CONSEIL D’ÉTAT Commission permanente Séance du dimanche 26 décembre 2021 N ° 4
CONSEIL D’ÉTAT Commission permanente Séance du dimanche 26 décembre 2021 N ° 4 0 4 . 6 7 6 EXTRAIT DU REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS AVIS SUR UN PROJET DE LOI renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique NOR : PRMX2138186L/Verte-2 1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 22 décembre 2021 d’un projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire. Ce projet comporte trois articles : - Le premier modifie la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire pour transformer à compter du 15 janvier 2021 en « passe vaccinal » le « passe sanitaire » prévu au 2° du A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 pour l’accès à certaines activités, et le rendre applicable aux personnes intervenant dans les lieux ou établissements où se déroulent ces activités. Ce même article renforce le dispositif de lutte contre la fraude concernant ces différentes formes de « passe ». Il proroge en outre l’état d’urgence sanitaire en Martinique et le déclare à la Réunion jusqu’au 31 mars 2022. Il prévoit enfin qu’en cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire dans l’une des autres collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution avant le 1er mars 2022, cet état d’urgence s’appliquera également jusqu’au 31 mars 2022 ; - Le deuxième article modifie l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions pour permettre l’utilisation des systèmes d’information mis en œuvre en application de cet article aux fins de contrôle du respect des mesures de mise en quarantaine ou de placement à l’isolement ; - Le troisième article, dont l’objet est étranger à la gestion de la crise sanitaire, modifie le code de la santé publique pour introduire un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention dans la procédure de prononcé et de renouvellement des mesures d’isolement et de contention, en conséquence des décisions n° 2021-912/913/914 QPC du Conseil constitutionnel en date du 4 juin 2021 et n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021. NOR : PRMX2138186L/Verte-2 2 2. L’étude d’impact répond globalement aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. 3. Le comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique a été consulté. Il a rendu un avis le 24 décembre 2021. Sur le principe du « passe vaccinal » 4. Le Conseil d’Etat rappelle que le 2° du A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 permet au Premier ministre, jusqu’au 31 juillet 2022, de subordonner par décret à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19, l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées certaines activités. Ces activités sont : - l’ensemble des activités de loisirs ; - les activités de restauration ou de débit de boisson ; - les foires et salon professionnels ; - sauf en cas d’urgence, les services et établissements de santé, sociaux et médico- sociaux, pour les personnes accompagnant ou visitant les personnes accueillies et pour les patients accueillis pour des soins programmés ; - sauf en cas d’urgence, les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein de l’hexagone, de la Corse et des collectivités d’outre-mer ; - sur décision du préfet, les grands centres commerciaux, dans des conditions garantissant l’accès aux biens et services de première nécessité. 5. Le projet de loi prévoit de modifier cette disposition pour permettre au Premier ministre de subordonner l’accès à ces activités, à l’exception des services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux dont l’accès resterait soumis au régime du « passe sanitaire », à la présentation d’un justificatif de statut vaccinal, sans possibilité, en principe, de faire état de l’un des deux autres justificatifs. Le décret mettant en œuvre ce « passe vaccinal » pourrait toutefois préciser les cas dans lesquels pourraient être admis un certificat de rétablissement ou un certificat de contre-indication, pour des raisons liées à l’état médical de l’intéressé. Le décret pourrait également exiger, pour des raisons de santé publique, un cumul de plusieurs justificatifs. 6. Le Conseil d’Etat rappelle qu’il lui appartient, comme il l’a indiqué au point 8 de son avis n° 402691 du 21 avril 2021, de vérifier que les mesures de police sanitaire prévues pour lutter contre l’épidémie assurent, au regard des risques liés à la propagation du virus, en l’état des connaissances scientifiques, une conciliation conforme à la Constitution des nécessités de la lutte contre l’épidémie avec la protection des libertés fondamentales reconnues à tous ceux qui résident sur le territoire de la République (voir notamment la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-808 DC du 13 novembre 2020, paragr. 12). NOR : PRMX2138186L/Verte-2 3 Comme il l’a indiqué s’agissant du « passe sanitaire » au point 12 de son avis n° 403629 du 19 juillet 2021, le Conseil d’Etat relève que la mesure de « passe vaccinal » prévue est susceptible de porter une atteinte particulièrement forte aux libertés des personnes souhaitant accéder aux activités en cause. Il souligne en particulier qu’elle peut limiter significativement la liberté d'aller et de venir et est de nature à restreindre la liberté de se réunir et le droit d'expression collective des idées et des opinions (voir sur ce point la décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, paragr. 37). L’atteinte est renforcée, s’agissant du « passe vaccinal », par la restriction des justificatifs admissibles. La mesure appelle dès lors également un strict examen préalable de nécessité et de proportionnalité, dans son principe comme dans son étendue et ses modalités de mise en œuvre, au vu des données scientifiques disponibles. 7. Le Conseil d’Etat relève, tout d’abord, que la mesure envisagée s’inscrit dans un contexte sanitaire notablement différent de celui qui prévalait à la date de son avis sur le projet de loi prévoyant le « passe sanitaire ». Il lui incombe en conséquence, à la lumière notamment de la situation épidémiologique et de la couverture vaccinale de la population à la date à laquelle il se prononce, d’évaluer les dispositions prévues par le projet de loi au regard de l’ensemble du dispositif afin d’en apprécier la proportionnalité. Ce contexte est d’abord marqué, depuis le mois d’octobre 2021 par une importante progression de l’épidémie liée au variant Delta, assimilable à une « cinquième vague ». Le taux d’incidence atteint 550 pour 100 000 habitants, tandis que le taux de reproduction R effectif reste supérieur à 1. La pression sur le système de soins se renforce avec, au 21 décembre, 16 142 patients COVID-19 hospitalisés, dont 3 109 en soins critiques, tout en restant inférieure aux vagues précédentes en raison, notamment, de l’extension de la couverture vaccinale. Plus de 76,8% de la population générale présente une primo-vaccination complète (hors dose de rappel), soit plus de 89,3% de la population éligible (données Santé publique France au 23 décembre 2021). L’évolution prévisible à court et moyen terme de l’épidémie est tributaire de l’apparition et la diffusion rapide du nouveau variant Omicron. Le Conseil d’Etat constate qu’en l’état des connaissances, ainsi que le relève le comité de scientifiques dans son avis en date du 24 décembre 2021, « bien qu’il existe encore beaucoup d’incertitudes, il est probable que le variant Omicron a une gravité plus faible que les variant antérieurs ». Il résulte toutefois de cet avis ainsi que des autres informations communiquées par le Gouvernement que la plus grande contagiosité de ce variant apparaît établie, et rend probable une accélération de la progression de l’épidémie à brève échéance. Par ailleurs, les données disponibles font état d’une moindre protection par la vaccination actuellement pratiquée et, partant, d’un risque d’infection ou de réinfection en dépit d’une vaccination ou d’un antécédent de covid-19. Il est également possible que ce variant affecte ou compromette l’efficacité des traitements antiviraux disponibles, notamment pour les personnes connaissant un déficit immunitaire. Il apparaît en revanche, au vu des informations médicales disponibles (voir l’avis du comité de scientifiques en date du 16 décembre 2021 : « Le variant Omicron : anticiper la 6ème vague ») qu’un rappel vaccinal, ou la combinaison entre une infection préalable et un schéma vaccinal adapté, permettent de rétablir une protection importante contre l’infection et contre les formes sévères de la maladie. NOR : PRMX2138186L/Verte-2 4 8. Dans ce contexte, le « passe vaccinal » vise, comme le « passe sanitaire », à limiter l’exercice de certaines activités qui mettent en présence simultanément un nombre n’important de personnes, ou qui exposent par leur nature même les personnes qui y participent à un risque particulier de diffusion du virus, uploads/Sante/ l15b4857-avis-conseil-etat.pdf
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- Publié le Jui 09, 2021
- Catégorie Health / Santé
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