Nathalie BLANC Anne-Valérie LE FUR Thomas LE GUEUT Anne-Cécile MARTIN Examen na

Nathalie BLANC Anne-Valérie LE FUR Thomas LE GUEUT Anne-Cécile MARTIN Examen national Session 2018 Droit des AFFAIRES CRFPA Épreuve de spécialité : - Commerçants et sociétés commerciales - Actes de commerce - Fonds de commerce - Opérations bancaires et financières - Droit des procédures collectives 517 CAS PRATIQUE N° 1 ÉNONCÉ Monsieur DUBOIS est notaire mais ses connaissances en droit des affaires ne sont plus ce qu’elles étaient. Cela fait 20 ans qu’il fait surtout du droit des successions et des régimes matrimoniaux. Vous êtes avocat et il vient vous consulter car il rencontre plusieurs difficultés. Certaines difficultés concernent un ami de Monsieur DUBOIS : Monsieur LEON. Monsieur LEON est directeur général de la société HEBDO (SA avec conseil d’adminis- tration) qui a pour activité l’impression de titres de presse. La société HEBDO est une filiale de la société D&M, leader français de la presse gratuite avec un contenu de petites annonces de particuliers et de publicités de commerces locaux. La société D&M n’ayant pas su s’adapter aux nouvelles technologies, elle est en cessation des paiements. À la demande de ses dirigeants, elle a été placée en redressement judiciaire. Ces mêmes dirigeants ont demandé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde pour la société HEBDO. Le tribunal de commerce a fait droit à ces demandes et a fixé à six mois la durée de la période d’observation pour les deux sociétés. Monsieur LEON a interrogé Monsieur DUBOIS : pourquoi cette différence de traitement entre la filiale et la société-­ mère ? La société D&M pouvait-­ elle solliciter l’ouverture de la procédure à l’encontre de la société HEBDO ? Serait-­ il possible de prononcer la liquidation judiciaire de la filiale et si oui quand ? À l’issue de la période d’observation ou à tout moment ? Un autre problème perturbe Monsieur LEON. Il a vendu il y a un peu moins d’un an à la SA HEBDO un terrain dont il était propriétaire à Entraigues afin que la société puisse avoir un nouvel établissement en Provence. Monsieur LUCIEN, qui détient 0,01 % du capital de la SA, conteste les modalités de cette opération. Il est vrai que le prix payé au mètre carré est plus élevé que le prix du marché et surtout Monsieur LEON n’a jamais demandé la moindre autorisation en vue de cette acquisition. Monsieur LEON se demande ce qu’il peut craindre de ce petit actionnaire. Monsieur DUBOIS n’a pas envie de laisser son ami sans réponse mais ne veut pas lui dire de bêtises. Les autres difficultés sont personnelles à Monsieur DUBOIS. Il est en pleine reconversion professionnelle. Après avoir exercé pendant 20 ans la profession de notaire, il souhaite désormais se tourner vers une activité plus proche de sa passion (le surf) en ouvrant une boutique spécialisée dans les loisirs nautiques au bord de l’océan. Actuellement, il est toujours notaire. Il souhaiterait, dans un premier temps, continuer d’exercer cette profes- sion pour percevoir un revenu et limiter les risques liés à sa nouvelle activité commerciale. Dans tous les cas, il pensait confier l’exploitation de son commerce pendant la première année à l’un de ses amis, tout juste retraité et installé à Biarritz. Il se contenterait ainsi de l’aider depuis Paris s’agissant des aspects de gestion comptable du commerce. Une connaissance lui a conseillé de conclure avec ce dernier un contrat de location-­ gérance. Que pensez-­ vous de son projet ? Monsieur DUBOIS vous indique qu’il a en outre acheté du mobilier pour son futur commerce. Il a passé commande dans un magasin de son quartier, ouvert depuis quelques jours, qui proposait des promotions très intéressantes. DROIT DES AFFAIRES 518 Le vendeur lui a permis de le régler au moyen de cinq virements de 500 euros chacun, étant entendu que ces virements devaient être exécutés au 10 des cinq prochains mois. Le vendeur a toutefois exigé que Monsieur DUBOIS lui fournisse, dans les plus brefs délais, la preuve qu’il avait donné à sa propre banque les cinq ordres de paiement nécessaires à l’exécution des cinq virements, selon les modalités convenues. Dès le lendemain de la vente, Monsieur DUBOIS s’est empressé de le faire. Aujourd’hui, alors que le premier virement a été exécuté il y a trois jours, Monsieur DUBOIS n’a toujours pas été livré et découvre, à son grand désarroi, que le magasin fraîchement ouvert, qui faisait le bonheur de tous les résidents de son quartier, est désormais constamment fermé. Craignant d’avoir été dupé, Monsieur DUBOIS vous demande s’il peut, par précaution, annuler les cinq virements en cause. CORRIGÉ DÉTAILLÉ Méthode : À l’évidence, le cas traite de points distincts qu’il faut envisager successivement. Il n’est pas utile de faire un rappel général des faits. Les faits utiles seront évoqués lors de la résolution de chaque question particulière. Il faut seulement par une phrase indiquer les différents points qui vont être abordés. I. La société HEBDO S’agissant de la société HEBDO, il faut distinguer la situation de la société (A), de celle de son dirigeant, Monsieur LEON (B). A. La procédure collective de la société HEBDO La société HEBDO est la filiale de la société D&M. La société D&M, en cessation des paiements, a été placée en redressement judiciaire. Plusieurs questions se posent pour la filiale : peut-­ elle être soumise à une autre procédure, telle la sauvegarde judiciaire ? La société-­ mère peut-­ elle demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde pour la filiale ? La filiale peut-­ elle faire l’objet d’une liquidation judiciaire et si oui à quel moment ? Les deux premières concernant les conditions d’ouverture de la procédure concernant une filiale seront envisagées ensemble (1). Après quoi, on se penchera sur l’éventuelle liquidation judiciaire de cette société (2). 1. Les conditions d’ouverture de la procédure concernant une société filiale – Le traitement différencié de la filiale et de la société-­ mère Depuis la loi Macron du 6 août 2015, un seul tribunal est compétent pour toutes les sociétés d’un groupe, ce qui vient compléter la règle selon laquelle un administrateur judiciaire et un mandataire judiciaire communs peuvent être désignés pour l’ensemble des procédures (C. com., art. L. 662-8). Pour autant, la filiale reste une personne morale autonome : elle est, par principe, indépendante de la société-­ mère. En l’absence d’unité juridique des sociétés-­ mères et filiales, la Cour de cassation considère que les obligations contractées par l’une ne peuvent être mises à la charge de l’autre et réci- proquement, et que l’autonomie des sociétés d’un groupe les rend chacune responsable de ses propres dettes. Ce principe de l’indépendance des filiales est régulièrement rappelé (Cass. com., 15 oct. 1974, n° 73-12391 ; Cass. com., 13 janv. 2009, n° 07-17141 ; CAS PRATIQUE 519 Cass. 1re civ., 18 juill. 1995, n° 93-18796). Il connaît une exception lorsque l’immixtion de la société-­ mère dans la gestion de la filiale est de nature à créer une apparence trom- peuse (Cass. com., 3 févr. 2015, n° 13-24895 ; Cass. com., 12 juill. 2012, n° 11-16109, Bull. civ. IV). En outre, la procédure de sauvegarde ne peut être ouverte qu’à la seule demande du débiteur qui n’est pas en cessation de paiements mais qui doit justifier « des difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter » (C. com., art. L. 620-1). Le critère de difficulté insurmontable permet d’agir de façon préventive en faisant bénéficier le débiteur d’une protection judiciaire. Par conséquent, l’état avéré d’une cessation des paiements empêche de recourir à la procédure de sauvegarde. La pratique des tribunaux de commerce, lorsqu’ils vérifient les conditions d’ouverture d’une procédure collective à l’égard d’une société appartenant à un groupe, consiste donc à vérifier les conditions d’ouverture – difficultés insurmontables en cas de procédure de sauvegarde ou cessation des paiements en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire – au regard de la situation de la seule société concernée (principe d’autonomie patrimoniale de chaque société) et non de la situation du groupe (ses capa- cités financières) auquel elle appartient. En l’espèce, la société D&M étant déjà en état de cessation des paiements, elle ne peut plus requérir l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, ce qui n’est pas le cas de sa filiale HEBDO, laquelle, a priori, connaît des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter. Les deux sociétés étant juridiquement autonomes, les conditions d’ouverture de chacune des procédures s’apprécient séparément. Par conséquent, la société-­ mère et sa filiale peuvent être soumises à des traitements différents, l’une à une procédure de redressement, l’autre à une procédure de sauvegarde. – La demande formulée par les dirigeants de la société-­ mère Une autre question se pose : les dirigeants de la société-­ mère peuvent-­ ils demander l’ouver- ture d’une procédure de sauvegarde judiciaire pour la filiale ? $Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, seul le débiteur peut demander au tribunal l’ouverture de la procédure de sauvegarde. En l’espèce, seul le représentant légal de la société HEBDO est habilité à effectuer une demande d’ouverture d’une procédure de sauvegarde. La demande d’ouverture de la procédure de sauvegarde doit être déposée en six exemplaires auprès uploads/Societe et culture/ partiels-blancs-semestre-2-2019-droit-des-entreprises-en-difficulte-collection-crfpa.pdf

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