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Dumasy Alexandre Simples lettres sur l'art dramatique t ::Ltîi-ii:?^A*^-._<S> «A^»^,'^'/?»', SIMPLES LETTRES -«^ggi L'AKT DRAMATIQUE llexaudrc Damas. BRUXELLES. SOCIÉTÉ BELGE DE HBKAIltU: - - / SIMPLES LETTRES L'ART DRAMATIQUE. »MP. I)K IIADAIAH KT C». — DKLTOMBR, GÉRANT. Kue «iii Nord, il. SIMPLES LETTRES L'ART DRÂMÂTIOUE ^Ikiranîïre IDumas, BRUXELLES. SOCIÉTÉ BELGE DE LIBRAIRIE HlVllAII ET <.*. 1845 Prrmifrf C^ttrr. .m^ PREMIERE LETTRE. A. m. ». li., Hédacteuf de In Déhocbatib pacifique. Mon ami, Dans vos feuilletons du 10 septembre, du 115 octobre et du 10 novembre, vous me faites un triple appel. J'avais résolu de ne pas répon- dre au premier ; j'avais maintenu ma résolution après avoir lu le second; vous insistez, je cède au troisième. J'y cède, je vous le jure, à regret, à contre- cœur; comme on cède aux instances d'un ami 4 PREMIÈRE LETTRE. qui, au milieu d'un accès de fausse gaieté, nous demande la cause de noire tristesse. Vous avez le droit d'interroger, j'ai perdu celui de ne pas répondre. Ne voyez donc dans ma lettre ni récrimina- tions, ni plaintes. Voyez des faits et pas autre chose. Je ne désire rien, je ne demande rien, je n'ac- cuse personne; je fais le procès-verbal de l'art en l'an de grâce 1844, voilà tout. Est-il mort? Est-il vivant? Demandez à ceux qui lui appuient un oreiller sur la bouche, comme fait le More Othello à la blanche Des- démona. Oui, vous avez raison; c'était un beau temps que celui où, riche de jeunesse, d'espérances, et j'oserai presque dire d'avenir, toute une gé- nération se précipitait à notre suite, par la brè- che qu'avaient ouverte Henri III, Hernani et la Maréchale d'Ancre. Ce fut une belle nuit que celle qui nous réunit tous les trois, Hugo, de Vigny et moi, pour faire en commun, après la première représentation de Christine, les cor- PHEMIÈliE LETTRE. 5 rections indiquées par le public. A cette heure, nous étions frères, qui donc nous a faits rivaux? Hélas! mon ami, la force des choses, les évé- nements, les hommes. Si les trois poêles qui ont fait Marion De- lorme, Chatterton et Antony se taisent, c'est que tant de dégoûts les ont abreuvés sur la route du théâtre, qu'ils ont été contraints ou de garder le silence, ou de se créer une autre tribune. Attaquons les choses de haut : disons ce que les autres n'osent dire; interrogeons la majesté royale, inviolable en matière politique, mais responsable en matière d'art. Du moment où il y a un gouvernement, l'art ne peut échapper à l'influence de ce gouverne- ment, quel qu'il soit; car le gouvernement tient d'une main les faveurs qui poussent en avant, de l'autre les rigueurs qui rejettent en arrière. Pour que l'art prospère dans un empire, dans un royaume ou dans une république, il faut que le chef du gouvernement, empereur, roi ou con- sul, aime l'ai t ou fasse semblant de l'aimer. Louis XIV aimait les poêles; Louis XV ne les 1. 6 PREMIÈRE LETTRE. aimait pas, mais il les craignait, ce qui revient presque au même. Le roi Louis-Phi Tippe ne les aime ni ne les craint; c'est un des progrès les plus sensibles du gouvernement constitutionnel. Qui sait si Sbakspeare, Molière et Schiller eussent existé sans Elisabeth, sans Louis XIV et sans le duc de Weymar. Jetez les yeux avec moi sur le privilège donné en i 67:2 à LuUy pour tenir académie royale de musique. « Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut : « Les sciences et les arts étant les ornements les plus considérables des États, nous n'avons point eu de plus agréable divertissement depuis que nous avons donné la paix à nos peuples, que de les faire revivre en appelant près de nous tous ceux qui se sont acquis la réputation d'y exceller, non-seulement dans l'étendue de notre royaume, mais aussi dans les pays étran- gers; et, pour les obliger davantage de s'y per- fectionner, nous les avons honorés des marques de notre estime et de notre bienveillance, » PREMIÈRE LETTRE. ^ Maintenant, lisez le privilège de TOpéra, donné en 1831 à M. Véron, et dites-moi s'il a été signé par des considérations analogues. Ouvrons au hasard le registre des gratifica- tions accordées par Louis XIV en 1665, et voyons, entre le nom du pensionnaire et le chif- fre de la pension, la note inscrite de la propre main du roi. Au sieur Corneille. — En con- sidération des beaux ouvrages qu'il a donnés au Ihéâlre, et pour lui donner moyen de les continuer, 2,000 livres. Au sieur Molière.— Par grati- fication, et pour lui donner moyen de continuer son application aux belles-lettres, 1,000 Au sieur Racine. — Pour lui donner une marque de l'estime que Sa Majesté fait de son mérite, 600 Croyez-vous que ces notes, écrites de la main du roi, n'aient pas été, pour les poètes dont il est ici question, un encouragement plus réel que les sommes comptées par le trésorier. s PREAIIÈRE LETTfiE. En échange de ces 3,600 livres , Corneille rendait au roi Olhon, Molière, Tartufe, et Ra- cine, [phygénie. — Croyez-vous que le roi, qui, grâce aux grands hommes qui l'entouraient, fut appelé le grand roi, ne gagnait pas quelque chose sur eux, dites? Mais la question n'est pas encore enfermée dans la gratification d'argent ou dans TencoU' rageraent d'amour propre. Tout ce que nous demanderions à la cour, puisqu'il y a une cour, ce serait un simple mou- vement de curiosité. La curiosité peut encore ressembler à de la protection. Mais, du moment où il n'y a ni sympathie ni curiosité, tout théâtre royal est perdu. Or, il y a à Paris deux théâtres royaux, les seuls sur lesquels on puisse réellement faire de l'art : le Théâtre-Français et le théâtre de l'Odéon. Ces deux théâtres sont dans la main du mi- nistère, qui est lui-même dans la main de la chambre. Attendez/ nous marchons de déductions en déductions, et nous ferons la part de la chambre. PBEMIÈRE LETTRE. 9 Le roi n'ayant pour l'art ni sympathie ni cu- riosité, le ministre a le" droit d'être indifférent. Heureux quand il ne se croit pas obligé d'être hostile. Nous ne parlons pas ici d'un ministre en par- ticulier; nous parlons des ministres en général. Les ministres sont les reflets de la pensée royale. Croyez-vous que Colbert et Louvois ai- maient les hommes de lettres? non; mais Louis XIV les aimait, et Colbert et l.ouvois se firent les protecteurs de l'art, car protéger l'art à cette époque c'était flatter le maître. Fouquet les aimait, lui... Mais déjà en rivalité avec Fouquet pour M"" de Lavallière, Louis XIV ne voulut pas l'être encore pour Molière et Ra- cine. Il envoya Fouquet à la Bastille. Il avait compris que M'^" de Lavallière pouvait le faire heureux, mais que Molière et Racine le feraient grand. Il fut donc plus jaloux de Molière et de Racine qu'il ne l'avait été de M"'= de Laval- lière. Louis XIV tenait à ce qu'on dit, en parlant du dix-septième siècle : le siècle de Louis XIV. 10 PREMIÈRE LETTRE. Maintenant, à quoi bon tenir à quelque chose? Le xix^ siècle est déjà' nommé. 11 s'appelle le siècle de Napoléon. Donc, comment voulez-vous que l'art pros- père, quand on est obligé de s'avouer que c'est un bonheur de trouver le ministre indifférent. Or, le ministre indifférent, s'il a un agent à nommer près des théâtres royaux, les seuls, nous l'avons dit, où l'on puisse faire de l'art, il nomme un agent qui remplisse ses vues parti- culières et non qui réponde au besoin général. Pourquoi se génerait-il? Il est certain que le contrôle suprême ne viendra point défaire ce qu'il a fait; il ne sera ni approuvé ni blâmé, car celui qui a le droit de blâme ou d'approba- tion ne daignera pas même s'occuper de ce que le ministre fait pour ou contre une chose aussi peu importante que l'art. Voilà pourquoi le théâtre de l'Odéon n'a que soixante mille francs de subvention, et pour- quoi M. Buloz est commissaire du roi près le Théâtre-Français. Occupons-nous d'abord du théâtre de l'Odéon; PREMIÈRE LETTRE. H nous passerons ensuite au Théâtre-Français. Le théâtre de TOdéon a obtenu à grand'peine de la chanabre, — celte fois la faute n'est pas au ministre,— une subvention de 60,000 fr. L'Odéon paye par an 215,000 francs aux hos- pices et 25,000 francs aux auteurs. C'est donc i 0,000 francs nets que lui accorde la munifl- cence de la chambre. Huit cent trente-trois francs trente-trois centimes par mois. Ce n'est pas, on en conviendra, la peine de réunir 450 députés pour arriver à un pareil résultat. Et cependant, écoutez bien. L'Odéon est le contre-poids nécessaire du Théâtre-Français. L'Odéon ramasse ce que son dédaigneux con- frère laisse tomber. Les Vêpres siciliennes, Christine et Lucrèce, refusées au Théâtre-Français, ont été jouées à rOdéon. Sans l'Odéon, elles n'eussent pas été jouées. Peut-être dira-t-on qu'il n'y aurait pas eu grand mal à cela. Mais vous uploads/Societe et culture/ alexandre-dumas-simples-lettres-sur-l-x27-art-dramatique-1845.pdf

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