Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical Des remarques a
Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical Des remarques aux violences, la nécessité de reconnaitre, prévenir et condamner le sexisme Danielle BOUSQUET, Présidente du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes Geneviève COURAUD, rapporteure Margaux COLLET, co-rapporteure Rapport n°2018-06-26-SAN-034, voté le 26 juin 2018. Ce rapport a été rédigé conformément aux recommandations relatives à l’usage du féminin et du masculin du Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe (HCE, 2015). À retrouver sur notre site internet : haut-conseil-egalite.gouv.fr En couverture : Photos de Audrey CERDAN, issues du recueil de témoignages « Quand les gynécos sont brutaux », publié le 20 septembre 2017 dans Le Nouvel Obs par Rozenn LE CARBOULEC, Audrey CERDAN et Grégoire HUMBERT : http://www.nouvelobs.com/rue89/nos-vies-intimes/ 20170920.OBS4907/violences-gynecologiques-ces-sept-histoires-vous-mettront-en-colere. html#sophie Pour une communication publique sans stéréotype de sexe Guide pratique HCE — Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical 3 SYNTHÈSE Lancé sur Twitter le 19 novembre 2014, le hashtag #PayeTonUtérus a fait émerger plus de 7000 témoignages de femmes en 24h dénonçant par exemple des propos porteurs d’injonction sur leur physique ou leur volonté ou non d’avoir un enfant, des examens vaginaux brutaux ou pratiqués sans leur consentement, jusqu’à des violences sexuelles. En 2015, des documents de la Faculté de médecine de l’Université Lyon-Sud sont publiés : ils révèlent qu’il est attendu, dans le cadre de leur formation, que les étudiant.e.s pratiquent des touchers vaginaux sur des patientes « endormies », donc sans leur consentement. Depuis, des lanceuses d’alertes ont relayé des témoignages de nombreuses maltraitances, propos sexistes et de violences, recouverts par le terme de « violences gynécologiques et obstétricales », un terme mobilisé depuis près d’une vingtaine d’années en Amérique latine — où plusieurs pays l’ont inscrit dans la loi — et dans le monde anglo-saxon. Leur ampleur atteste du fait qu’il ne s’agit pas de faits isolés et appelle une prise de conscience et une action publique ambitieuse pour les combattre. Le 28 juillet 2017, la Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène SCHIAPPA, commande un rapport au Haut conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes sur la question des violences gynécologiques et obstétricales, afin d’« objectiver le phénomène » et d’« identifier des leviers pour améliorer la situation ». Pendant 9 mois, le HCE a entendu 25 professionnel.le.s de santé, représentant.e.s des ordres professionnels et de sociétés savantes, patient.e.s et associations, représentant.e.s de l’État, et la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès BUZYN, dans le cadre de 19 auditions. Il en tire les conclusions suivantes. De quoi parle-t-on ? Les violences gynécologiques et obstétricales sont les actes sexistes les plus graves qui peuvent se produire dans le cadre du suivi gynécologique et obstétrical des femmes. Le suivi gynécologique et obstétrical, qu’est-ce que c’est ? La gynécologie a pour objet le diagnostic et le traitement des maladies de l’appareil génital et du sein (maladie de l’utérus, de l’ovaire, du sein, maladies sexuellement transmises), le dépistage des cancers gynécologiques par des frottis et des mammographies en collaboration avec des radiologues, la prise en charge du traitement de la stérilité, la régulation des naissances (contraception ou IVG) et le traitement des troubles de la ménopause. L’obstétrique est la surveillance du déroulement de la grossesse et de l’accouchement. Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical sont des gestes, propos, pratiques et comportements exercés ou omis par un.e ou plusieurs membres du personnel soignant sur une patiente au cours du suivi gynécologique et obstétrical et qui s’inscrivent dans l’histoire de la médecine gynécologique et obstétricale, traversée par la volonté de contrôler le corps des femmes (sexualité et capacité à enfanter). Ils sont le fait de soignant.e.s — de toutes spécialités — femmes et hommes, qui n’ont pas forcément l’intention d’être maltraitant.e.s. Ils peuvent prendre des formes très diverses, des plus anodines en apparence aux plus graves. HCE — Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical 4 Le HCE identifie 6 types d’actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical, dont certains relèvent des violences : w Non prise en compte de la gêne de la patiente, liée au caractère intime de la consultation ; w Propos porteurs de jugements sur la sexualité, la tenue, le poids, la volonté ou non d’avoir un enfant, qui renvoient à des injonctions sexistes ; w Injures sexistes ; w Actes (intervention médicale, prescription, etc.) exercés sans recueillir le consentement ou sans respecter le choix ou la parole de la patiente ; w Actes ou refus d’acte non justifiés médicalement ; w Violences sexuelles : harcèlement sexuel, agression sexuelle et viol. Les actes sexistes sont courants dans le suivi gynécologique et obstétrical des femmes : w 1 accouchement sur 5 donne lieu à une épisiotomie : 1 femme sur 2 sur laquelle une épisiotomie a été réalisée déplore un manque ou l’absence totale d’explication sur le motif de l’épisiotomie1 ; w Les taux d’épisiotomie — toutes grossesses confondues — sont très variables d’une maternité à l’autre, de 0,3 % (dans une maternité de type 3 - accueillant les grossesses pathologiques et à grands risques) à 45 % (dans une maternité de type 1 - accueillant des grossesses normales ou à bas risque), selon la cartographie 2018 Le Monde/ Fédération française des réseaux de santé en périnatalité ; w 6% des femmes se déclarent « pas du tout » ou « plutôt pas » satisfaites du suivi de leur grossesse ou de leur accouchement, cela représente par exemple 50 000 femmes pour l’année 20162 ; w 3,4% des plaintes déposées auprès des instances disciplinaires de l’Ordre des médecins en 2016 concernent des agressions sexuelles et des viols commis par des médecins3. Comment expliquer que les actes sexistes soient courants dans le suivi gynécologique et obstétrical des femmes ? w La multiplicité d’occasions en comparaison avec d’autres suivis médicaux : le HCE estime qu’en moyenne, une femme va avoir 50 consultations gynécologiques et obstétricales au cours de sa vie (frottis réguliers, renouvellement de contraception, interruptions volontaires de grossesse, consultations pré et post accouchements…). w L ’insuffisante prise en compte du caractère particulièrement intime de ces consultations, qu’il s’agisse : - Des sujets abordés lors des consultations (sexualité, vie de couple, maternité, etc.) ; - Des gestes pratiqués : toucher des seins (« palpation mammaire ») et du sexe, pénétration vaginale par les doigts du professionnel de santé ou des instruments ; - Des conditions dans lesquels ils sont pratiqués : nudité complète le plus souvent, jambes écartées à hauteur de vue du médecin. Ces caractéristiques du suivi gynécologique et obstétrical nécessitent une prise en charge adaptée, ce qui est insuffisamment le cas aujourd’hui. Ce défaut de prise en compte témoigne d’un défaut d’empathie plus particulièrement affirmé vis-à-vis des femmes. 1- INSERM, DREES. Enquête nationale périnatale. Rapport 2016. Les naissances et les établissements, situation et évolutions depuis 2000. Novembre 2017 2- COLLET Marc, Satisfaction des usagères des maternités à l’égard du suivi de grossesse et du déroulement de l’accouchement. DREES, Études et résultats, n°660, septembre 2008 3- Données fournies par le Conseil National de l’Ordre des Médecins HCE — Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical 5 Or, à ce jour, la formation initiale et continue des professions médicales demeure centrée sur la technique, au détriment de la relation humaine et du respect du consentement. L’obligation légale d’une formation sur les violences sexistes et sexuelles reste insuffisamment déployée et la formation continue insuffisante au regard des écarts entre les recommandations, élaborées notamment par la Haute Autorité de Santé, et les pratiques. w Cette spécialité médicale qui vise à accompagner les femmes dans la maîtrise de leur fécondité, échoue parfois à reconnaitre leur pleine autonomie - Cela s’inscrit dans l’histoire de la médecine gynécologique et obstétricale, traversée par la volonté de contrôler le corps des femmes (sexualité et capacité à enfanter) ; - Dans le mouvement féministe des années 70, certain.ne.s médecins ont été de réel.le.s allié.e.s, mettant leurs savoirs au service de la volonté des femmes de maîtriser leur capacité reproductive (accès à la contraception, avortement clandestin) ; w L’accouchement, longtemps impensé par les mouvements féministes, fait depuis peu l’objet de revendications liées à la critique de son hyper-médicalisation et à la volonté d’un accompagnement physiologique. Cette approche s’inscrit dans le sillage de nombreuses publications et mobilisations, ces dernières années, autour de la santé des femmes et de leur volonté d’autonomie et de libre-choix. w Aujourd’hui, et en dépit de l’augmentation importante de la part des femmes dans le secteur médical, le sexisme y est encore très présent : - La répartition des spécialités reste très sexuée et les postes de décision, très majoritairement aux mains des hommes (ils représentent 90% des membres du Conseil national de l’Ordre des médecins ; 89% des doyen.ne.s des facultés de médecine ; 74% des membres du bureau du Collège national des gynécologues et obstétriciens français et 100% des membres du bureau, du Conseil d’administration, des présidents de comités, des présidents et secrétaires des commissions de l’Académie uploads/Sante/ violences-obstetricales-le-rapport-du-haut-conseil-a-l-x27-egalite.pdf
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- Publié le Jul 13, 2022
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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