SOCIÉTÉ D'INITIATION, SOCIÉTÉ SAVANTE ET SOCIÉTÉ DE SAVOIR Harris Memel-Fotê Pr

SOCIÉTÉ D'INITIATION, SOCIÉTÉ SAVANTE ET SOCIÉTÉ DE SAVOIR Harris Memel-Fotê Presses Universitaires de France | « Diogène » 2002/1 n° 197 | pages 59 à 64 ISSN 0419-1633 ISBN 9782130526704 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-diogene-2002-1-page-59.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Si la connaissance, notion ambiguë en langue française, consiste en une activité sociale d’appropriation personnelle et objective des choses, autant qu’en résultat de cette activité, le savoir, lui, paraît plus impersonnel et plus général. L’archéologue des sciences hu- maines la définit comme un domaine, objet de la pratique discur- sive, comme un espace dans lequel le sujet peut se positionner pour parler de ses objets, comme un champ de coordination et de subor- dination des énoncés, comme possibilités d’utilisation et d’appro- priation offertes par le discours. Le savoir peut déterminer la connaissance comme il peut être la résultante ou le produit de cette connaissance. On peut distinguer, en ce sens, trois grands types de savoir : un savoir pré-moderne, de caractère plus ou moins méta- physique et religieux, un savoir moderne et un savoir post-moderne de caractère scientifique et philosophique. Or, dans toutes les sociétés humaines connues, trois traits ca- ractérisent la connaissance. D’abord, y sont manifestes plusieurs formes et modes de connaissance ; ensuite, une hiérarchie ordonne ces formes ; enfin, ces formes évoluent vers la prépondérance d’une forme sur les autres. Cette caractéristique anthropologique est bien illustrée par les sociétés du tiers monde, en général, et par les sociétés de l’Afrique contemporaine, en particulier. Dans tous ces cas, le premier pro- blème est de savoir quelles formes de connaissance y sont identi- fiables ; le second problème concerne la hiérarchie qui ordonne ces formes et la signification de cette hiérarchie ; le troisième problème a trait, d’une part, à la forme prépondérante de connaissance, et d’autre part, à la différence qui existe entre cette forme de connais- sance et la société de savoir, horizon de l’UNESCO et rêve des hommes libres. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/09/2020 sur www.cairn.info (IP: 160.154.150.12) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/09/2020 sur www.cairn.info (IP: 160.154.150.12) HARRIS MEMEL-FOTÊ 60 Les formes de connaissance identifiables À des degrés divers, toutes les formes de connaissance connues dans l’expérience humaine actuelle se retrouvent dans les sociétés de l’Afrique contemporaine : – l’initiation à travers les sociétés d’initiation ; – la science à travers les sociétés savantes et les universités ; – la philosophie à travers les mêmes institutions ; – la technique scientifique à travers la société industrielle ; – le savoir à travers la société post-industrielle. L’initiation D’abord, l’initiation est une institution de formation, dominante dans tous les types de sociétés anciennes : en Afrique, en Europe, en Asie, dans le Pacifique ; ensuite, l’initiation qui introduit le néo- phyte dans l’enseignement ésotérique suppose le secret ; c’est pourquoi l’étude des sociétés secrètes ou l’étude des rites secrets est synonyme de l’étude de l’initiation ; enfin, mode de révélation qui récapitule l’histoire sacrée de la tribu et du monde, l’initiation perpétue les inégalités sociales, en assurant aux initiés un pouvoir dans la société, grâce à la possession et à la manipulation d’un savoir et d’un savoir-faire. La science Alors que l’initiation est l’acquisition d’une connaissance plus ou moins sacrée, la science, en sa forme moderne, est une activité sociale profane, objective et expérimentale, qui, progressivement, est passée du domaine idéal, objet des sciences exactes, à la nature, à la société, à la culture, à l’homme. Elle est contemporaine des grandes mutations historiques, dans l’ordre moral (ordre touchant aux droits et aux devoirs de la personne humaine), dans l’ordre politique (ordre touchant à l’organisation de la cité et à la démocra- tie) et dans l’ordre social et économique (ordre touchant aux rap- ports de production, au travail et à la répartition des richesses). La philosophie En tant que savoir raisonné qui donne un sens au monde et à l’existence humaine, la philosophie a accompagné le développe- ment de la science moderne. Comme cette dernière, elle s’est diver- sifiée selon ses objets : philosophie mathématique, philosophie bio- logique, philosophie sociale, etc. La technique scientifique Dans la société industrielle, la technique, ordre des savoirs- faire, s’est greffée sur l’activité scientifique, s’est élargie et s’est développée dans tous les domaines : © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/09/2020 sur www.cairn.info (IP: 160.154.150.12) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/09/2020 sur www.cairn.info (IP: 160.154.150.12) SOCIÉTÉ D’INITIATION, SOCIÉTÉ SAVANTE... 61 - agriculture, eaux, faune, commerce, jeux, culture, etc. La hiérarchie relative Par hiérarchie, j’entends ici l’ordre de prépondérance sociale dans lequel apparaissent et s’ordonnent les formes de connais- sance. Cette prépondérance peut être sociologique, quand la forme de connaissance est exercée, soit par une grande masse d’acteurs dans la société globale, soit par un groupe qui domine l’ensemble de la société selon le critère de l’efficacité technique ou de l’efficacité politique. Cette prépondérance peut être aussi tempo- relle, c’est-à-dire, soit historique, lorsqu’on considère la chronologie des formes de la connaissance, soit prospective, lorsque les hommes jouent sur le futur de la société pour déterminer et informer l’actualité présente. Dans ces deux acceptions, on peut distinguer : - une hiérarchie avancée dans les sociétés post-industrielles - une hiérarchie inachevée dans les sociétés pré ou proto- industrielles. L’une et l’autre hiérarchies sont dites relatives au sens où dans l’histoire contemporaine elles ne sont pas définitivement fixées et peuvent évoluer, la prépondérance sociale passant d’une forme à l’autre de la connaissance. a) La hiérarchie avancée Telle est la hiérarchie dans les sociétés contemporaines, indus- trielles et démocratiques, lorsque les connaissances y sont parta- gées par le plus grand nombre et proches de la vie. Dans l’Europe occidentale contemporaine, existe bel et bien une connaissance fondée sur l’initiation. La franc-maçonnerie, qui a des racines jusque dans la tradition égyptienne, et la rose-croix y ont encore des succès, même si elles ne sont pas dominantes dans la société. C’est dans cette Europe que toutes les sciences modernes, sciences exactes et naturelles, sciences sociales et humaines, ont pris nais- sance, se sont développées dans une multitude d’universités et de centres de recherche, diffusant à travers tout l’œcumène. C'est ici que les sociétés savantes sont nées et ont fleuri, soit sous forme d’écoles professionnelles supérieures, soit sous forme d’académies, au sens théorique. Ici, dans ces sociétés démocratiques, se trouve l’épicentre du savoir philosophique moderne. Ici, l’industrialisation a fleuri et a atteint son paroxysme avec les ravages multiformes infligés à l’environnement et les menaces de déshumanisation de l’homme. Ces conséquences sont telles que l’industrialisation subit à son tour le mouvement de critique radicale et de révolution des écologistes ; c’est de cette expérience post-industrielle de l’Europe occidentale qu’est né le programme avancé d’une société de savoir. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/09/2020 sur www.cairn.info (IP: 160.154.150.12) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/09/2020 sur www.cairn.info (IP: 160.154.150.12) HARRIS MEMEL-FOTÊ 62 b) La hiérarchie inachevée Dans les sociétés du tiers monde, en général, et dans les socié- tés de l’Afrique contemporaine, en particulier, la prépondérance recherchée aujourd’hui est celle de la technique scientifique, ex- pression de la société industrielle. L’initiation Si, avant les colonisations, l’initiation a dominé ces sociétés comme principal mode de formation, il n’en est plus de même au- jourd’hui. Certes, elle existe encore dans les milieux ruraux, mais précarisée, d’une part, par l’exode rural qui lui soustrait une partie de sa population et, d’autre part, par la déportation culturelle qu’a constitué l’école d’inspiration coloniale. Sauf, lorsqu’elles se sont totalement et définitivement effondrées, on trouve encore dans les campagnes les mêmes structures de formation que par le passé. Telles sont, chez les Bambara et Malinké, le n’domo des incir- concis, le komo des circoncis, le korê des initiés accomplis. Cette formation, destinée à arracher l’être humain à l’animalité pour l’élever à la dignité de la personne accomplie dans et uploads/Societe et culture/ dio-197-0059.pdf

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