1 LA CURIEUSE LOI DE BENFORD OU UN MONDE PHYSIQUE AUTOSIMILAIRE THIERRY ALHALEL

1 LA CURIEUSE LOI DE BENFORD OU UN MONDE PHYSIQUE AUTOSIMILAIRE THIERRY ALHALEL thierry.alhalel@laposte.net Résumé : On s’intéresse dans cet article au premier chiffre significatif d de grandeurs physiques telles que la densité, la solubilité ou la période radioactive des désintégrations β. Comme on va le voir, selon que ce chiffre est 1 ou 9, la probabilité de l’obtenir n’est pas la même. On tentera ensuite de donner une explication générale qui s’appliquera à l’ensemble du monde physique : l’autosimilarité. I- Introduction : C’est Simon Newcomb qui observa, semble-t-il le premier au XIXieme siècle, que les tables de logarithmes utilisées couramment à l’époque étaient plus tachées et usées au début qu’à la fin. Cela impliquait que les nombres dont on prenait le logarithme présentaient plus souvent un premier chiffre significatif (first digit) petit (1 ou 2) que grand (8 ou 9). Cela est bien sûr très surprenant, car le gros bon sens voudrait une probabilité identique pour chaque valeur que ce soit 1 ou 7, soit p’ = 1 / 9 = 0,11111… quel que soit la valeur d du premier chiffre significatif. Plus étonnant encore, cette constatation s’applique [1] à de nombreuses données physiques, y compris par exemple la surface des îles du Pacifique, ou mieux encore les sommes portées sur les talons de chèques, et ce quelle que soit l’unité utilisée : pouces carrés, centimètres carrés pour les surfaces, francs ou euros pour l’argent. Dans les années 1930 Franck Benford proposa une loi empirique pour coller à cette curieuse observation. Si on note d la valeur du premier chiffre significatif, la probabilité p d’avoir d lors d’une lecture s’écrit : ) 1 1 ( log10 d p + = Cela donne le tableau des probabilités : d 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Benford 0,301 0,176 0,124 0,0969 0,0791 0,0669 0,0579 0,0511 0,0457 Faux 0,111 0,111 0,111 0,111 0,111 0,111 0,111 0,111 0,111 Ce tableau montre qu’en moyenne il y a 47 % de chance de tomber au hasard sur d valant 1 ou 2, et 53 % de chance de tomber sur une valeur de d comprise entre 3 et 9 (inclus). On va montrer l’évidence de cette loi sur des exemples très différents, puis on tentera de donner une explication à un phénomène qui est bien plus qu’une curiosité. On étudiera successivement la période de désintégration radioactive β, la solubilité dans l’eau à 0 °C, la densité des corps organiques et inorganiques, et la succession des termes de la suite de Fibonacci. 2 II- Les désintégration β β β β+ et β- : On donne dans le tableau 1 suivant le symbole X du nucléide, son nombre de masse A, sa période radioactive t1/2 exprimée en seconde, puis le premier chiffre significatif (1er ) correspondant : Tableau 1 : désintégration β+ dans 45 exemples X I I I Xe Xe Xe Xe Te Te Te Sb Sb Sb Sb Sb A 121 122 124 118 119 120 123 115 116 119 112 113 114 115 116 t1/2 7560 210 3628 80 360 360 2400 7560 360 9000 5724 0 54 402 198 1860 3600 1er 7 2 3 3 3 2 7 3 9 5 5 4 1 1 3 X Sb Sn Sn Ag Ag Ag Ag Cd Cd Cd Rh Rh Rh Rh Pd A 117 109 111 103 104 106 108 103 105 107 97 98 99 100 98 t1/2 1008 0 1086 2100 3960 4020 1440 145 600 3300 2340 0 1920 522 1382 400 7200 0 1020 1er 1 1 2 3 4 1 1 6 3 2 1 5 1 7 1 X Pd Pd Mo Mo Mo Tc Tc Tc Ru Ru Zr Zr Zr Nb Sr A 99 101 88 89 91 92 93 94 93 95 86 81 87 90 81 t1/2 1320 3024 0 1620 420 929 264 9720 1758 0 50 6120 5940 0 600 5760 5256 0 1746 1er 1 3 1 4 9 2 9 1 5 6 5 6 5 5 1 Le tableau 2 récapitule la répartition chiffre par chiffre (ligne 1) du nombre d’occurrences (ligne 2), de la probabilité p (occurrence / total), et enfin de la comparaison à la loi logarithmique de Benford (ligne 4). On forme également le rapport (ligne 5) : Benford Benford p p p p R + − = qui permet de comparer les résultats obtenus avec ceux attendus par la loi logarithmique. les 45 exemples comptés voient leur premier chiffre significatif se répartir comme suit dans le tableau 2 : Tableau 2 : 1er chiffre significatif d : résultats sur 45 exemples 1er chif. d = 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Total Occur 13 5 8 3 7 3 3 0 3 45 Proba p 0.288 0.111 0.177 0.0666 0.155 0.0666 0.0666 0 0.0666 0,997 Loi log 0.301 0.176 0.125 0.0969 0.0792 0.0669 0.0579 0.0511 0.0457 0,9997 R -0.022 -0.23 +0.17 -0.18 +0.32 -0.0022 +0.067 -1 +0.19 Il apparaît clairement sur ces 45 exemples que la valeur du chiffre significatif d influe sur la valeur de la probabilité p. Cependant l’accord avec la loi de Benford : ) 1 1 ( log10 d p + = n’est qu’approximatif. Il convient donc d’augmenter les cas étudiés. Il serait fastidieux de dresser un tableau complet des différents nucléides, on donne donc ci dessous les résultats portant sur 120 exemples issus de [2] : 3 Tableau 3 : 1er chiffre significatif d : résultats sur 120 exemples β+ 1er chif. d = 1 2 3 4 5 6 7 8 9 total Occur 35 22 16 10 12 10 4 3 8 120 Proba p 0.292 0.183 0.133 0.083 0.1 0.083 0.033 0.025 0.066 0,998 Loi log 0.301 0.176 0.125 0.0969 0.0792 0.0669 0.0579 0.0511 0.0457 0,9997 R -0.015 +0.019 +0.031 -0.077 +0.11 +0.11 -0.27 -0.34 +0.18 -0,028 L’accord entre la loi de Benford et ces 120 exemples semble assez bon sur les chiffres significatifs 1 2 3 et comme on le visualiser sur le haut de la figure 1, qui compare chiffre à chiffre la probabilité p théorique selon la loi de Benford (barre pleine) à la probabilité obtenue expérimentalement (cercles). Figure 1 : Loi de Benford : désintégration β β β β 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 0.1 0.2 0.3 0.4 desintegration beta+ : 120 exemples 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 0.1 0.2 0.3 0.4 desintegration beta+ et - : 392 exemples Si les 3 premiers cas (1 2 et 3) correspondent bien à la loi logarithmique, le désaccord sur les valeurs suivantes de p est certainement lié au peu de valeurs obtenues pour 4 et au delà (de l’ordre de la dizaine), ce qui induit forcément des écarts à la loi de Benford. De façon à multiplier les exemples, on peut confondre radioactivités β+ et β-, et porter l’échantillon étudié à 392 cas. Les résultats se trouvent dans le tableau 4 et sont toujours issus de [2] : 4 Tableau 4 : 1er chiffre significatif : résultats sur 392 exemples 1er chif. d = 1 2 3 4 5 6 7 8 9 total Occur 112 56 58 35 37 35 18 20 21 392 Proba p 0.285 0.143 0.147 0.0892 0.0943 0.0982 0.0459 0.0510 0.0535 1,007 Loi log 0.301 0.176 0.125 0.0969 0.0792 0.0669 0.0579 0.0511 0.0457 0,9997 R -0.027 -0.10 +0.080 -0.041 +0.087 +0.19 -0.11 -0.098 +0.078 0,0065 Comme le montre le bas de la figure 1, il y a clairement une corrélation entre la valeur numérique du premier chiffre significatif et le nombre de fois où il apparaît sur les 392 cas pris au hasard dans les tables de [2]. La correspondance n’est pas parfaite bien sûr, il conviendrait d’avoir un échantillon plus grand (ce que l’on fera dans un cas particulier au paragraphe V). On peut cependant être intrigué par ce résultat et voir si on a un comportement semblable pour d’autres données physiques. On peut aussi observer les valeurs de R entre les tableaux 3 et 4 : le nombre de cas étudiés diminue les écarts entre les observations et la loi de Benford. La valeur de R dans la colonne total est la moyenne des valeurs de R de d= 1 jusqu’à d=9. III- La solubilité des solutés dans l’eau froide ( à 0 °C) : Cette deuxième série de données est toujours issue de [2]. Il s’agit de la solubilité s de divers solutés inorganiques, dans l’eau à 0 °C, exprimée en grammes pour 100 cm3 d’eau. Donnons juste un exemple : le sulfate de rubidium RbSO4 : s = 9,3 g / 100 cm3 On trouve dans le tableau 5 les résultats condensés, du chiffre significatif d= 1 au chiffre significatif 9 : Tableau 5 : 1er chiffe significatif : résultats synthétiques concernant la solubilité s pour 207 cas 1er chif. d = 1 2 3 4 5 6 7 8 9 total Occur 62 34 30 22 21 uploads/Sante/loi-de-benford-le-premier-chiffre-significatif.pdf

  • 35
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Mai 29, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.0920MB