Sexualité et mode de contrôle de lafécondité chez lesjeunes en Afrique subsabar
Sexualité et mode de contrôle de lafécondité chez lesjeunes en Afrique subsabarienne VALÉRIE DELAUNAY et AGNÈS GUILLAUME Lors de la Conférence du Caire en 1994 et celle de Beijingen 199S,les États ont adopté des déclarations précisant que les hommes et les femmes de tous âges avaient « le droit de décider librement et avecdiscernement du nombre de leurs enfants et de l'espacement de leurs naissances, de disposer des infor- mations nécessairespour ce faire et du droit de tous à accéder à une meilleure santé en matière de sexualité et de reproduction» (Nations unies, 1994). Ces déclarations soulignaient que lesprogrammes en matière de santé de la repro- duction devaient être accessibles aux femmes et aux hommes, quel que soit leur âge et leur situation, et en particulier aux adolescents. Si ces conférences ont contribué au développement et au renforcement de ces programmes, ceci a surtout concerné les activités de planification familiale. En effet, la santé sexuelle reste encore une composante négligeable des programmes de santé de la reproduction. On le note en particulier dans les cursus de formation des médecins, personnels de santé et personnels enseignants dans les pays en développement qui n'abordent que rarement ces questions (Haslegrave et Olatunbosun, 2003). Quant à la planification familiale, elle n'est pas encore accessibleà toutes les femmes, puisque la cible privilégiée de ces programmes reste souvent les femmes mariées qui recourent à la contraception pour espa- cer les naissances. La promotion de ces méthodes a pour objectifprincipal de préserver la santé de la mère et de l'enfant, excluant de fait lesjeunes femmes 112. V. DELAUNAY et A. GUILLAUME sans enfants, et ne considère pas assezla question de la sexualité chez lesjeunes. Ces éléments sont autant de blocages àl'intégration des questions relativesà la sexualité et àla planification familiale dans des programmes de santé publique et à la satisfaction des besoins des adolescents. Ce chapitre vise à décrire le contexte de l'entrée en vie sexuelle et féconde des jeunes hommes et femmes en Afrique. L'accent est mis sur le rôle éventuel que le mariage joue dans le début de la vie adulte. Nous analysons les modes de prévention adoptés par les jeunes au début de leur vie sexuelle en considérant le rôle de l'avortement dans la régulation de la fécondité. L'entrée en vie sexuelle: un contexte nouveau L'« adolescence» ou la « jeunesse» sont des concepts difficiles à définir, mais l'on reconnaît l'existence d'une période charnière du cyclede vie, passage de l'enfance à l'âge adulte, régie par des normes sociales de comportement. L'adolescent ou le jeune est souvent défini en référence à une classe d'âge'. Pourtant, même siles risques en matière de santé de la reproduction liés à l'âge sont indéniables (Zabin et Kiragu, 1998 ; Trussell et Pebley, 1984; Hobcraft et al. 1985 ; Alam, 2000), le risque biologique consécutifaux grossesses trop pré- coces n'est pas aujourd'hui le plus préoccupant. On s'interroge plus aujourd'hui sur lesconséquences sanitaires et sociales d'une sexualité prémaritale. En effet, la diffusion des rST, la multiplication des tentatives d'avortement, les échecs scolaires, les rejets familiaux, la prise en charge des enfants issus de grossesses non désirées sont autant de conséquences récurrentes dans la problématique actuelle de la santé reproductive des jeunes. Les conditions d'entrée dans la vie sexuelle évoluent et les changements survenus au cours des deux dernières décennies en Afrique subsaharienne, tout comme dans d'autres parties du monde, ne correspondent pas tant à une modification de l'âge au premier rapport sexuel ou à la première naissance, 1. L'âge considéré pour l'adolescence est soit 15-19 ans, soit 10-19ans, soit 15-24 ans; dans ses programmes de santé, l'OMS considère comme adolescents la classe 10-19 ans. SEXUALITÉ ET CONTRÔLE DE LA FÉCONDITÉ CHEZ LES JEUNES EN AFRIQUE 2.13 qu'à une modification du contexte social dans lequel les jeunes générations entrent dans la vie sexuelle et féconde (Bledsoe et Cohen, 1993). Les hypo- thèses explicatives de l'évolution des comportements sexuels des adolescents se fondent sur deux propositions: l'une considérant la sexualité prémaritale comme une stratégie économique rationnelle (Djarnba, 1997,Silberschmidt et Rasch, 2001),l'autre comme le résultat d'une désorganisation sociale (Meekers, 1994 ; Bledsoe et Cohen, 1994; Calvès, 2000a). En Afrique subsaharienne, le mariage précoce des fillespermettait de contrô- ler la sexualité des adolescentes en limitant la période de célibat à l'âge pubère, et les rites d'initiation pour les garçons évitaient une sexualité trop précoce. Aujourd'hui, les modifications sociales, économiques et culturelles que connaît l'Afrique subsaharienne conduisent à un recul de l'âge d'entrée en union, au moins pour les femmes, et àun affaiblissement des rites traditionnels régissant l'entrée en vie sexuelle. Avec le recul de l'âge au premier mariage, la sexualité féminine, autrefois socialement contrôlée par une entrée précoce en union, s'exerce dans bien des cas avant le mariage, échappant au contrôle des aînés (Blanc et Way, 1998).Les jeunes hommes commencent plus tôt leur vie sexuelle (Delaunay et al., 2001 ; Bozon et Hertrich, 2004). Ainsi, on voit apparaître une « période de sexualité juvénile autonome» qui échappe au contrôle de la génération précédente et aboutit à une plus grande individualisation des comportements (Bozon et Hertrich, 2004). Il s'agit en fait d'une période de sexualité prérnaritale, carac- térisée par une plus grande instabilité, qui est reconnue comme une période de risque d'infection sexuellement transmissible (dont le VIH/sida) et de grossesses non désirées, lorsque aucune prévention n'est pratiquée. Pour les jeunes non mariés, l'accès aux services de planification familiale et de prévention des IST reste souvent difficile et les personnels de santé ne sont pas toujours réceptifs et accueillants (Olukoya et al., 2001). En effet, l'accueil qui leur est réservé est bien souvent emprunt de la faible reconnaissance des 2. c'est le cas des jeunes filles qui ont des relations sexuelles, souvent avec des hommes plus âgés, en échange d'argent ou de cadeaux. 2.14 V. DELAUNAY et A. GUILLAUME adultes au droit des adolescents à une sexualité et l'abstinence reste souvent la recommandation première. Les besoins des adolescents sont encore ignorés ou insatisfaits et les conséquences en sont visibles à travers le nombre croissant de grossesses avant le mariage (Meekers, 1994; Calvès, 2000b ; Brown etal., 2001 ; Nzioka, 2004 ; Mouvagha-Sow, 2002 ; Mondain et Delaunay, 2003) et la prati- que clandestine de l'avortement (Gage-Brandon et Meekers, 1994; Guillaume et Desgrées du Loû, 2002 ; Guillaume et Molmy, 2003). Les grossesses hors mariage sont, dans beaucoup de sociétés africaines, mal acceptées. Les jeunes femmes préfèrent souvent avorter que de mener à terme une grossesse rejetée par les parents et potentiellement préjudiciable à la poursuite de leurs études et de leur projet de vie. L'épidémie de sida a généré un grand nombre de programmes d'information et de prévention. Ces programmes ont contribué àsensibiliserla population aux risques liésà une sexualité non protégée et àrendre plus accessibleslespréservatifs: leur utilisation a progressé dans certains pays, mais il est parfois difficile pourles adolescentes d'en négocier l'utilisation (Silberschmidt et Rasch, 2001). Si de nombreuses études sur les comportements sexuels et de fécondité des adolescents et des jeunes sont aujourd'hui publiées, peu de synthèses sont établies àl'échelle du continent (Mahyet Gupta, 2002). Dans ce chapitre, nous tentons de faire le point sur les niveaux et évolutions récentes en Afrique subsaharienne en matière de sexualité, de fécondité prémaritale, d'entrée en union, de prévention des grossesses et du recours àl'avortement chez les jeunes. Il est en effet intéres- sant de tirer partie des possibilités offertes par la mise à disposition des résultats des enquêtes démographiques et de santé (EDS) qui présentent des indicateurs comparables sur différents aspects de la santé reproductive des adolescents et des jeunes. Données L'étude s'appuie, pour la question de l'avortement, essentiellement sur une revue de la littérature publiée, et pour l'entrée en vie sexuelle et maritale et la SEXUALITÉ ET CONTRÔLE DE LA FÉCONDITÉ CHEZ LES JEUNES EN AFRIQUE 2.IS contraception sur les données des EDS3 . La qualité de l'information recueillie lors des EDS concernant les âges (âge au moment de l'enquête, âge au premier rapport sexuel,âgeau premier mariage) aété évaluéepar différentes études (Blanc et Rutenberg, 1990; Rutstein et Bicego, 1990; Gage, 1995). Cette qualité est meilleure pour les générations les plus jeunes et s'améliore à chaque nouvelle enquête. Nous avons donc choisi d'utiliser, pour chaque pays, l'enquête la plus récente. Par soucide simplicité, nous emploierons dans le texte leterme d'adolescenrleïs pour qualifier le groupe des IS-19 ans et de jeunes pour celui des 20-24 ans. Le choix de ces classes d'âge est uniquement lié à la manière dont sont produits les tableaux de données que nous utilisons. Sexualitéprémaritale Lesquestionnaires EDS ne comportent pas toujours de questions sur la sexua- lité des célibataires. Ainsi, les indicateurs directs sur le niveau et les tendances de la sexualité prémaritale sont peu nombreux. Mais pour certains pays, une répartition des célibataires adolescentes selon leur type de partenariat sexuel (partenaire occasionnel, régulier ou pas de par- tenaire) est proposée (figure 1). Aucune donnée similaire n'est disponible pour les hommes. Les situations et conditions de l'entrée en vie sexuelle sont très diverses selon lespays. La part des adolescentes sexuellement actives varie fortement : très peu uploads/Sante/ sexualite-et-mode-de-controle-de-la-fecondite.pdf
Documents similaires
-
19
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 13, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
- Taille du fichier 0.9559MB