// F O R M A T I O N C O N T I N U E LA STÉATOSE HÉPATIQUE PAS QUE DU FOIE GRAS
// F O R M A T I O N C O N T I N U E LA STÉATOSE HÉPATIQUE PAS QUE DU FOIE GRAS ! M. Vachon, 58 ans, diabétique et obèse (IMC de 31), vient vous consulter à la demande de sa compagnie d’assurance. Il n’a aucun symptôme, mais son taux d’AST est élevé (1,2 fois la normale) et son taux d’ALT est de 1,5 fois la normale. La phosphatase alcaline, la bilirubine, le RIN et l’albumine sont normaux. M. Vachon n’abuse pas de l’alcool. L’échographie révèle une stéatose hépatique. A-t-il seulement une stéatose ou plutôt une stéatohépatite ? Comment assurer une prise en charge et lui prodiguer les soins adéquats ? Jean-Daniel Baillargeon La stéatose hépatique non alcoolique constitue la pre- mière cause de maladie hépatique chronique en Occident, sa pré valence atteignant de 15 % à 30 % dans la population géné rale1,2. Elle se définit par l’accumulation excessive de lipides dans le foie en l’absence de consommation impor- tante d’alcool (soit 21 consommations par semaine pour un homme, et 14 pour une femme3). La stéatose hépatique non alcoolique inclut : 1. la stéatose hépatique simple : accumulation de gras dans le foie, sans autre modification ; 2. la stéatohépatite non alcoolique : accumulation de gras dans le foie associée à une réaction inflammatoire (Non- Alcoholic Steato-Hepatitis ou NASH, en anglais). La stéatose simple n’entraîne pas de complications et ne cause pas de lésion hépatique alors que la stéatohépatite non alcoolique accroît le risque de cirrhose, d’insuffisance hépatique et d’hépatocarcinome. Environ 20 % des patients atteints présenteront une cirrhose4, dont 10 % un hépato- carcinome5. Les conséquences sur le foie sont en fait aussi néfastes que celles de l’alcool6. Par conséquent, cette entité pathologique doit être évaluée avec le même sérieux. 1. CHEZ QUI DOIT-ON SOUPÇONNER UNE STÉATOSE HÉPATIQUE NON ALCOOLIQUE ? La stéatose hépatique non alcoolique est considérée par plusieurs experts comme la manifestation hépatique du syndrome métabolique1. La résistance à l’insuline asso- ciée à ce syndrome augmente la lipolyse, ce qui entraîne l’accumulation de lipides dans le foie. On retrouve donc la stéatose hépatique non alcoolique principalement en pré- sence d’obésité, surtout viscérale, de diabète de type 2 et de dyslipidémie. L’âge, la race et le sexe sont aussi des facteurs prédisposants : les hommes, par exemple, sont plus souvent touchés que les femmes7,8. Il existe enfin d’autres causes de stéatose hépatique (tableau I)7,8. Bien que les facteurs de risque de stéatose hé pa tique non alcoolique soient connues, les principales organisations américaines ne recommandent pas actuellement le dé pis tage systématique de l’atteinte hépatique chez les patients qui présentent ces facteurs 7. Les connaissances sur l’évolution Le Dr Jean-Daniel Baillargeon, gastro-entérologue, exerce au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke et est professeur agrégé au Service de gastro-entérologie du Département de médecine de l’Université de Sherbrooke. // F O R M A T I O N C O N T I N U E TABLEAU I CAUSES DE STÉATOSE HÉPATIQUE7,8 h Abus d’alcool (hommes . 3 consommations par jour ; femmes . 2 consommations par jour) h Stéatose hépatique non alcoolique : obésité, diabète de type 2, dyslipidémie, syndrome métabolique h Hépatite C h Maladie de Wilson h Médicaments : amiodarone, méthotrexate, tamoxifène, corticostéroïdes, valproate, antirétroviraux h Lipodystrophie h Malnutrition importante (kwashiorkor) h Nutrition parentérale totale h Perte de poids rapide h Intervention entraînant une malabsorption : résection étendue du grêle h Chirurgie bariatrique h Syndrome de Reye h Stéatose hépatique aiguë de la grossesse h Syndrome de HELLP (complication grave de la prééclampsie) h Maladies héréditaires du métabolisme 51 lemedecinduquebec.org de la maladie, de même que sur l’efficacité des traitements, sont insuffisantes pour justifier un diagnostic précoce. De plus, les méthodes diagnostiques simples, comme la mesure du taux d’enzymes hépatiques, ne sont pas assez sensibles, tandis que les examens d’imagerie sont trop coûteux pour constituer un bon test de dépistage. En pratique, la recherche d’une stéatose hépatique non alcoolique portera principalement sur les patients qui ont : 1. une hépatopathie chronique (ex. : cirrhose) dont on cherche la cause ; 2. une perturbation du taux d’enzymes hépatiques décou- verte fortuitement lors d’un bilan de santé ; 3. une stéatose hépatique trouvée lors d’un examen d’ima- gerie de la cavité abdominale. 2. COMMENT CONFIRMER LE DIAGNOSTIC DE STÉATOSE HÉPATIQUE NON ALCOOLIQUE ? La stéatose hépatique non alcoolique se caractérise par : 1. une légère élévation du taux d’AST et d’ALT (de 1,5 à 4 fois la normale) ; 2. un taux de bilirubine et de phosphatase alcaline et un RIN normaux ; 3. une hépatomégalie ou une stéatose hépatique visible à l’examen d’imagerie de la cavité abdominale ; 4. des facteurs de risque (obésité, diabète, dyslipidémie, syndrome métabolique). En présence de ces éléments, il faut soupçonner la stéatose hépatique non alcoolique1. Cependant : h des taux d’enzymes hépatiques normaux n’excluent pas le diagnostic8 ; h une perturbation du taux de bilirubine ou du RIN est possible, ce qui indique une phase plus avancée de la maladie (cirrhose) ; h la découverte d’une stéatose à l’échographie abdominale n’en donne pas la cause pour autant (tableau I7,8) ; h l’absence de stéatose à l’examen d’imagerie ne l’exclut pas d’emblée. En somme, bien que le dosage des enzymes hépatiques et l’échographie abdominale soient utiles en cas de pré- somption de stéatose hépatique non alcoolique ou pour appuyer le diagnostic, ils ne permettent ni de la confirmer ni de l’infirmer. En fait, seule la biopsie hépatique permet de poser ce diagnostic de façon formelle. Cependant, en raison des risques et des conséquences, elle est réservée aux cas particuliers. En pratique clinique, le diagnostic de stéatose hépatique non alcoolique en est un d’exclusion. Il est posé lors que le tableau clinique est compatible et que les autres causes pos si bles de perturbations ont pu être raisonnable ment éliminées. 3. QUEL BILAN PRESCRIRE LORSQU’ON SOUPÇONNE UNE STÉATOSE HÉPATIQUE NON ALCOOLIQUE ? Lorsqu’une stéatose hépatique est soupçonnée ou obser- vée à l’examen d’imagerie, il faut en rechercher la cause (tableau I7,8), en vérifiant notamment si le patient abuse de l’alcool7. Puisque la stéatose alcoolique ne peut être diffé- renciée d’un point de vue biologique et histologique de la stéatose non alcoolique, seule l’anamnèse permet de les départager. Plus de deux consommations par jour chez la femme et de trois chez l’homme constitue généralement un abus d’alcool qui pourrait expliquer l’atteinte hépatique. Une fois la stéatose hépatique non alcoolique retenue après l’évaluation des différentes causes de stéatose, il importe de rechercher les hépatopathies coexistantes qui pourraient aggraver le pronostic. Celles-ci sont notamment l’hémo- chromatose, l’hépatite auto-immune, les hépatites virales chroniques B et C et la maladie de Wilson. Le bilan initial suggéré lorsqu’on soupçonne une stéatose hépatique non alcoolique est présenté dans le tableau II7. TABLEAU II BILAN D’ÉVALUATION D’UNE STÉATOSE HÉPATIQUE7 h AST, ALT, phosphatase alcaline, bilirubine, RIN, albumine h Ferritine et saturation de la transferrine (hémochromatose) ; génotypage C282Y si la ferritine ou la saturation de la transferrine sont élevées h Antigène de surface pour l’hépatite B (AgHBs) h Anticorps pour l’hépatite C (antiVHC) h Facteur antinucléaire, anticorps antimuscle lisse, électrophorèse des protéines (hépatite auto-immune) h Céruloplasmine sérique (maladie de Wilson) h Alpha-1-antitrypsine sérique (déficit en alpha-1-antitrypsine) h Échographie abdominale 52 Le Médecin du Québec, volume 50, numéro 4, avril 2015 // F O R M A T I O N C O N T I N U E 4. COMMENT DIFFÉRENCIER LA STÉATOSE SIMPLE DE LA STÉATOHÉPATITE ? La stéatose hépatique non alcoolique simple est généra le ment bénigne et a un excellent pronostic. Par contre, lors qu’elle se complique d’une inflammation (stéatohépa tite non alcoolique), elle peut évoluer vers la fibrose, l’insuffi- sance hépatique et le cancer. Il importe donc de bien en établir le type. Malheureusement, le dosage des enzymes hépatiques et les examens d’imagerie ne permettent pas de le faire. Par exemple, 20 % des patients atteints d’une stéato hépatite non alcoolique ont des taux d’AST et d’ALT normaux9,10. En fait, la seule façon de bien repérer une stéatohépatite et la fibrose associée est encore une fois la biopsie hépatique. Cependant, son coût et les risques éle- vés qui y sont associés justifient le recours à des modalités d’évaluation moins effractives. Des facteurs de risque cliniques ont donc été établis afin d’estimer la probabilité d’une stéatohépatite non alcooli que1,8 (tableau III1,7). La présence de deux de ces facteurs ou plus devrait suffire pour évoquer la maladie. De même, plusieurs systèmes de pointage reposant sur des paramètres bio- métriques ont été élaborés afin de déterminer le degré de fibrose hépatique7. Le Non-Alcoholic Fatty Liver Disease (NAFLD) Fibrosis Score11, qui peut facilement être calculé sur Internet (tableau IV7), est actuellement le score validé le plus utilisé en clinique. Il indique assez bien l’absence de fibrose importante, mais il serait moins performant pour trouver une fibrose avancée. L’élastométrie impulsionnelle (fibroscan) est une nouvelle technique qui permet de mesurer l’élasticité du foie à l’aide des ultrasons et ainsi d’établir le stade de fibrose en fonc- tion de la rigidité uploads/Sante/ la-steatose-hepatique.pdf
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- Publié le Jul 15, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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