367 DE L’HOPITALAUX SOINS DE SANTE DE BASE : LE CAS DU MAROC Nicolas BREJON de
367 DE L’HOPITALAUX SOINS DE SANTE DE BASE : LE CAS DU MAROC Nicolas BREJON de LAVERGNEE INTRODUCTION Conscient des insuffisances du systime de santé publique tel qu’il fonctionne actuelle- ment au Maroc, le Ministère de la Sand Publique a entame dans les ann&s 1980 une &exion pour élaborer un avant-projet de guide de programmation des formations sanitaires du r&eau ambulatoire. L’idée de base, proche de la strat&ie des soins de santé primaires telle qu’elle a et& développée par 1’O.M.S. en 1979 et de celle de la «Santi pour Tous en l’An 2000% de la Banque Mondiale, consiste a developper des installations beaucoup plus Ir+g&res que les précédentes de façon à les rapprocher des populations, à faire appel a la participation des habitants et des collectivités locales et a mettre l’accent davantage sur la pdvention. Ce revirement a 180” de la politique de la Santé Publique marocaine s’explique par les gravesdiffcultésqu’ellerencontreencemoment.Sansexag~er,eta1’instardusystème scolaire, on peut parler de crise. Comment se caracttkise-t-elle ? Les remues propos& sont-ils à la hauteur des maux a soigner ? C’est a ces questions que la pkente communication tente de r6pondre. Et, pour commencer, un bref rappel d&rira le syst&me de r6f6rence. 1. LE SYSTEME DE SANTE PUBLIQUE : CADRE DE REFERENCE Pour son bonheur comme pour son malheur, le Maroc a hérité du système de Sand Publique introduit dès 1912 par le protectorat français. Pour son bonheur certes, car avant leProtectorat l’organisation sanitaire etait pratique- ment inexistante. Ma@? l’avance scientifique et la notoriéte de médecins arabes comme Avicenne et Aver&s, et l’existence à l’époque de Lkon l’Africain d’h6pitaux _ “.--,-,-_. ““_ -. __, . 368 (exemplaires pour leur époque) à Fes et Marrakech, l’&n m&Iical subit le même arrêt que la civilisation arabo-musulmane et, parallelement crût l’influence du «fkih» et du «marabout». Cependant tout n’&ait pas négatif : en particulier la médecine par les plantes était extrêmement vivante - et des recherches sont actuellement menées pour lui redonner ses lettres de noblesse cl). Avec l’avenement du Protectorat (191 l), l’une des préoccupations du Makchal Lyautey fut la création d’une direction de la Sand Publique et de la Population. Dans un de ses fameux discours, il déclara Q) : «L’expression coloniale a ses rudesses, elle n’est pas sans reproches ni sans tares, mais si une chose l’anoblit et la justifie, c’est l’action du m&lecin». La premiere étape du programme sanitaire français fut la lutte et la prévention des maladies transmissibles qui se transformaient vite en epidemies car leur propagation était favorisée par les mauvaises conditions d’hygiène. En 1918, les objectifs de la Premiere phase sont atteints et a partir de 1920 commence celle de l’hospitalisation. L’organisation hospitaliere a pour caract&istique essentielle d’être etroitement liée à une hi6mrchie poussée des formations sanitaires : à la base, des salles de visite disséminées dans le pays fonctionnent comme des postes de secours de bled ; au dessus sont reparties d’aprks les subdivisions administratives les infirmeries et au sommet on trouve les dispensaires, les centres de santé et les hôpitaux qui constituent les pièces maîtresses de l’armature sanitaire. On mesure facilement les progrès réalisés a la vue de quelques chiffres : 1912 1956 Hôpitaux Dispensaires, centres de sand et salles de visite Nombre de lits Etablissements hospitaliers spécialisés Infiieries Médecins Pharmaciens Dentistes Personnel para-médical 1 91 0 411 163 17.319 67,65 pour 1OO.ooO h 0 26 2 69 lpou 3.6~0~ 100.000 h 100.000 h 3,45 pour 100.000 h 1,73 pour 100.000 h 30,5 pour 100.000 h Tableau 1 Source : L.u Sont6 Publique en dures. MSP.. 1969, CU par BEWNANI CI Charkoune. op. cil. (1) Cécile PROUVOST, Soigner avec des moyens simples - Rabat. 1983 : et les recherches actuelles de la Socidtd marocaine de recherche en médecine traaWonnelle dont le secrétaire gédral est le bien connu Dr El Mokhtari. (2) Citidans N. BENNANI et M. CHARKOUNE, Evolution de I’infiastructure hospitalière au Maroc depuk 19S6, mémoire de fin d’hdes. M.S.P., Rabat, 1982. - . _ 369 Tel est le patrimoine sanitaire du Maroc à la veille de l’Indépendance en 1956. Pour son bonheur, avons-nous dit, mais aussi pour son malheur. Pour son malheur : Plusieurs misons peuvent être avancees : a) Ce Protectorat a introduit au Maroc, avec la meilleure volonté du monde, un syst8me médical Ctranger aux valeurs culturelles et cultuelles de ses habitants o), mais plutôt adapte aux normes, au type de civilisation et au pouvoir d’achat de la France. b) Ce syst&me peut être brièvement caracdrise par sa lourdeur (multiplication des formations sanitaires), par son aspect pyramidal, hikarchisé, coiffe par l’hôpital (ce qui pose des problemes de cohérence et de coordination entre les différentes formations) et par la pr&minence du rkau hospitalier sur le r&eau ambulatoire. c) Il en découle : - des lourdeurs techniques, l’hôpital induisant pour être performant un appareillage dc plus en plus sophistiqué et qui dépend donc de l’étranger ; - des lourdeurs financières, la mtklicalisation de la santé et son degré de sophistication croissant entraînant des dépenses considerables et des sorties de devises importantes ; - des arbitrages budg&aims en faveur de l’hôpital (car on ne peut casser un «bel outil») et en défaveur des formations sanitaires de base et en particulier de l’ambulatoire, d’action moins noble et d’effets plus caches. Par là même, le système de santé publique profite davantage aux habitants des villes - du fait de la localisation des hôpitaux (*) - et, vu la rarete de leurs moyens de fonctionnement, à ceux qui par leurs relations peuvent avoir acci3s aux soins d’avant- garde. De plus la physionomie qu’a prise le S.S.P. sous le Protectorat explique en bonne partie l’inegale répartition des médecins dans la zone Sud (sous domination française) : en 1957 Casablanca et Rabat bénéficiaient d’un médecin pour 1500 à 1900 habitants, pas très loin de la moyenne occidentale de l’epoque. Quant aux provinces, les écarts etaient également importants : F8s avait 1 médecin pour 11.000 h alors que 0 liaIZUate1poUr 75.000 h. Dispar& inter-provinciales donc mais surtout, laprovince englobant le rural, disparids entre la ville et la campagne @). Ainsi donc, on peut affiier sans grand risque d’erreur que le système de santé herité du Protectorat portait en lui-même les germes de ses difficultés ultérieures et en (3)N’a-t-il pos itC question un moment de supprimer les lits ohm les hfumeries et les hôpitaux ruraux car ils s’avt+aient incompatibles avec les coutwnes des malades. (4) Il existait bùn &s hôpitaux ruraux mais ils ont éti vite rdéclass~s~, faute de moyens de fonctionnement et d’inadaptationjlagrante aux normes culturelles et mentales des populations rurales. (5) L’activitd du secteur privk est Egalement concentrt!e dc façon principale dans les villes importantes où sont situ& les hôpitaux publics. 370 particulier de l’opposition villes-campagnes, car il fut conçu par et pour «une minorité urbaine qui n’est pas décidée a se laisser oublien, (Q. Le compte-rendu d’un colloque sur le sujet &Urne tri?s bien la situation : «... Les limites de cette politique curative et technologique, concentrée sur les zones de peuplement urbain, apparaîtront dès que la pacification sera virtuellement termin6e. Ainsi nous aurons une implantation des structures hospitali&res et d’installationsprivt% dans les grandes villes où l’activité médicale r@ondra plus a des demandes de soins curatifs d’une population pouvant se permettre le paiement des actes qu’une action pr&entive prenant en charge de façon spkifisue les couches les plus defavorisées... L’influence de cette conception mkiicale occidentale au Maroc persistera jusqu’apres l’indépendance et se traduira par : - une perception tres m&kali& des problemes dont la finalid est l’action curative individuelle, - le r6le privil&ie du m&iecin, d&enteur du savoir et des solutions, sans partage avec les autres membres de l’équipe, - l’orientation vers l’acquisition de moyens de plus en plus sophistiqués de diagnostic et de traitement, avec la concentration des 6quipements dans les zones urbaines, - la non valorisation des actions préventives et par voie de con.&quence la non prise en charge des besoins et des demandes des populations les plus d&avorkks, a l’exception d’actions de lutte contre des epidemies qui constituent un plus grand danger pour les populations europ&nnes». u) 1.2. L’INDEPENDANCE Conscient des problemes h&itr% du Protectorat, le nouveau Minist&re de la Sanu2 Publique’” s’est donne deux guides d’action : - intensifier la formation des cadres sanitaires, car le Protectorat avait formé peu de médecins ; le seul emploi auquel pendant longtemps pouvaient pn5tendre les Marocains Ctait celui d’aide sanitaire ; - réonenter le S.S.P. dans le sens du developpement du rkau d’action ambulatoire, (6) Selon l’expression de Cl. Brîwet, Lu sanQ&ns le Tiers-Mon&, Lu Dtcouverte - L.e Monde, Park, 1934, p. 199. (7) Cette dernike phrase est peut-gtre sujette d caution car les eurofiens sont tous vaccints... Il s’agirait plutbt d’un rcrflcu chssique contre les vieilles psws des ipidhies et du souci de son image de marque VU- d-vis de I’extérùw. Cf Association tnarocaine & prospective, Dlveloppement et prospective, shinaire & Beni-Melbl, 21-22 mars 1980,~. 177. (8) dont l’organkation et les attribution défa*tives n’ont W fm*es qw Pr lesahhirs a% 1975 et 1976. vide juridique friqucnt au Maroc qU; fmit toujours par être uploads/Sante/de-l-x27-hopitalaux-soins-de-sante-de-base-le-cas-du-maroc.pdf
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- Publié le Sep 25, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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