1 DIPLOME INTER-UNIVERSITAIRE SOIGNER LES SOIGNANTS Mémoire de fin de DIU Accid

1 DIPLOME INTER-UNIVERSITAIRE SOIGNER LES SOIGNANTS Mémoire de fin de DIU Accident grave en Maternité (Mort maternelle ou néonatale) Soignants : quel vécu, quel accompagnement ? Paris le 18 novembre 2016 Présenté par : Docteur Jean Thévenot 16/09/1954 31200 Toulouse Directeurs d’enseignements :  Professeur Eric GALAM Paris Diderot  Professeur Jean-Marc SOULAT Toulouse-Rangueil  Docteur Jean-Jacques ORMIERES Année universitaire 2015-2016 Faculté de médecine de Toulouse-Rangueil Faculté de médecine de Paris 7 2 A Yves Léopold, militant de la vie, Mon amitié reconnaissante de m’avoir montré des chemins professionnels et humains pour travailler à éviter le suicide de ceux qui donnent la vie A Sylvie K., sage-femme en salle de naissance, Mes regrets de n’avoir pas su te tendre la main quand ta souffrance non exprimée t’a conduit sur les chemins de l’irréparable A toutes les femmes et les couples que j’ai accompagnés sur la crête escarpée du don de la vie, pour ce qu’elles m’ont apporté de stress, de joies et surtout d’humanité…. “L’échec est le fondement de la réussite” (Lao-Tseu). 3 SOMMAIRE Introduction I Le contexte 1/ Morts maternelles 2/ Morts néonatales précoces 3/ Questions II La méthode III Les résultats de l’enquête 1/Qui sont les soignants répondants ? 2/Exposition à une procédure 3/Fréquence des accidents vécus 4/Aide apportée après l’accident médical 5/Existe-t-il des protocoles d’Etablissement ? 6/ Modifications des pratiques 7/Conséquences personnelles 8/Suites médicolégales 9/Perception personnelle de compétence 10/Assistance souhaitée 11/Conséquences sur l’entourage 12/Aide confraternelle 13/Demande d’assistance IV Discussion V Propositions Conclusion Annexes : Bibliographie Questionnaire 4 INTRODUCTION Trois heures du matin ; les yeux rougis autant par la fatigue que par les larmes, la sage- femme est effondrée sur le fauteuil usé de la salle de garde ; en face d’elle, le vieil obstétricien, et l’anesthésiste habituellement si fringant, ont le regard hagard des mauvais jours : « Qu’est-ce qu’on a fait qui n’a pas marché ? » interroge la jeune interne, qui rajoute en aparté «…plus jamais ça, je vais changer de métier, une femme jeune qui meurt brutalement, juste après que son enfant ait crié, c’est pas possible, c’est pas possible… !» L’interne est la seule qui parle, pour évacuer son stress ; les autres, les séniors, sont sidérés ; ils ne bougent plus et se demandent ce qu’ils vont pouvoir dire au mari, absent au moment de la naissance et qui vient d’appeler pour annoncer son arrivée. Derrière eux, l’enfant, à peine né et déjà orphelin, crie son désir de vie sous une rampe chauffante. Devant eux, en salle de naissance, repose le corps de sa mère qui, quelques minutes avant, est retombée sans vie après l’avoir donnée, terrassée en quelques secondes par une probable embolie amniotique… Et tous sont là, comme figés, sachant qu’ils vont devoir se remettre vite en mouvement et gérer l’ingérable ! Cette situation n’est pas fiction : la salle de naissance est un lieu où la joie de la naissance finit habituellement par effacer pour les parents les stress multiples liés à la crainte de l’accouchement, à la peur de la douleur, aux appréhensions vis-à-vis de la péridurale. Malheureusement, il y survient parfois des événements dramatiques dont la rareté ne doit pas empêcher d’essayer de les prévoir, telle la mort maternelle ou le décès imprévu du nouveau-né (27). Pourtant, dans les Maternités high-tech de nos hôpitaux modernes, rien ne peut survenir d’autre que le bonheur de la naissance, semble-t-il ; les seuls cris entendus ne sont que les pleurs naturels d’un bébé joufflu encouragé par les regards certes fatigués, mais admiratifs des jeunes parents ; les familles défilent, des plus anciens aux plus jeunes, pour découvrir et rendre hommage à ce jeune dieu porteur des espoirs d’avenir et de transmission de toutes les générations à cette occasion réunies. Dans nos sociétés modernes, les familles explosées et éparpillées ne manquent pas de se réunir aux 2 extrémités de la vie : la naissance et la mort… Chacune ayant ses rites et devant rester à sa place et à son temps pour respecter les « convenances » d’un monde occidental qui, pour tous, ne saurait être que parfait. De l’inconvenant télescopage de la vie donnée et de la mort inattendue nait un désordre aux conséquences imprévisibles tant pour les familles que pour les soignants. Tout a donc commencé dans le ciel serein d’une Maternité tranquille, quand la foudre s’abat, brutale et ravageuse : l’hémorragie massive non maitrisable ou l’embolie amniotique imprévisible transforme en marionnette sans vie la mère jusque-là rayonnante ou en poupée désarticulée le corps inerte de l’enfant qui ne pleurera jamais plus. La technique des soignants n’y a rien fait, la vie a donné la mort dans un lieu de naissance. Les familles désemparées tentent de comprendre les explications médicales de soignants anéantis. Mais qui peut comprendre la mort en Maternité ? Quel mari peut comprendre la mort de sa compagne ? Quel parent peut comprendre de perdre sa fille pour l’un, son nouveau-né pour l’autre… ? 5 La souffrance des familles emplit les salles d’attente : les explications techniques et les formalités administratives aident à redonner du sens à ce qui n’en a pas ; une assistance et un accompagnement psychologiques sur le court, moyen et long terme sont proposés par les soignants à ces familles en quête de réconfort, mais peuvent-elles vraiment être réconfortées ? Seul un travail de deuil bien construit et bien accompagné évitera les conséquences personnelles pathologiques et désastreuses d’une cicatrisation à jamais consolidée. Puis viendra le temps de demander des réponses, celles que les explications initiales n’ont pas su donner ; pour beaucoup, la Justice seule pourra donner ces réponses, voire punir les responsables… Les « bonnes pratiques » et autres règles professionnelles sont donc faites et organisées pour les familles… Mais qu’est-il proposé aux soignants ? Souvent une RMM, parfois un débriefing : bref les « bonnes pratiques » font organiser une analyse technique des causes, amènent à envisager des actions correctrices, à modifier les protocoles et l’organisation du service…. Mais qui s’intéresse au vécu des soignants face à la souffrance des familles endeuillées, face à la violence de leur confrontation à la mort, face à leur culpabilité de n’avoir pas pu (ou pas su croient-ils) sauver la vie… ? Qui interroge les soignants sur leurs doutes, leurs peurs ? Qui s’interroge sur les conséquences pour eux-mêmes de ces événements douloureux ? Bref quel accompagnement humain est-il envisagé pour les soignants ? La littérature médicale, si riche dans l’accompagnement au travail de deuil des premières victimes, les familles, est singulièrement pauvre concernant l’aide aux 2e victimes (12), les soignants. Sans pour autant négliger ou minimiser la souffrance des « premières » victimes, nous nous sommes donc interrogés sur le vécu par le soignant, acteur et deuxième victime à la fois, d’un accident grave en Maternité et sur l’accompagnement personnel qui lui est proposé. Sur ces bases, nous ferons des propositions pour que, comme le souligne notre maitre et ami Eric Galam (12), les deuxièmes victimes restent jusqu’au bout les premiers acteurs, de leur vie tant que de leur métier. 6 I Le contexte 1/ Morts maternelles Le rapport « Mortalité maternelle en France », coordonné par l’unité Inserm U953 « Recherche épidémiologique en santé périnatale et santé des femmes et des enfants », a été publié en Novembre 2013 (Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction)(2). Il annonce une baisse du taux de mortalité par hémorragie du postpartum – première cause de mortalité maternelle en France – sur les données de 2007-2009 par rapport à 2004-2006. 20 recommandations sont formulées par le Comité National d’Experts sur la Mortalité Maternelle dans le but de sensibiliser les professionnels de santé et les futurs parents en concertation avec le Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français, la Société Française des Anesthésistes-Réanimateurs/Club d’Anesthésie-Réanimation en Obstétrique, ainsi que le Collège National des Sages-femmes de France. De 2007 à 2009, 254 décès maternels ont été identifiés (pendant la grossesse ou jusqu’à 42 jours après l’accouchement), ce qui représente 85 femmes décédées par an en France, d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites (hors causes accidentelles ou fortuites), donnant un taux de mortalité maternelle de 10,3 pour 100 000 naissances vivantes. La France a un taux comparable à celui des pays européens voisins disposant d’un système renforcé d’étude et présente une situation favorable par rapport aux Pays-Bas et aux Etats-Unis où le taux est en hausse. La nouveauté encourageante est que la mortalité maternelle par hémorragie du postpartum – première cause de mortalité maternelle en France – a diminué pendant la période 2007-2009 par rapport à 2004-2006. « Ces résultats sont à mettre en rapport avec l’importante mobilisation, depuis dix ans, des chercheurs et des cliniciens, dont l’attention fut attirée par les premiers résultats de cette enquête, pour évaluer et améliorer les soins dans le contexte de l’hémorragie obstétricale. Toutefois, l’amélioration doit encore se poursuivre puisqu’environ 50% de ces décès sont considérés comme « évitables » en France, dans les conditions actuelles et l’accès généralisé des femmes enceintes à la surveillance prénatale uploads/Sante/ thevenot-1-2016-accidents-graves-en-maternite-quel-vecu-quelles-consequences-pour-les-soignants-pdf.pdf

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  • Publié le Jui 09, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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