Intubation difficile Expertise collective - 1996 Ce texte a été publié dans les
Intubation difficile Expertise collective - 1996 Ce texte a été publié dans les Annales Française d'Anesthésie-Réanimation 1996; 15:207-214 Experts D. Boisson-Bertrand (Nancy), J.L. Bourgain (Villejuif), J. Camboulives (Marseille), V. Crinquette (Lille), A.M. Cros (Bordeaux), M. Dubreuil (Bordeaux), B. Eurin (Pans), J.P. Haberer (Paris), T. Pottecher (Strasbourg), D. Thorin (Lausanne), P. Ravussin (Lausanne), B. Riou (Paris) L'intubation orotrachéale constitue un geste courant pour l'anesthésiste-réanimateur. Elle s'effectue le plus souvent facilement, grâce à un matériel simple et dans une position standardisée. L'éventualité d'une intubation difficile (ID), quoique rare, doit être recherchée par un examen préanesthésique systématiquement orienté sur sa détection. L'enseignement pour les médecins en cours de spécialisation et la forrnation continue doivent donner une large place à l'intubation trachéale. Enfin, si tout anesthésiste ne peut maîtriser l'ensemble des techniques décrites en cas d'ID, il doit toujours être capable d'assurer une oxygénation efficace. Sous l'égide de la Société française d'anesthésie et de réanimation, un comité d'experts s'est réuni pour définir les bonnes pratiques cliniques pour la détection de l'ID, pour préconiser les techniques et matériels à utiliser et pour faire des recommandations sur l'enseignement des techniques alternatives à l'intubation traditionnelle. Ces bonnes pratiques ont pour objectif de réduire la morbidité de l'ID en amenant chaque médecin-anesthésiste à mettre au point l'algorithme et les techniques qu'il utilisera en cas d'ID. Détection de l'intubation difficile On considère qu'une intubation est difficile pour un anesthésiste expérimenté, lorsqu'elle nécessite plus de 10 minutes et/ou plus de deux laryngoscopies, dans la position modifiée de Jackson (fig 1), avec ou sans compression laryngée (manœuvre de Sellick). Fig 1. Position modifiée de Jackson. La position de la tête, la mise en plaœ d' un coussin sous l'occiput et le laryngoscope permettent d'aligner les trois axes (a: axe buccal; b: axe pharyngé; c: axe laryngé) et de visualiser la glotte Une laryngoscopie difficile se définit par l'absence de vision de la fente glottique (stades III et IV de Cormack et Lehane, (fig 2). Fig 2. Classes de Mallampati (en haut) et grades de Cormack (en bas) : • classe 1: toute la luette et les loges amygdaliennes sont visibles; classe 2: la luette est particulièrement visible; classe 3: le palais membraneux est visible; classe 4: seul le palais osseux est visible; • grade 1: toute la fente glottique est vue; grade 2: seule la partie antérieure de la glotte est vue; grade 3: seule l'épiglotte est visible; grade 4: l'épiglotte n'est pas visible. La ventilation au masque est considérée comme inefficace lorsqu'on n'obtient pas une SpO2 > 90 % en ventilant en oxygène pur les poumons d'un sujet normal. Le caractère récent deces définitions (1993) explique l'imprécision des données sur la fréquence de I 'ID. Une fréquence de 0,5 à 2 % est généralement admise en chirurgie générale, celle-ci serait moindre en anesthésie pédiatrique. En revanche, en obstétrique et en chirurgie carcinologique ORL, des fréquences plus élevées sont trouvées (respectivement: 3-7 % et 10-20 %). Les rares données concernant la médecine préhospitalière situent la fréquence de l'ID entre 10 et 20 %. L'ID est responsable, directement ou indirectement, du tiers des accidents entièrement imputables à l'anesthésie et représente ainsi, chez l'adulte, la première cause de morbidité et de mortalité anesthésiques. Le pronostic de ces accidents est très péjoratif, puisque dans deux tiers des cas, le patient décède ou présente des séquelles neurologiques graves. Quelle que soit la qualité de l'évaluation préopératoire, il faut souligner que 15 à 30 % des cas d'ID ne sont pas détectés avant l'anesthésie. Détection clinique de l'intubation difficile Évaluation en routine Cette détection, par l'interrogatoire et l'examen clinique, doit être systématique lors de toute consultation préanesthésique, même si une anesthésie locorégionale est programmée. Les résultats, précisant les tests utilisés, doivent être colligés par écrit. L'interrogatoire précise les conditions de déroulement des anesthésies antérieures, recherche la notion de lésions dentaires et/ou gingivales. Seront aussi recherchés les antécédents et les signes d'obésité morbide, d'affection rhumatismale, de diabète, de dyspnée, de troubles du sommeil, d'intubation prolongée et de trachéotomie, de traumatismes maxillofaciaux. L'examen s'effectue en quatre temps, de face et de profil, bouche fermée puis ouverte: • temps 1, de face, bouche fermée, pour rechercher une asymétrie mandibulaire, des cicatrices faciales et/ou cervicales, un goitre ou un cou court; • temps 2, de face, bouche ouverte, pour préciser l'inclinaison des incisives supérieures, des dents manquantes ou fragilisées et la possibilité de subluxation antéropostérieure de la mandibule. La bouche est ensuite ouverte au maximum, pour évaluer la distance interdentaire et les classes de Mallampati (fig 2). Ces mesures sont effectuées chez le patient assis, regard à l'horizontale, sans phonation; • temps 3, de profil, regard à l'horizontale, pour rechercher une rétrognathie et mesurer la distance mentonos hyoïde; • temps 4, de profil, avec la tête en extension maximale, pour mesurer la distance menton-cartilage thyroïde. Les trois éléments suivants doivent être recherchés systématiquement : la mesure de l'ouverture de bouche, l'évaluation de la classe de Mallampati, la mesure de la distance thyromentonnière. Il y a lieu d'envisager une ID chez l'adulte si l'un des critères suivants est retrouvé: ouverture de bouche inférieure à 35 mm, classe de Mallampati supérieure à 2, distance thyromentonnière inférieure à 65 mm. Les données suivantes doivent être considérées comme des causes d'intubation impossible par voie orotrachéale: l'ouverture de bouche inférieure à 20 mm, le rachis bloqué en flexion, une dysmorphie faciale sévère de l'enfant ou bien des antécédents d'échec d'intubation par voie orotrachéale. Cas particuliers Dans certaines affections, une évaluation plus ciblée est nécessaire. Affections cervicofaciales Le risque d'ID y est élevé, qu'il y ait eu ou non radiothérapie préalable. La palpation des reliefs cutanés du cou permet de préciser la mobilité de la peau sur la trachée et de rechercher l'infiltration du tissu sous-cutané, en particulier dans la région sous-mentonnière. La mobilité linguale doit être explorée. Enfin, la connaissance anatomique de la localisation lésionnelle est capitale pour le choix de la conduite anesthésique. Obstétrique L'incidence de l'ID est particulièrement élevée chez les parturientes obèses. L'évaluation doit être vérifiée de façon systématique, juste avant l'induction, du fait des modifications morphologiques survenant dans les dernières semaines de grossesse. Pédiatrie Il existe peu de données sur l'incidence de l'ID. Cette dernière survient principalement chez les enfants atteints de dysmorphies s'intégrant dans des syndromes malformatifs connus. De ce fait, l'ID est rarement imprévue. L'évaluation de la classe de Mallampati est malaisée chez le petit enfant. La plupart des équipes insistent sur la distance thyromentonnière avec la tête en extension: cette distance doit être supérieure à 15 mm chez le nouveau-né et le nourrisson, et à 35 mm chez l'enfant de 10 ans. Orthopédie et traumatologie L'ankylose et l'instabilité du rachis cervical doivent être recherchées en cas d'affection rhumatismale (existence de dysesthésies des membres supérieurs). Tout polytraumatisé et tout blessé comateux doivent être considérés, jusqu'à la preuve du contraire, comme atteints d'une lésion instable du rachis cervical. Médecine préhospitalière La fréquence élevée d'ID témoigne des difficultés d'emploi des techniques alternatives dans un contexte d' urgence. Place de l'imagerie dans le diagnostic de l'intubation difficile Les examens d'imagerie ne sont pas nécessaires au diagnostic systématique de l'ID. Ils peuvent être nécessaires, en fonction du contexte clinique, pour préciser les anomalies anatomiques. Ils peuvent conduire à modifier la conduite de l'anesthésie. Deux clichés radiologiques sont à effectuer: l'un bouche fermée, regard à l'horizontale et l'autre bouche ouverte en position d'i ntubation (fig 3). Lorsque ces investigations ont été effectuées dans un but autre que la détection de l'ID, l'anesthésiste doit en prendre connaissance. Figure 3. • a: cliché de profil, regard à l'horizontale selon White et Kander ; il y a lieu de craindre une ID soit lorsque A/B < 3,6 ou lorsque c < 4 mm ; • b: cliché de profil, tête en position d'intubation selon Delègue; il y a lieu de prévoir une ID lorsque l'angle maxillopharyngé (A) < 100°. Intubation difficile en pratique Choix des agents anesthésiques en cas d'intubation difficile prévue La mise en place d'une voie veineuse fiable est un préalable indispensable. Plusieurs facteurs influent sur le choix des modalités anesthésiques en cas d'ID prévue: la vacuité gastrique, la voie d'abord orale ou nasale, la technique d'intubation choisie, l'état cardiorespiratoire, les contraintes chirurgicales et la coopération du patient. Trois niveaux d' anesthésie peuvent être envisagés: une intubation vigile, définie par un niveau de sédation ne dépassant pas le stade 3 de Ramsay (patient somnolent mais pouvant être réveillé, tableau I); une intubation sous anesthésie générale en ventilation spontanée; enfin une intubation sous anesthésie générale avec curarisation. Il convient de s'assurer chaque fois de la présence d'un aide et de la disponibilité du matériel pour ID. L'administration d'atropine avant l'induction ( 10 µg.kg-1 IV) doit être systématique, sauf contre-indication. Une préoxygénation d'au moins 4 minutes est impérative . L' anesthésie locale ou locorégionale est recommandée, car elle facilite l'intubation en supprimant les réflexes liés à la stimulation des voies aériennes supérieures. Toutefois, I'anesthésie locale pharyngée comporte un danger accru de laryngospasme chez l'enfant, en particulier lorsqu'elle est réalisée sous anesthésie générale trop superficielle. L'adjonction d'un vasoconstricteur uploads/Sante/ l-intubation-difficile-sfar.pdf
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- Publié le Fev 25, 2022
- Catégorie Health / Santé
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