Bronislaw Malinowski (1933) « Le mythe dans la psychologie primitive » Un texte
Bronislaw Malinowski (1933) « Le mythe dans la psychologie primitive » Un texte extrait de : Mœurs et coutumes des Mélanésiens Traduit de l’Anglais par le Dr S. Jankélévitch, 1933. Un document produit en version numérique par M. Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: jmt_sociologue@videotron.ca Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Bronislaw Malinowski (1933), « Le mythe dans la psychologie primitive » 2 Cette édition électronique a été réalisée à partir de : Bronislaw Malinowski (1933), « Le mythe dans la psychologie primitive » Un article extrait de : Mœurs et coutumes des Mélanésiens. 1re traduction française, 1933 : par le Dr S. Jankélévitch. L’ouvrage a été traduit par le Dr S. Jankélévitch et a été publié aux Éditions Payot sous le titre : Mœurs et coutumes des Mélanésiens, 1933. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les citations : Times 10 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 18 mars 2002 à Chicoutimi, Québec. Bronislaw Malinowski (1933), « Le mythe dans la psychologie primitive » 3 Table des matières II – LE MYTHE DANS LA PSYCHOLOGIE PRIMITIVE I. Le rôle du mythe dans la vie II. Les mythes relatifs aux origines III. Les mythes sur la mort et le recommencement du cycle de la vie IV. Mythes relatifs a la magie V. Conclusion Bronislaw Malinowski (1933), « Le mythe dans la psychologie primitive » 4 II Le mythe dans la psychologie primitive Retour à la table des matières Bronislaw Malinowski (1933), « Le mythe dans la psychologie primitive » 5 I LE RÔLE DU MYTHE DANS LA VIE Retour à la table des matières Par l'examen d'une culture mélanésienne typique et par l'analyse des opinions, des traditions et du comportement de ces indigènes, je me propose de montrer à quel point la tradition sacrée et le mythe pénètrent toutes leurs occupations et avec quelle force ils s'imposent à leur conduite sociale et morale. En d'autres termes, le but de cet essai consiste à faire ressortir les rapports intimes qui existent entre le mot, le mythe, la légende sacrée d'une tribu, d'une part, ses actes rituels, ses actions morales, son organisation sociale, voire ses activités pratiques, de J'autre. Afin de donner plus de relief à notre description des faits se rattachant à la vie mélanésienne, je la ferai précéder d'un bref résumé de l'état actuel de la science de la mythologie. Il suffit d'un coup d'œil superficiel, pour constater la grande variété d'opinions et la non moins grande acrimonie des polémiques qui règnent dans la littérature relative au sujet qui nous intéresse. En ne considérant que les théories les plus récentes par lesquelles on s'est proposé d'expliquer la nature du mythe, de la légende et du conte populaire, nous devons accorder la première place, du moins en ce qui concerne ses origines et ses prétentions, à l'école dite de la « Natur- Mythologie », qui fleurit principalement en Allemagne. Les savants appartenant à cette école prétendent que l'homme primitif porte un intérêt des plus vifs aux phénomènes de la nature et que cet intérêt est principalement d'ordre théorique, contemplatif, poétique. Voulant interpréter et exprimer les phases de la lune ou le déplacement régulier, mais changeant, du soleil à travers le ciel, l'homme primitif imagine des rhapsodies constructives. Aux yeux des adeptes de cette école, tout mythe aurait pour noyau ou ultime réalité tel ou tel phénomène naturel, soigneu- sement incorporé dans un conte, souvent à un point tel qu'il s'en trouve complè- tement masqué et oblitéré. Ces savants ne sont pas toujours d'accord, lorsqu'il s'agit de déterminer le phénomène naturel qui est au fond de telle ou telle produc- tion mythologique. Il y a des mythologues lunaires, tellement « lunatisés » par leur idée qu'ils n'admettent pas qu'un autre phénomène, en dehors de ceux qui se rattachent au satellite nocturne de la terre, puisse faire l'objet d'une interprétation rhapsodique parmi les peuples sauvages. La « Société pour l'étude comparative des mythes », fondée à Berlin en 1906 (et comptant parmi ses membres des savants aussi célèbres qu'Ehrenreich, Siecke, Winkler et beaucoup d'autres) poursuit ses recherches sous le signe de la lune. Bronislaw Malinowski (1933), « Le mythe dans la psychologie primitive » 6 D'autres, comme Frobenius, estiment que c'est uniquement autour du soleil que l'homme primitif a tissé ses contes symboliques. Il y a encore l'école de l'interpré- tation météorologique, d'après laquelle ce seraient le vent, l'état de l'atmosphère et les nuances du ciel qui constitueraient l'essence des mythes. Parmi les adeptes de cette école, il faut citer des savants éminents de la vieille génération, tels que Max Muller et Kuhn. Beaucoup de ces mythologues spécialisés défendent ardemment le corps ou le principe céleste; d'autres, faisant preuve de plus d'éclectisme, sont disposés à admettre que l'homme primitif a inventé sa mythologie en opérant un mélange dans lequel entrent, pour une part plus ou moins grande, tous les corps célestes. J'ai essayé de résumer fidèlement et d'une façon plausible cette interprétation naturaliste des mythes, mais je suis obligé d'avouer qu'à mon avis cette théorie représente une des conceptions les plus extravagantes qui aient jamais été formu- lées par un anthropologue ou un humaniste, ce qui n'est pas peu dire. Elle a été réfutée d'une façon vraiment destructive par le grand psychologue Wundt et apparaît dépourvue de toute consistance lorsqu'on l'examine à la lumière de cer- tains ouvrages de Frazer. L'étude à laquelle je me suis livré personnellement sur les mythes qui survivent encore parmi les sauvages m'autorise à dire que l'homme primitif ne s'intéresse que dans une mesure très relative au côté artistique ou scientifique de la nature; le symbolisme ne joue qu'un rôle très limité dans ses idées et ses mythes; en fait, le mythe est moins une rhapsodie imaginée par un homme désœuvré, laissant libre cours à sa fantaisie, qu'une force culturelle extrê- mement importante et dont le poids se fait durement sentir. Ignorant la fonction culturelle du mythe, la théorie naturaliste attribue à l'homme primitif un grand nombre d'intérêts imaginaires et se rend coupable d'une grave confusion en met- tant sur le même plan des genres aussi distincts et faciles à distinguer que le conte populaire, la légende, la « saga » et la légende sacrée, ou mythe. En opposition avec cette théorie qui voit dans le mythe une expression sym- bolique et imaginaire des phénomènes de la nature, se situe celle qui retrouve dans la légende sacrée des souvenirs historiques, se rattachant à des événements du passé. Cette manière de voir, qui a été défendue par l' « École Historique » en Allemagne et en Amérique et qui est représentée en Angleterre par le docteur Rivers, ne couvre qu'une partie de la vérité. Il est hors de doute que l'ambiance historique et naturelle influe profondément sur les productions culturelles et qu'on doit en retrouver les traces, souvent profondes, dans le mythe. Mais, voir dans toute la mythologie une chronique pure et simple est aussi faux que d'y voir les méditations de naturalistes sauvages. A son tour, cette théorie dote l'homme primitif de penchants scientifiques et lui attribue un désir de connaissance qu'il n'a pas. Tout en étant quelque peu amateur du passé et amateur de la nature, le primitif se trouve avant tout engagé dans un grand nombre d'occupations et dans une lutte contre d'innombrables difficultés, de sorte qu'on ne risque guère de se tromper, en affirmant que ses intérêts purement pratiques doivent primer sur tous les autres. Nous verrons plus loin que la mythologie, le savoir sacré de la tribu, constituent un puissant moyen à la faveur duquel l'homme primitif arrive à opérer la jonction des deux fins qui caractérisent sa vie culturelle. Nous verrons, en outre, que les immenses services que le mythe rend à l'homme primitif ne sont possibles qu'à la faveur de l'intervention du rituel religieux, de certaines influen- ces morales et de certains principes sociologiques. Or, comme la religion et la morale ne reposent que dans une mesure très limitée sur l'intérêt pour la science et Bronislaw Malinowski (1933), « Le mythe dans la psychologie primitive » 7 pour l'histoire du passé, on peut dire que le mythe suppose une attitude psycholo- gique tout à fait différente. Les rapports étroits existant entre la religion et le mythe ont échappé à beau- coup de savants, mais ont été entrevus par d'autres. Des psychologues comme Wundt, des sociologues comme Durkheim, Hubert et Mauss, des anthropologues comme Crawley, des savants spécialistes de l'antiquité classique, comme Miss Jane Harrison, n'ont pas manqué de saisir les liens intimes qui existent entre le mythe et la religion, entre la tradition sacrée et les normes de l'organisation sociale. uploads/Societe et culture/ le-mythe-dans-la-psychologie-primitive.pdf
Documents similaires










-
35
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 07, 2021
- Catégorie Society and Cultur...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2663MB