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Tous droits réservés © Université du Québec à Montréal, 2003 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 01/26/2022 5:13 p.m. Frontières Le débat sur l’euthanasie et l’expérience du mourir Hubert Doucet Remède ou poison ? Volume 16, Number 1, Fall 2003 URI: https://id.erudit.org/iderudit/1073757ar DOI: https://doi.org/10.7202/1073757ar See table of contents Publisher(s) Université du Québec à Montréal ISSN 1180-3479 (print) 1916-0976 (digital) Explore this journal Cite this article Doucet, H. (2003). Le débat sur l’euthanasie et l’expérience du mourir. Frontières, 16(1), 20–28. https://doi.org/10.7202/1073757ar Article abstract This article highlights issues that have marked propositions of legislative change occurring in a number of countries. By showing the type of transformations taking place, we can better articulate the medical and social context from which the question of euthanasia arises. A final section underlines the principal arguments used in the debate as well as their strengths and weaknesses. Finally, it suggests that no argument is entirely convincing; rather each contains an essential richness if those who are dying are to be respected as human beings. FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2003 20 LE DÉBAT SUR L’EUTHANASIE ET L’EXPÉRIENCE DU MOURIR A R T I C L E Hubert Doucet, Ph.D., professeur aux Facultés de médecine et de théologie, directeur des programmes de bioéthique à l’Université de Montréal. La question de l’euthanasie n’est pas née avec le développement de la médecine moderne. Déjà dans l’Antiquité, Platon, Démosthène et d’autres penseurs s’oppo- saient à ce qu’un médecin prolonge la vie d’un malade condamné à mourir. Si le Serment d’Hippocrate interdisait de donner un médicament mortel, d’autres confréries médicales de l’époque aidaient les malades à se suicider, sauf s’il s’agissait d’un soldat ou d’un esclave. La mort volontaire n’était pas une pratique inconnue de l’Antiquité (Durand et al., 2000, p. 52-53). Le sujet prend aujourd’hui des dimen- sions inconnues dans le passé. Depuis les années 1990, l’euthanasie est devenue l’objet d’un véritable débat social qui touche aux valeurs les plus fondamentales et fait appel aux émotions les plus vives des tenants et des opposants. Les philosophes participent largement à ces débats. Ils invi- tent à la rationalité et à la cohérence des arguments. Pour qu’ils prennent tout leur sens et n’apparaissent pas coupés de l’expérience du terrain, les arguments phi- losophiques doivent tenir compte du contexte dans lequel est vécu le mourir contemporain. Cette perspective préside au plan de ma présentation. En première partie, je rappellerai les principaux points qui marquent les propo- sitions de changements législatifs qui ont cours dans de nombreux pays. En montrant Résumé Cet article rappelle les principaux points qui marquent les propositions de change- ments législatifs qui ont cours dans de nombreux pays. En montrant ainsi le type de transformations en train de se produire, il permet de mieux cerner le contexte médical et social qui conduit à poser la question de l’euthanasie. Une dernière partie expose les principaux arguments utilisés dans le débat ainsi que leurs forces et faiblesses. Enfin, il montre qu’aucun argument n’est entièrement convaincant mais que chacun renferme des richesses dont il faut tenir compte pour que les mourants soient respectés comme des personnes humaines. Mots-clés : euthanasie – droit – éthique – histoire. Abstract This article highlights issues that have marked propositions of legislative change occurring in a number of countries. By showing the type of transformations taking place, we can better articulate the medical and social context from which the question of euthanasia arises. A final sec- tion underlines the principal arguments used in the debate as well as their strengths and weaknesses. Finally, it sug- gests that no argument is entirely con- vincing ; rather each contains an essential richness if those who are dying are to be respected as human beings. Key words: euthanasia – legal – ethic – history. ainsi le type de transformations en train de se produire, il deviendra possible en deuxième partie de mieux cerner le contexte médical et social qui conduit à poser la question de l’euthanasie. Enfin, une der- nière partie exposera les principaux argu- ments utilisés dans le débat ainsi que leurs forces et faiblesses. Au terme, j’entends montrer qu’aucun argument n’est entière- ment convaincant mais que chacun renferme des richesses dont il faut tenir compte pour que les mourants soient respectés comme des personnes humaines. DÉPÉNALISER L’EUTHANASIE Au cours des toutes dernières années, il est remarquable de constater combien nom- breux sont les pays qui ont engagé le débat sur la dépénalisation de l’euthanasie, enten- due au sens de provoquer intentionnel- lement la mort d’un malade, à sa demande, pour mettre fin à ses souffrances. Les Pays- Bas ont joué ici un rôle moteur. L’arrêt du tribunal de Leeuwarden en 1973 fut le point de départ de toute une démarche dont les diverses étapes allaient, en 2001, conduire ce pays à décriminaliser l’euthanasie dans certaines circonstances (Kimsma et Van Leeuwen, 1993, p. 21 ; 2001, p. 445). Les débats n’allaient pas demeurer limités à ce pays. Si, au départ, l’expérience hollandaise a suscité des inquiétudes dans de nombreux pays, elle a aussi ouvert la porte à la dis- cussion. C’est ainsi qu’actuellement les autorités politiques ou judiciaires de divers pays ont été saisies de demandes ou ont elles-mêmes proposé des projets pour libé- raliser l’euthanasie et l’aide médicale au 21 FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2003 suicide. Que l’on pense ici à la Belgique, la Suisse, la France, le Canada et les États-Unis pour ne nommer que quelques instances. Que nous apprennent les discussions qui ont eu lieu ou ont présentement lieu dans ces différents pays ? Il est d’abord remar- quable de constater la diversité des approches selon les pays. Bien que les mêmes écoles philosophiques se retrouvent d’un lieu à l’autre, la discussion se fait de manière fort locale, de sorte que la libéralisation souhai- tée prend des formes différentes. Dans les Pays-Bas, la moralité de l’euthanasie se fonde sur le conflit de devoirs du médecin. En 1986, la Cour suprême des Pays-Bas avait statué qu’« au moment même où le médecin n’arrive plus à allier son devoir de combattre, de supprimer ou de soulager la douleur de son patient avec son devoir de sauvegarder la vie, il se trouve dans un état de nécessité » (Welschinger, 2001, p. 4). Il y a, en quelque sorte, urgence d’agir. Accé- lérer la mort en pareil contexte constitue un exercice de responsabilité professionnelle. Aux États-Unis, le fondement de l’eutha- nasie et de l’aide médicale au suicide repose sur le droit à l’autodétermination de l’individu. Jusqu’au jugement de la Cour suprême en 1997 , plusieurs auteurs améri- cains soutenaient même que l’euthanasie et l’aide médicale au suicide représentaient un droit inscrit dans la constitution américaine (Schneider, 1994, p. 18 ; Battin et al., 1998, p. 9). En France, l’avis du Comité consul- tatif national d’éthique intitulé « Fin de vie, arrêt de traitement, euthanasie » affirme que s’« il n’y a pas un droit à exiger d’un tiers qu’il mette fin à sa vie et il y a obligation de tout mettre en œuvre pour améliorer la qua- lité de la vie des individus », certaines détresses pourraient autoriser « la solidarité humaine et la compassion à surpasser la règle. C’est la position de l’engagement solidaire qui ne saurait cependant se pra- tiquer sans le consentement » (C.C.N.E., 2000, p. 10). Dans les trois cas, la pratique de l’euthanasie est légitimée mais le fon- dement est fort différent. Une autre différence mérite d’être souli- gnée. Les débats néerlandais ont marqué une nette préférence pour l’euthanasie plu- tôt que pour l’aide médicale au suicide alors que les Américains ont une position inverse. La raison tient à la conception différente que l’on se fait du rôle du médecin et des services de santé. L’euthanasie, disent les premiers, représente une meilleure garan- tie de protection de la personne malade, le geste étant posé par le médecin de famille qui connaît bien son patient. La majorité des malades, en effet, retournent mourir à la maison et sont suivis par leur médecin. Aux États-Unis, le suicide qui est l’acte déli- béré d’un patient apte, donc capable de faire un choix définitif, demeure le choix privi- légié des citoyens comme le démontre l’échec des initiatives populaires dans les États de Washington (1991) et de Californie (1992) où les citoyens devaient se pronon- cer sur l’euthanasie et l’aide au suicide. La crainte réside dans le fait que l’euthanasie, étant pratiquée par une tierce partie, puisse mener à des abus. Le succès de l’initiative populaire de l’Oregon (1994) qui ne portait que sur le suicide peut s’expliquer par le fait que l’aide au suicide relève pleinement de la responsabilité de l’individu1. Toutes les initiatives en faveur de la libé- ralisation uploads/Sante/ le-debat-sur-l-x27-euthanasie-et-l-x27-experience-du-mourir-hubert-doucet.pdf
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- Publié le Fev 02, 2022
- Catégorie Health / Santé
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