Traitement médical et chirurgical de la maladie de Lapeyronie C. Muyshondt, A.

Traitement médical et chirurgical de la maladie de Lapeyronie C. Muyshondt, A. Faix Les déformations de la verge peuvent être congénitales ou acquises. Parmi les causes congénitales, on retrouve des brièvetés congénitales de l’urètre, des malformations, essentiellement l’hypospadias et l’épispadias, et des asymétries, voire des hypoplasies d’un corps caverneux. La maladie de Lapeyronie est une déformation acquise de la verge en érection, secondaire à une fibrose segmentaire de l’albuginée des corps caverneux. La maladie a été décrite en 1743 par François Gigot de Lapeyronie à l’Académie de chirurgie. L’âge moyen d’apparition se situe dans la cinquième décennie et la prévalence exacte de la maladie est difficile à préciser mais probablement sous-estimée. Outre la déformation éventuelle de la verge, la maladie de Lapeyronie est responsable de douleurs péniennes et est souvent associée à une dysfonction érectile. Nous reprenons les données actuelles de la physiopathologie de la maladie de Lapeyronie, ainsi que les données importantes de son évaluation clinique et de son retentissement psychologique. Nous détaillons les éléments essentiels de sa prise en charge médicale et chirurgicale. Nous décrivons les techniques de chirurgie conservatrices de la convexité et de la concavité ainsi que les techniques de correction avec mise en place d’un implant pénien. Initialement décrite pour traiter les incurvations congénitales de la verge de type hypoplasie d’un corps caverneux, l’opération de Nesbit a été élargie aux incurvations résultant de la maladie de Lapeyronie et reste l’une des techniques les plus utilisées. Nous proposons enfin des arbres décisionnels résumant la prise en charge de la maladie de Lapeyronie. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Maladie de Lapeyronie ; Microtraumatisme albuginéal ; Dysfonction érectile ; Pharmacodoppler pénien ; Plaque fibreuse ; Plicature Plan ¶ Rappels historiques 1 ¶ Rappels sur la maladie de Lapeyronie 2 Étiologie et histoire naturelle de la maladie de Lapeyronie 2 Maladie de Lapeyronie et dysfonction érectile 2 Caractéristiques de la déformation 2 ¶ Bilan clinique et paraclinique 3 Examen clinique 3 Imagerie et maladie de Lapeyronie 3 ¶ Prise en charge médicale de la maladie de Lapeyronie 5 Traitements par voie générale 5 Traitements par voie locale 5 Techniques alternatives 5 ¶ Techniques chirurgicales dans la maladie de Lapeyronie 6 Bilan préopératoire 6 Techniques opératoires 6 ¶ Place des différentes indications 11 Traitements non chirurgicaux 11 Traitements chirurgicaux 11 ¶ Conclusion 13 ■Rappels historiques La maladie a été décrite par François Gigot de Lapeyronie en 1743 dans « Sur quelques obstacles qui s’opposent à l’éjacula- tion naturelle de la semence » qui a été publié dans le premier volume des Mémoires de l’Académie royale de chirurgie [1]. Des évocations de la maladie existent cependant bien avant cette date [2]. Des anatomistes et des chirurgiens tels Theodoricus Borgogni (1205-1298), Guilielmus of Saliceto (1210-1276), Gabriele Fallopia (1523-1562), Andreas Vesalius (1514-1564), Nicholaus Tulpius (1593-1674) ou Frederik Ruysch (1638-1731) l’ont décrite avant Lapeyronie. Lapeyronie [3] est originaire de Montpellier mais sa renommée grandissante le pousse à s’installer à Paris en 1715 où il devient chirurgien et médecin de Louis XV en 1736. Son œuvre maî- tresse est d’avoir permis de séparer les chirurgiens de la compa- gnie des barbiers (ordonnances du 23 avril 1743) en leur conférant une charte les mettant sur un pied d’égalité avec les médecins. Il participe également à la réforme du Service de santé militaire. D’autres compléteront son œuvre, dont Germain Pichault de La Martinière qui lui succédera comme premier chirurgien du roi. Lapeyronie s’éteint à Versailles en 1747. Il lègue la majeure partie de sa fortune au Collège royal de chirurgie de Montpellier. Ceci permet d’y édifier le splendide hôtel Saint-Côme [4]. ¶ 41-475 1 Techniques chirurgicales - Urologie © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 16/10/2016 par SCD LILLE 2 (13266). Il est interdit et illégal de diffuser ce document. ■Rappels sur la maladie de Lapeyronie Étiologie et histoire naturelle de la maladie de Lapeyronie Prévalence La prévalence est difficile à déterminer avec précision et varie selon les études de 0,4 % pour Lindsay [5] dans une étude rétrospective sur 35 ans (1950-1984) publiée en 1991 avec un âge moyen d’apparition de 53 ans, à 23 % pour Smith [6] dans une étude autopsique sans que la maladie n’ait été diagnosti- quée du vivant des patients. La maladie de Lapeyronie n’est pas une affection rare [7] et la prévalence est comprise entre 3,2 % et 20 % suivant qu’il s’agisse d’étude sur la population générale ou sur des patients venant consulter pour dysfonction érectile [6, 8-11] (Tableau 1). De nombreux patients atteints par la maladie de Lapeyronie ne sont pas diagnostiqués : soit il s’agit de formes mineures où la plaque n’est pas cliniquement significative et ne gêne pas l’activité sexuelle, soit les patients sont âgés et sans activité sexuelle. Bien que sa prévalence augmente avec l’âge, elle n’est pas exceptionnelle avant 40 ans : environ 10 % des patients (32 sur 296 pour Deveci [12]). Étiologies et physiopathologie Microtraumatisme albuginéal L’étiologie exacte de la maladie de Lapeyronie est inconnue. L’hypothèse traumatique est souvent évoquée : Deveci [12] a retrouvé un traumatisme dans 18 % des cas pour les sujets de moins de 40 ans contre seulement 5 % des cas pour les sujets de plus de 40 ans. La maladie de Lapeyronie serait une anoma- lie localisée du processus de cicatrisation [13]. Les circonstances de survenue de ces traumatismes sont multiples : faux pas du coït parfois méconnu, traumatisme direct, mais aussi des microtraumatismes de l’albuginée pouvant survenir lors d’auto- injections intracaverneuses, de chirurgie pénienne, d’une prostatectomie radicale ou d’endoscopies, voire de sondage difficile. Ces antécédents sont souvent retrouvés : 15 % pour Bondil (1998) [13] et 37 % pour Johnson [11], mais peuvent être passés inaperçus. Les traumatismes pendant les rapports sexuels par choc sur le pubis de la partenaire pourraient expliquer la prépondérance dorsale de la plaque ainsi que la localisation des nodules sur la partie libre de la verge le plus souvent. Maladies du tissu conjonctif L’hypothèse d’une anomalie du tissu conjonctif le rendant plus vulnérable à une cicatrisation aberrante est souvent évoquée. Cette anomalie peut être liée à l’âge avec une perte d’élasticité chez l’homme de plus de 50 ans. Ce qui explique le début habituel de la maladie de Lapeyronie à cet âge. L’hypothèse d’une prédisposition génétique a été avancée. Bien qu’une relation de cause à effet n’ait pas été prouvée, des anomalies génétiques (sous-types human leukocyte antigen [HLA], association aux maladies de Paget, de Ledderhose et de Dupuy- tren) et auto-immunologiques (augmentation sérique du taux d’anticorps antiélastine, etc.) ont été ainsi mises en évidence [13, 14]. Des protéines surexprimées par les cellules de l’albuginée au niveau de la plaque ont récemment été mises en évidence [15] et pourraient permettre de mieux comprendre la maladie de Lapeyronie, voire de prédire l’évolution de la plaque. Comorbidités associées D’autres comorbidités ont été retrouvées comme le diabète, le tabac, l’hypertension artérielle, une dyslipidémie [12], la prise de bêtabloquants [16], la maladie de Paget, l’atopie, la polyarthrite rhumatoïde [5]. Le lien avec le diabète semble être le plus facile à expliquer : d’une part le diabète favoriserait la survenue d’une fibrose caverneuse par « accélération du processus de vieillisse- ment », d’autre part le diabète est responsable d’une anomalie de la glycosylation du collagène. Évolution naturelle Phase aiguë inflammatoire La première phase d’évolution de la maladie de Lapeyronie est marquée par l’inflammation locale. Elle est responsable de l’apparition conjointe de la déformation, d’un nodule ou d’une douleur au niveau de la verge. La déformation de la verge peut apparaître en quelques jours seulement ou être plus progressive. L’association de ces éléments rend souvent les rapports impos- sibles. La phase inflammatoire évolue classiquement sur 6 à 18 mois. Le patient consulte souvent à ce moment-là de l’évolution. La consultation survient plus précocement si la gêne sexuelle ou les douleurs sont importantes. Phase d’état ou séquellaire Au bout de 6 à 18 mois d’évolution, la symptomatologie s’amende : les douleurs régressent mais la courbure ne disparaît que dans moins de 13 % des cas [7]. Gelbard [17] a écrit l’article qui a longtemps fait référence et a décrit l’évolution naturelle qui se fait dans 40 % des cas vers une aggravation, dans 47 % des cas vers une stabilisation et dans seulement 13 % des cas vers une « régression » spontanée. Mulhall [18], en 2006, a mené la plus grande étude prospective sur l’évolution naturelle de la maladie de Lapeyronie. Il a suivi, sur plus de 18 mois, 246 patients avec une maladie de Lapeyronie récente (3,5 mois en moyenne au début du suivi). La douleur a diminué pour 100 % des patients, dont complètement pour 89 %. La courbure s’est aggravée pour 48 % des patients ; elle est restée stable pour 40 % et a diminué pour 12 % des patients. Maladie de Lapeyronie et dysfonction érectile Dans 10 % à 20 % des cas, une maladie de Lapeyronie méconnue est mise en évidence lors du bilan d’une dysfonction érectile [8]. À l’inverse, uploads/Sante/ traitement-medical-et-chirurgical-de-la-maladie-de-lapeyronie.pdf

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  • Publié le Fev 11, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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