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Tous droits réservés © Laval théologique et philosophique, Université Laval, 1996 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 29 nov. 2020 15:53 Laval théologique et philosophique De la culture aux cultures. Délimitations d’un concept pluri-sémantique Yves Laberge Foi et Raison Volume 52, numéro 3, octobre 1996 URI : https://id.erudit.org/iderudit/401024ar DOI : https://doi.org/10.7202/401024ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Faculté de philosophie, Université Laval ISSN 0023-9054 (imprimé) 1703-8804 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Laberge, Y. (1996). De la culture aux cultures. Délimitations d’un concept pluri-sémantique. Laval théologique et philosophique, 52 (3), 805–825. https://doi.org/10.7202/401024ar Laval théologique et philosophique, 52, 3 (octobre 1996) : 805-825 DE LA CULTURE AUX CULTURES. DÉLIMITATIONS D'UN CONCEPT PLURI-SÉMANTIQUE* Yves LABERGE RÉSUMÉ : Le terme « culture » correspond à de si nombreuses définitions qu'il conviendrait de le préciser avant d'étudier ces différentes applications selon les disciplines. Le texte qui suit pré- sentera, à la suite des travaux de Eernand Dumont, Abram Kardiner et Edgar Morin, quelques articulations autour de certains termes, comme ceux de cultures savante et populaire, cultures première et seconde, culture de masse et contre-culture. Cette contribution servira à mieux comprendre la dynamique de ces différentes formes de culture en philosophie, en anthropolo- gie, en sciences de la communication et en sociologie. Nous donnerons finalement quelques pistes d'utilisation des résultats de cette réflexion. SUMMARY : The term "culture" has so many definitions that its precise meaning must be deter- mined before its different uses in a variety of disciplines can be studied. The following text is guided by the works of Fernand Dumont, Abram Kardiner and Edgar Morin ; it considers such terms as popular and learned culture, primary and secondary culture, mass culture and counter-culture, and attempts to shed light on those different forms of culture in philosophy, anthropology, communication science and sociology. I. UNE VISION ANTHROPOLOGIQUE DE LA CULTURE 1. Les multiples facettes de la culture L e mot « culture » revient si fréquemment dans notre vocabulaire qu'il faut, afin de résister au risque de malentendu ou de surcharge sémantique, préciser d'entrée de jeu le sens particulier que l'on choisit de lui accorder. Alors que les so- ciologues ont tendance à subdiviser la culture en plusieurs catégories souvent oppo- sées et plus ou moins floues (par exemple culture d'élite, de masse, ou culture sa- * Je tiens à remercier les professeurs Andrée Fortin, François Demers et Simon Langlois, ainsi que les éva- luateurs anonymes de la revue Laval théologique et philosophique de leurs commentaires. 805 YVES LABERGE vante et culture populaire), on remarque que de leur côté les anthropologues considè- rent plus globalement la notion de culture, mais qu'ils retiennent simultanément plu- sieurs définitions du terme. Pour s'en convaincre, on cite parfois l'ouvrage des an- thropologues américains Alfred Louis Kroeber et de Clyde Kluckhorn, intitulé Culture : A Critical Review of Concepts and Definitions (1952), qui recense plus d'une centaine de définitions différentes de ce même concept. Plus récemment, le politicologue français Philippe Bénéton a lui aussi consacré une thèse de doctorat (Bénéton, 1975) aux diverses acceptions du mot culture, selon les disciplines des sciences humaines. Le présent texte présentera d'abord une vision anthropologique du concept de culture, pour ensuite explorer quelques-unes des distinctions et oppositions proposées par des sociologues contemporains qui ont suggéré des catégorisations originales autour de ce même concept. Nous nous pencherons sur les travaux de Fernand Du- mont (portant sur ce qu'il nomme la « culture première » et la « culture seconde », puis sur la culture savante et la culture populaire), d'Edgar Morin (sur la culture de masse), et finalement de Jean-Louis Harouel (sur la culture et les contre-cultures). Ce bref parcours ne vise évidemment pas l'exhaustivité, mais veut permettre une meilleure compréhension du phénomène de la culture, à partir de quelques études fondatrices sur le sujet. 2. De la culture en général à la culture dualiste Face à la nécessité de définir le concept de culture, on peut rencontrer deux pro- blèmes épistémologiques. On pourrait formuler ce problème en quelques mots : ou bien « tout est culture », ou bien la culture doit correspondre à des critères très précis, au risque d'exclure de nombreux cas limites. Comme on le sait, une multitude d'acti- vités humaines peuvent se ranger sous l'égide de ce que l'on nomme communément la « culture ». La définition qui regrouperait toutes ces manifestations semblerait à première vue impossible à synthétiser. On a l'impression que la culture désigne à elle seule un ensemble si vaste de connaissances et de considérations, que l'on croirait parfois en la nécessité de créer deux concepts, au lieu d'un seul, afin d'englober tou- tes ses ramifications. Ces distinctions nous forcent souvent, comme nous le verrons plus loin, à devoir considérer une culture « vraie », digne de ce nom, et une autre, nommée « sous-culture », « contre-culture » ou autrement, qui en serait irrévocable- ment exclue. L'autre solution serait de construire une définition unificatrice de la culture, mais si étoffée, si précise, ou si lourde de contenu, que l'on se demanderait à la limite ce qui n'en ferait pas partie. On comprendra donc qu'il devient difficile d'imposer une définition unique de la culture, mais nous pouvons néanmoins exami- ner quelques-unes des nombreuses acceptions de ce terme. Nous pouvons néanmoins proposer d'entrée de jeu deux définitions opératoires de la culture, tirées d'un long article d'un ouvrage de référence capital, de plus de 2 000 pages, intitulé Les Notions philosophiques (Auroux, 1990). Ainsi, dans un pas- sage de l'article de ce dictionnaire encyclopédique sur le sujet, la culture serait de fa- çon générale définie comme étant la « totalité humaine accumulée et socialement 806 DE LA CULTURE AUX CULTURES. DÉLIMITATIONS D'UN CONCEPT PLURI-SÉMANTIQUE transmise » (Rivière, 1990: 530). Par contre, pour l'anthropologue anglais Edward Burnett Tylor (1832-1917), présenté dans le récent Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie comme «l'un des deux principaux fondateurs de l'anthropologie» (Izard et Jamin, 1991 : 722), la culture correspondrait à « ce tout complexe qui inclut les connaissances, les croyances religieuses, l'art, la morale, le droit, les coutumes et toutes les autres capacités et habitudes que l'homme acquiert en tant que membre de la société» (Tylor, 1871, cité dans Rivière, 1990: 529). Cette définition, publiée pour la première fois dans le livre de Tylor intitulé Primitive Culture (1871), qui est considéré par Izard et Jamin (1991 : 722) comme le premier traité d'anthropologie générale jamais écrit, démontre comment certains chercheurs ont tenté, dès les débuts de l'anthropologie, de désigner le plus précisément possible tout ce que peut com- prendre le concept de culture. Mais comme nous le verrons plus loin, les anthropolo- gues et les sociologues s'entendent au moins sur un point : la culture constitue un concept parfois insaisissable. Avant de proposer une définition de la culture, le sociologue français Edgar Mo- rin signale tout d'abord la difficulté de cerner ce que celle-ci peut comprendre (et ex- clure) : « la notion de culture est sans doute en science sociale la moins définie de toutes les notions ; tantôt elle englobe tout le phénomène humain pour s'opposer à la nature, tantôt elle est le résidu où se rassemble tout ce qui n'est ni politique, ni éco- nomique, ni religieux » (Morin : 677). Une fois cette mise en garde clairement énon- cée, Edgar Morin relie le concret et l'abstrait, pour faire comprendre le rôle et les mécanismes de la culture, «[...] qui structure et oriente les instincts, construit une représentation ou vision du monde, opère l'osmose entre le réel et l'imaginaire à tra- vers symboles, mythes, normes, idéaux, idéologies. Une culture fournit des points d'appui et d'incarnation pratiques à la vie imaginaire, des points d'issue et de cristal- lisation imaginaires à la vie pratique » (Morin : 677). Par ailleurs, dans le récent Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie (1991), l'anthropologue français Michel Izard précise, dans son important article sur la culture (Izard, 1991 : 190), la distinction essentielle entre les cultures plurielles et la culture au singulier, en expliquant que « dans le langage de l'anthropologie, le mot "culture" a deux acceptions principales, qui ne sont d'ailleurs pas séparables l'une de l'autre, selon que l'on évoque "la" culture en général ou les formes collectivement pensées et vécues dans l'histoire : on parle alors "des" cultures » (Izard, 1990 : 190). Cette remarque nous permet de confirmer une partie du problème épistémologique qui nous intéresse, et s'ajoute aux quelques mises en garde déjà posées. 3. Note sur la culture et la civilisation Les dichotomies que l'on peut remarquer dans les différentes catégorisations de la culture deviennent stimulantes pour le uploads/Societe et culture/ culture-savante-et-culture-populaire.pdf

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