Le dynamisme du terme gastronomique dans le contexte littéraire : difficultés d

Le dynamisme du terme gastronomique dans le contexte littéraire : difficultés de traduction Résumé : Dans notre communication, nous nous proposons d’analyser trois hypostases du terme spécialisé gastronomique dans le contexte littéraire. Allant d’un degré de spécialisation réduit, qui assimile le terme au texte littéraire, à une étape intermédiaire, qui intègre le terme dans le fil narratif et, finalement, à un degré de technicité très élevé, les termes gastronomiques de notre analyse seront classifiés et illustrés à base des exemples du corpus et en fonction des stratégies de traduction, embrassées par les traducteurs. Porteur de riches significations implicites, le culturème gastronomique est censé transporter la même valeur symbolique lors du passage dans un autre espace socio-culturel et linguistique. Mots-clefs: traduction spécialisée, traduction culturelle, culturème, termes gastronomiques, analyse comparative. 1. Aperçu historique de la terminologie agro-gastronomique Le début du développement de la terminologie agronomique est placé après la libération du commerce roumain du monopole turque aux XIIIe-XIXe siècles. En 1796 un traducteur anonyme souligne l’importance de l’enrichissement des méthodes de travail dans l’agriculture, en prenant comme modèle les peuples plus civilisés (cf. Ursu, 39). L’intérêt pour l’augmentation de la production agricole des céréales a eu comme conséquence la création d’une nouvelle terminologie à cause du « manque et de la baisse de mots dans la langue roumaine »1 (Molnar in Ursu, Ibidem). Cette pénurie lexicologique a été comblée par des emprunts du latin, de l’allemand ou du français. Des mots courants ont été investis avec de nouveaux sens : « Avec le sens de „céréales”, Şincai utilise le mot régional transylvain bucate »2 (Ursu, 41). Angela Bidu- Vrânceanu observe que dans ce domaine particulier on constate une spécialisation dénotative du sens agricole par mobilité dénotative (41), procédé qui donne un sens nouveau, plus technique, à un terme commun. Peu de créations terminologiques ont eu des effets durables dans le lexique roumain, le fait qu’elles n’ont pas passé l’épreuve du temps prouvant que les termes ont été de simples reports. Nous découvrons de tels exemples dans l’ouvrage de Neculai Alexandru Ursu : odora « mirosi », sapor « gust », cannă « trestie », tornulă « pâlnie », cânţime « cantitate », plânta « planta » etc., termes créés par analogie avec les éléments latins hérités. Depuis 1830, la littérature et la terminologie agronomique roumaine se développe dans un rythme accentué, sous 1 « pentru lipsa şi scăderea cuvintelor în limba românească. » (Notre traduction.) 2 « Cu sensul de „cereale”, Şincai întrebuinţează cuvîntul regional ardelenesc bucate. » (Notre traduction.) 1 l’empreinte prononcée de la langue française, influence qui sera maintenue aussi dans la terminologie gastronomique. 2. Particularités de la terminologie et du discours gastronomique La définition de la gastronomie n’est pas unitaire dans tous les dictionnaires que nous avons consultés, les repères ayant changé selon la période historique ou l’espace géographique. Dans Dicţionaru limbii româneşti3 de 1939 nous trouvons la définition « amour excessif de plats bons et spéciaux », tandis qu’une explication plus ancienne précise seulement que c’est « l’art de bien manger ». Les sens donnés par les dictionnaires roumains les plus récents semblent être plus en accord: la gastronomie est l’art de préparer des plats distingués et savoureux ou de reconnaître leur qualité/goût. En d’autres mots, la hiérarchie de l’art gastronomique peut être résumée très simplement : « La cuisine est un perfectionnement de l’alimentation. La gastronomie est un perfectionnement de la cuisine elle-même » (Revel in Boutaud, 2008 : 24). La terminologie d’une langue, surtout dans le domaine gastronomique, est profondément ancrée dans la culture. Eugen Coşeriu (1994 : 139) observe une connexion extra-linguistique entre le langage et la culture non linguistique, qui exprime les connaissances, les idées et les jugements sur la réalité connue. Le chercheur roumain considère que cet aspect de la relation langage-culture a donné naissance à l’ethnolinguistique, science qui étudie les modifications du langage en relation avec la culture et la civilisation d’une communauté sociale. Le terme gastronomique représente la dénomination d’un plat, en participant à la transmission de connaissances de spécialité à un degré réduit d’ambiguïté. Généralement caractérisés par l’univocité, les unités terminologiques de la gastronomie peuvent faire référence à des réalités physiques légèrement différentes lors de leur migration d’une zone à l’autre. Les recettes culinaires ont la caractéristique de migrer très facilement dans d’autres pays, ce qui apporte plus d’instabilité au terme, du point de vue des ingrédients ou de la manière de préparation. Même si, en général, le terme est monoconceptuel et que sa désignation renvoie à un seul concept (en devenant ainsi monoréférentiel et monosémique), la réalité ne correspond pas toujours au principe de monosémie, à cause du changement évolutif et permanent des connaissances. (cf. Lenzen, 2005 : 120) La terminologie gastronomique est en relation avec d’autres terminologies de domaines connexes, ce qui soutient la compréhension des termes par un public large, non-spécialiste. Selon Alina-Roxana Hoţu (2015), l'emprunt permanent de termes d'un domaine à l'autre est facilité par l'interférence avec d'autres sciences comme la biologie, la chimie, l'agriculture, l'horticulture, l'aviculture, la viticulture, l'apiculture, la pisciculture, la floriculture, mais aussi avec l'histoire, la géographie, les arts plastiques et la littérature. Jean-Jacques Boutaud considère que l’espace figuratif de l’imaginaire culinaire est formé de plusieurs niveaux auxquels il peut se déployer : 3 August Scriban (1939): Dicţionaru limbii româneşti, Editura Institutu de Arte Grafice “Presa Bună” : gastronomíe = f. (vgr. gastronomía, d. gaster, pîntece, şi nómos, lege). Ĭubirea excesivă de mîncărĭ [!] bune şi alese. 2 « […] les signes sensoriels (forme, couleurs etc.), les textes (recettes, par exemple), les objets (aliments et cuisine), les scènes prédicatives (le faire culinaire), les stratégies globales (dimension du plaisir, de la santé, du lien etc.) et, donc, les formes de vie (associées aux valeurs, à l’ethos) ». (Boutaud, 2008 : 25) Exprimés sous un titre intimidant, de nature savante/scientifique, le terme gastronomique peut être souvent trompeur, car les auteurs de notre corpus ne produisent pas un discours technique sur les recettes, mais des digressions littéraires sur les plaisirs de la table et la gastronomie. Boutaud observe encore que : Le discours de l’épicurien, du gastronome, de l’homme lettré a besoin d’espace et de liberté pour trouver la distance avec son objet: tantôt réflexive, sur le mode de l’introspection, du rapport intime avec la sensation alimentaire; tantôt réfléchie, à propos de la sagesse du goût, son humanité, son rapport vivant et profond à la vie en société. (Boutaud, 2008 : 26) Bien que la terminologie gastronomique soit un lexique spécialisé, le territoire commun avec le lexique commun est assez étendu. Il est impossible d'établir une frontière claire entre ces deux composantes, car souvent on observe le phénomène de déterminologisation, qui fait passer les termes considérés comme spécialisés dans la langue commune, en devenant connus par la majorité des locuteurs d'une langue. Le vocabulaire terminologique est normalement de nature nominale, contenant des noms communs ou propres, des constructions nominales, des verbes et des adjectifs dont le contenu notionnel ne peut pas se ramener à celui d’un nom. (cf. Lenzen, 2005 : 120). Les entrées terminologiques et le domaine de spécialité sont étroitement liés, en partant même de la définition de la terminologie comme étude scientifique des notions et des termes en usage dans les langues de spécialité. Envisagé comme un système sémiotique capable de modeler des mentalités et des idéologies, le discours gastronomique est pour Mariana Neţ « beaucoup plus intéressant que la gastronomie proprement-dite »4 (2007 : 159). Présent dans des livres de cuisine et des encyclopédies culinaires, des mémoires de voyage et des menus de restaurants, le discours gastronomique a un caractère hétérogène. Bien que la concentration de l’information varie dans les différents types de textes gastronomiques, on ne peut pas affirmer qu’ils contiennent strictement des recettes de cuisine. Les conseils pratiques, les informations historiques et géographiques sur les ingrédients, les anecdotes et les mythes ont le but, selon Neţ, d’informer et d’amuser le lecteur ciblé, ce qui permet de réaliser l’esquisse d’un portrait-robot du destinataire hypothétique. La chercheuse roumaine observe que « le discours gastronomique est un discours épistémique, un moyen par lequel le sujet épistémique s’inscrit dans une culture donnée et exprime sa position concernant cette culture » (Neţ, 2007 : 160). Ce type de discours a un 4 Toutes les références de cet ouvrage ont été traduites du roumain par nous. 3 caractère performatif et il doit offrir la garantie de l’authenticité, car il est une médiation entre « la catégorie de l’actuel et celle du possible, c'est-à-dire entre la performance antérieure de l’énonciateur et celle probable/future du lecteur » (Ibidem). Le caractère persuasif et appétissant d’un livre de cuisine, son côté crédible et, dans le même temps, fictionnel, l’inclut dans une science popularisée et dans la paralittérature (cf. Neţ, 2007 : 161). 3. Taxonomie des termes gastronomiques Les degrés de spécialisation des termes varient selon la période de temps qui est passée depuis leur inclusion dans le lexique ou selon l’environnement culinaire dans lequel ils sont utilisés (professionnel/ expert vs. apprenti/débutant). A. Termes spécifiques : haut degré de spécialisation (récemment uploads/Societe et culture/ le-dynamisme-du-terme-gastronomique-dans-le-contexte-litteraire-difficultes-de-traduction.pdf

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