la centrifugation et le lavage des érythrocytes (type Cell Saver® ou Electa®) doivent être utilisés dès l’incision en dehors d’une contre-indication formelle. Le risque de lésion hémorragique est d’emblée maximal à l’inci- sion, surtout si la voie d’abord choisie est une nouvelle sterno- tomie. Ainsi, certains auteurs préconisent une voie d’abord différente si l’acte chirurgical le permet ou de réaliser la sternotomie sous couverture d’une canulation fémorale des gros vaisseaux et des troncs supra-aortiques afin de pouvoir démarrer ¶ 42-516 1 Techniques chirurgicales - Thorax © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 25/06/2012 par SCD Paris Descartes (292681) une circulation extracorporelle (CEC) hypothermique en urgence permettant, entre autres, une perfusion cérébrale adéquate [2]. La dissection chirurgicale, qui peut être particuliè- rement difficile, est à l’origine d’un saignement à bas bruit dont l’importance peut être facilement sous-estimée. Le monitorage fréquent du taux d’hémoglobine, idéalement par un système de mesure capillaire du taux d’hémoglobine type HemoCue®, devrait permettre de guider le besoin transfusionnel en concen- trés globulaires homologues. Un bilan d’hémostase réalisé régulièrement guide, quant à lui, la transfusion de plaquettes et de plasmas viroatténués. La prévention de l’hypothermie, facteur aggravant du syndrome hémorragique, est de rigueur. L’acidose et l’hypocalcémie doivent être également corrigées. Bien que des études récentes rapportent des effets potentielle- ment délétères de l’aprotinine [4], son efficacité à diminué significativement les besoins transfusionnels et le saignement périopératoire des patients bénéficiant d’une réintervention de chirurgie cardiaque, justifiant son utilisation à forte dose [5]. Chez ces patients à risque de saignement, il semblerait préféra- ble d’utiliser des doses normales d’héparine afin d’éviter la consommation de facteurs de coagulation par la CEC et donc le risque de saignement postopératoire [6]. À l’issue de l’antagoni- sation par la protamine, idéalement à 100 % de la dose d’hépa- rine, et après la correction de tout saignement relevant d’une hémostase chirurgicale, des produits sanguins labiles (concentrés plaquettaires, plasmas viroatténués et concentrés globulaires), que l’on aura fait acheminer préalablement, sont transfusés au patient. Les objectifs à atteindre sont les suivants : un nombre de plaquettes d’au moins 100 000/mm3, un taux de prothrom- bine d’au moins 40 % et un taux d’hémoglobine d’au moins 9 g/dl. En cas de saignement incoercible malgré la transfusion massive de produits sanguins labiles et la correction des facteurs aggravants précédemment cités, des études rapportent l’effica- cité du facteur VII activé [7]. La dose préconisée dans cette indication est de 60 µg/kg à renouveler une fois si besoin. Bien que l’évolution des techniques chirurgicales a permis de diminuer significativement le risque périopératoire des patients bénéficiant d’une réintervention, le risque hémorragique chez ces patients est omniprésent. Toutefois, une prise en charge anesthésique périopératoire optimisée, que nous venons de détailler, devrait permettre de diminuer les besoins trans- fusionnels. ■Stratégie préopératoire • L’information du patient et de sa famille avant une chirurgie redux prend toute son importance et doit préciser le risque vital encouru par le patient, sans jamais chercher à le minimiser. • Le patient est inscrit si possible en début de programme, à distance d’une possible nuit de garde, le personnel du bloc opératoire est averti à l’avance. • S’entourer d’un aide opératoire avec lequel on a l’habitude de travailler et, au début de l’expérience, demander les conseils et l’aide d’un chirurgien senior expérimenté. • La question première qui vient à notre esprit est la nécessité de canuler ou non le patient en fémoral en préalable à la sternotomie. L’examen de base est la radiographie thoracique de profil (Fig. 1), qui doit être faite de manière systématique. Sur celle-ci nous repérons les rapports précis entre l’aorte ascendante et le manubrium sternal, ainsi que ceux entre le ventricule droit et la partie inférieure du sternum. • En cas de doute, nous pouvons nous aider du scanner thoracique (Fig. 2, 3), qui est plus précis que l’imagerie par résonance magnétique (IRM) dans cette indication. En cas de rapports très étroits (aorte ou ventricule au contact direct de la table interne du sternum), on réalise une canulation de l’artère fémorale au préalable, voire même artère et veine fémorales. Le scanner permet également d’apprécier les possibles calcifications aortiques, l’état d’une prothèse aortique, la présence d’un faux anévrisme. Figure 1. Radiographie de thorax de profil montrant les rapports ven- tricule droit et aorte avec le sternum ainsi qu’une prothèse valvulaire en position aortique. Figure 2. Rapports très étroits entre une homogreffe aortique et le sternum. Figure 3. Pectus excavatum, verticalisation du sternum et rapports très étroits avec les cavités cardiaques. 42-516 ¶ Chirurgie cardiaque itérative : de la sternotomie à la canulation 2 Techniques chirurgicales - Thorax © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 25/06/2012 par SCD Paris Descartes (292681) • Un autre contrôle possible est la canulation préalable des deux axes carotidiens en plus de la canulation fémorofémo- rale. Ce contrôle peut être utile en cas de chirurgie redux de l’aorte ascendante par exemple, avec des rapports très étroits entre la table interne du sternum et l’aorte. En cas d’ouver- ture inopinée de l’aorte avec la scie, il est alors possible d’assurer l’hémodynamique du patient et sa perfusion céré- brale. • Le risque d’accolement direct du cœur au sternum est diminué en cas de fermeture du péricarde lors de l’interven- tion précédente, que l’on peut rechercher dans le compte- rendu opératoire de la première intervention. Si celui-ci a été refermé, l’ouverture est supposée uploads/Sante/ iterativ.pdf

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  • Publié le Mar 01, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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