7 les pratiques linguistiques, qu’il s’agisse par exemple de l’arrière-plan his
7 les pratiques linguistiques, qu’il s’agisse par exemple de l’arrière-plan historique du lexique, des expressions, des genres discursifs ou qu’il s’agisse des conventions collectives d’usage de la langue (règles de prise de parole, énoncés ritualisés, connotations des variétés et « registres » de la langue, etc.). 3. Définition didactisée de l'identité culturelle et linguistique 3. 1. Nous retiendrons, dans notre approche, en première approximation, les définitions suivantes : Une culture est un ensemble de schèmes interprétatifs, c’est-à-dire un ensemble de données, de principes et de conventions qui guident les comportements des acteurs sociaux et qui constituent la grille d’analyse sur la base de laquelle ils interprètent les comportements d’autrui (comportement incluant les comportements verbaux, c’est-à-dire les pratiques linguistiques et les messages). Cette définition inclut la culture comme connaissance (les données) mais y ajoute une dimension concrète et active, en mettant l’accent sur la mise en œuvre de la culture lors des interactions. Une identité (ici culturelle) est un sentiment d’appartenance collective (donc, d’appartenance à un groupe), conscient de la part de l’individu et du groupe, reconnu par le groupe et, de l’extérieur, par d’autres groupes (qui s’en distinguent alors). Il n’y a d’identité que souhaitée, acceptée, assumée. Une identité est un processus, en construction et en évolution constantes, toujours ouvert et adaptable, qui n’établit pas de frontière étanche entre les groupes, dont les caractéristiques identitaires (notamment culturelles) se recoupent en partie. Elle se manifeste par des indices emblématiques, notamment linguistiques, mais pas uniquement. Enfin, chaque individu et chaque groupe sont toujours porteurs d’appartenances multiples, d’identités multiples, qui se recoupent ou s’englobent partiellement, dans une ensemble complexe et nuancé. Il n’y a pas nécessairement une correspondance exclusive et totale entre identité culturelle et identité linguistique, même si la plupart des différences culturelles se manifestent par des différences linguistiques (entre langues différentes ou variétés diverses d’une même langue). 3. 2. L’identité culturelle Concept polymorphe, que se partagent tant les approches scientifiques que les connaissances ordinaires, l’identité est un donné complexe à appréhender, en raison à la fois de sa transversalité disciplinaire et des rapports dialectiques qui fondent les réseaux conceptuels auxquels elle peut être associée. Nombreuses sont les disciplines qui balisent le continuum allant des expériences singulières qui fondent l’identité personnelle aux affiliations collectives qui catalysent la 8 construction sociale de l’identité. Les approches de la philosophie, de la psychologie ou de l’anthropologie – dont se sont inspirés des historiens, des linguistes, des sociologues, des juristes et d’autres spécialistes des sciences humaines – nous aident à mieux comprendre cette interaction entre mécanismes psychologiques et facteurs sociaux qui est constitutive du processus identitaire. Une constante se manifeste à travers toutes ces approches : le caractère « paradoxal » de l’identité. De l’affirmation d’Héraclite soulignant qu’il n’est pas possible de se baigner deux fois dans le même fleuve à l’aphorisme rimbaldien : « je est un autre », on ne compte plus les formules soulignant que cette identité est construite par la confrontation du même et de l’autre, de la similitude et de l’altérité. À tel point qu’Edgar Morin a consacré l’intégralité du tome 5 de La Méthode à « l’identité humaine », à laquelle il applique une nécessaire « pensée complexe » (Morin, 2001)1. D’autres rapports dialectiques fondent la dynamique identitaire. Ils invitent à considérer l’identité comme un processus en cours plutôt qu’un donné figé, et à privilégier ainsi une approche constructiviste plutôt que la vision essentialiste (ou substantialiste) qui prévalait naguère. Après avoir examiné quelques concepts qui organisent les dimensions affectives, sociales et cognitives de la construction identitaire, nous aborderons la question des rapports entre identité et culture. Nous élargirons ensuite la réflexion à l’interculturalité, contexte privilégié pour l’émergence d’identifications complexes, dans lequel nous évoquerons la question des rapports entre langues et identités collectives. La construction identitaire Dans son ouvrage Soi-même comme un autre, Paul Ricœur, rompant avec le je souverain et transparent de Descartes – un je qui pense (Cogito, ergum sum) et qui a de lui-même une intuition immédiate –, pose un soi ancré dans l’histoire, dont nous n’avons qu’une connaissance indirecte (par les signes, les symboles, les textes, etc.). L’identité du soi, à l’épreuve de l’histoire, conjugue permanence et changement. Certains traits sont stables : ainsi en est-il du caractère, défini par Ricœur comme « l’ensemble des marques distinctives qui permettent de réidentifier un individu humain comme étant le même » (Ricœur, 1990, p. 144). D’autres, par contre, peuvent être modifiés au cours de l’existence du sujet, en fonction des projets dans lesquels celui-ci s’inscrit, et au sein desquels la permanence prend alors la forme d’une fidélité à des engagements : le maintien de soi dans la parole donnée. Selon la terminologie de Ricœur, le pôle idem est caractérisé par l’immutabilité dans le temps, tandis que le pôle ipse ouvre au changement, au différent. Il y a là deux modes différents d’inscription dans la temporalité, indissociables, qui constituent l’identité du sujet. L’identité d’un 1 Les références bibliographiques d’appui figurent en fin du cours. 9 personnage est donc son histoire, laquelle n’est accessible qu’à travers la médiation d’un récit. C’est pourquoi Ricœur parle d’identité narrative (ibid., p. 175). Le soi ne s’appréhende qu’à partir de l’autre (que soi). Cette structuration par l’altérité est bien sûr au cœur de l’interaction verbale, là où le je institue le tu, et réciproquement : « Quand je dis ‘tu’, je comprends que tu es capable de te désigner toi- même comme un ‘je’. » (Ricœur, 1993, p. 92) ; on trouve une formulation analogue chez Émile Benveniste (Benveniste, 1976, p. 263) pour qui c’est « l’installation de la subjectivité dans le langage qui crée la catégorie de la personne ». Cette réciprocité dans la relation – une des différences fondamentales entre Ricœur et Lévinas, lequel propose une approche asymétrique qui confère à autrui une priorité sur le sujet (Gilbert, 2001, pp. 198- 99) – n’est qu’une des formes de la nécessaire prise en compte de l’altérité dans la construction de l’identité personnelle. Plus généralement, on peut dire que cette altérité est à la fois condition et instrument de la dynamique identitaire. L’individuel et le collectif Le rapport dialectique entre le même et l’autre interfère avec un rapport similaire entre l’individu « singulier » et la collectivité. D’une part, l’identité repose sur une affirmation du moi, sur une individuation qui rend l’homme « unique », différent des autres. D’autre part, elle renvoie à un nous, caractérisé par une série de déterminations qui permettent à chaque moi de se positionner par rapport à un « même autre », de se reconnaître dans une série de valeurs, de modèles, d’idéaux véhiculés par une collectivité à laquelle on s’identifie. L’identité comporte, nous l’avons vu, une série de traits – certains, stables ; d’autres, modifiables – qui constituent l’histoire du sujet. Elle comporte également des dimensions cognitives et sociales, liées à la capacité de catégorisation qui nous permet de trouver nos marques dans l’environnement où nous évoluons. L’organisation du monde en « groupes sociaux » a pour conséquence des relations d’inclusion/exclusion qui sont à la base de l’identité sociale, entendue comme la partie du soi qui provient de la conscience qu’a l’individu d’appartenir à un groupe […], ainsi que la valeur et la signification émotionnelle qu’il attache à cette appartenance (Tajfel, 1981, p. 63). Chaque individu possède autant d’identités que d’appartenances, ou, plus précisément, de « sentiments d’appartenance » : la construction identitaire repose sur des perceptions (catégorisations) qui déterminent des appartenances plurielles, simultanées et/ou successives. L’affiliation à un groupe donné sera déterminée par comparaison avec d’autres groupes, sur la base de critères variés (nationalité, langue, profession, sexe, etc.) qui permettent d’évaluer le statut du groupe d’appartenance (endo-groupe) par rapport aux autres groupes. Lorsque la comparaison est favorable à l’endo-groupe, l’identité sociale de l’individu est positive ; par contre, lorsque l’endo-groupe est évalué uploads/Societe et culture/ approche-culture-cm.pdf
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- Publié le Apv 18, 2022
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