“L’HOMME DEBOUT” : SE RELEVER DU SOL... Outhoumphone BART1, Michel DUFOUR1, Ann
“L’HOMME DEBOUT” : SE RELEVER DU SOL... Outhoumphone BART1, Michel DUFOUR1, Anne LE MESTRÉALLAN1, Louisette SERVIN1, Katia LERABLE2, Aurélien RIBADIER2 23 n° 497 mars 2009 KS L A chute est un problème de Santé Publique fréquent chez la personne âgée. Afin d’en exposer l’importance, il semble indispensable de mettre en exergue, dans un premier temps, l’épidémiologie de la chute chez le sujet âgé. Dans un second temps, nous aborderons la technique du relever de sol avec les notions de groupe, d’image du corps, de syndrome post- chute et l’utilisation des niveaux d’évolution motrice. Puis, nous développerons le déroulement d’une séance type et l’évaluation de prise en charge avec l’analyse des résultats de cette dernière pour terminer par la conclusion et les perspectives amenées par ce travail. ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA CHUTE La chute de la personne âgée est un événe- ment qui, loin d’être rare et unique, touche un grand nombre de sujets appartenant à cette population. Selon les chiffres de l’ANAES [1], une personne sur 3 de plus de 65 ans chute au moins une fois par an. Pour les plus de 85 ans, c’est une personne sur 2 qui chute. La chute est la première cause de mort acci- dentelle chez la personne âgée : sur 2 000 000 de chutes par an, 8 500 personnes vont décé- der. Un séjour par terre de plus d’une heure est un facteur de gravité avec un risque de décès de 50 % dans les 12 mois. De plus, après une première chute, le risque de récidive est multiplié par 20 et le risque de décès dans l’année qui suit la chute est multi- plié par 4. Il est nécessaire de noter que les conséquences de la chute chez la personne âgée ne sont traumatiques que dans 10 % des cas, dont 5 % d’entres elles seulement entraî- nent une fracture. Néanmoins, il est indispen- sable de garder en tête l’importance de la répercussion psychologique de la chute. La chute entraîne d’importantes conséquences économiques et sociales. C’est le troisième motif d’hospitalisation avec, par la suite, une institutionnalisation dans 40 % des cas. Il semble donc nécessaire d’essayer de main- 1 Kinésithérapeute 2 Psychomotricien Hôpital Corentin Celton Issy-les-Moulineaux (92) MOTS CLÉS Autonomie - Chute - Gériatrie - Image du corps - Mémoire procédurale KEYWORDS Autonomy - Fall - Geriatrics - Body image - Procedural memory Au-delà de se relever physiquement, le Groupe “Relever de sol” permet à la personne âgée de retrouver une image du corps positive et d’être à nouveau capable de se projeter dans l’avenir” “ RÉSUMÉ La chute des personnes âgées est fréquente. Le “Relever de sol” cherche à redonner l’autonomie à ces personnes. Passant par la répétition des niveaux d’évolution motrice (NEM), ce groupe stimule les automatismes sensori-moteurs acquis dans l’en- fance en réactivant la mémoire procédurale. Au-delà de se relever physiquement, le groupe per- met grâce à la verbalisation de leurs difficultés et à la connaissance de toutes leurs possibilités, de retrouver une image du corps positive et d’être à nouveau capable de se projeter dans l’avenir. SUMMARY The elderly's fall is frequent. The “Rising from the ground” aims at making them autonomous once again. By repetiting the various levels of “Motor evolution”, this work-group stimulates sensory motor automatisms acquired during childhood by re-activating procedural memory. More than physical standing up, thanks to talking about their difficulties and to the knowledge of their possibilities, this work-group allows the per- son to find out the positive body image and to be able to project themselves again into the future. 24 n° 497 mars 2009KS tenir les personnes âgées à domicile le plus longtemps possible. Afin de remédier à l’importance de ce phénomène, il convient d’essayer d’en clarifier les facteurs prédispo- sants et précipitants. On note alors l’importance des mal- adies chroniques telles que : – les affections neurologiques (séquelles d’AVC, syn- drome extra-pyramidal, etc.) ; – les affections musculaires (suite à des problèmes de nutrition) ; – les affections ostéo-articulaires (déformations arthro- siques) ; – les affections sensorielles (visuelles et acoustiques) et psychiques. La sédentarité entraînant une diminution de la force mus- culaire et de l’équilibre, rend les déplacements de plus en plus difficiles et fatiguants avec comme conséquence une majoration du risque de chute. D’autres facteurs peuvent également précipiter la chute de la personne âgée. Pour une moitié de ces personnes, nous pouvons prendre en compte les facteurs intrin- sèques, tels que les pathologies aiguës et iatrogènes. Pour l’autre moitié, des facteurs extrinsèques qui relèvent essentiellement de l’environnement ont une incidence notable sur la fréquence de survenue de la chute dans la population âgée. Un dernier facteur, celui du déclin cognitif dû à des patho- logies neurodégénératives telle une démence de type Alzheimer, peut aussi jouer un rôle important dans ce phé- nomène. Ainsi, on peut noter qu’un déficit cognitif avec un score au Mini mental state (MMS) inférieur à 24/30 majore la récidive de chute chez la personne âgée [2, 3]. Chez le patient atteint d’une démence de type Alzheimer, le risque de chute est multiplié par 3, à cause de troubles cognitivo-comportementaux : – des troubles du jugement : une mauvaise évaluation du risque ou de ses propres capacités ; – des troubles praxiques : vestimentaires, une utilisation inadéquate du mobilier ; – des troubles attentionnels : la difficulté “des doubles tâches” avec, pour exemple, marcher et parler en même temps ; – des troubles visuo- spatiaux : une mauvaise appréhen- sion de l’espace en 3D ; – des troubles comportementaux : sous forme d’agitation, d’altercation. Conscient de l’importance de ce phénomène et de ses répercussions physiques et psychologiques sur la popula- tion âgée, nous avons donc mis en place, au sein de notre établissement, des groupes de relever de sol, afin d’aider les personnes ayant chuté à retrouver une bonne estime de soi et posséder des solutions quelles que soit leurs capacités. Pour les personnes présentant uniquement des troubles de l’équilibre et/ou de la marche, ces groupes ont pour vocation de prévenir la chute afin d’éviter au maximum sa survenue et d’en réduire les conséquences traumatiques. LE RELEVÉ DE SOL Au sein de ces groupes, plusieurs éléments sont donc visés. Les objectifs ne sont pas tant que la personne âgée apprenne à se relever en cas de chute mais également qu’elle prenne conscience que des solutions existent, même si elle ne peut pas se relever, notamment pour pré- venir les secours. C’est pour cette raison que nous avons choisi d’intituler cet article : “L’Homme debout” : se relever du sol... “L’Homme debout” mis entre guillemets prend en compte le fait d’être debout physiquement et psychiquement. De plus, il ne faut pas lire “le relevé de sol” mais bien “se relever du sol”. Ainsi, le “se” et non “le” souligne que le patient doit être acteur de sa propre rééducation ; il doit par conséquent se l’approprier. Les trois points de suspension offrent les différentes finalités possibles de la rééducation. La personne âgée pourra ainsi se relever ou non mais avoir connaissance de ses possibilités dans l’a- venir. En effet, nous prenons en considération au sein de ce groupe autant les possibilités physiques que psychiques dans le relevé du sol. La difficulté à se relever peut s’ex- pliquer par plusieurs peurs : la peur de l’échec, la peur d’aller vers l’avant et la peur d’aller de l’avant. Certes la chute peut causer des traumatismes physiques, mais, comme nous l’avons vu précédemment, c’est le trauma- “L’HOMME DEBOUT” : SE RELEVER DU SOL... tisme psychique qui peut s’avérer plus insidieux. Ce n’est pas toujours l’importance du traumatisme physique qui met en difficulté la personne à se relever. En revanche, le traumatisme psychique est parfois beau- coup plus important qu’on ne le croit. Une personne âgée peut tomber sans se faire mal, et se retrouver dans l’inca- pacité de se relever. Lors de la chute, la personne n’est plus suffisamment capable de contrôler son corps. Les patients nous rapportent très souvent le caractère brutal, à la fois soudain et violent de la chute. Effectivement, la chute peut faire éprouver à la personne un sentiment de diminution dans son intégrité [4], ainsi qu’un sentiment de honte pouvant aller jusqu’à une régression psychocorporelle comme le syndrome post- chute. Grâce au groupe “Relevé de sol”, certains patients seront capables, à nouveau, d’être et de se projeter dans l’avenir (retour à domicile, maison de retraite, etc.). Pour certains encore, ce groupe pourra être le début du cheminement de l’acceptation de son handicap. Le fait de pouvoir concevoir le mouvement, de connaître différents moyens, soit pour se relever, soit pour prévenir, permettra à la personne âgée de retrouver une idée positive d’elle- même et une certaine dignité car l’on peut être debout dans sa tête sans l’être physiquement. L’image du corps sera alors revalorisée. Cette notion est un des éléments centraux de ce type de prise en charge. Si le schéma corporel [5] est la connaissance purement intellectuelle du corps, l’image du corps met en jeu l’af- fectivité. Celle-ci peut se définir comme étant uploads/Sante/ ks2009-497-23-34.pdf
Documents similaires
-
22
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 26, 2022
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
- Taille du fichier 0.4500MB