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Tous droits réservés © Cahiers de théâtre Jeu inc., 1993 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 7 mars 2021 08:25 Jeu Revue de théâtre Pourquoi l’anthropologie théâtrale? Entretien avec Nicola Savarese Josette Féral Tragédie Numéro 68, 1993 URI : https://id.erudit.org/iderudit/29274ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Cahiers de théâtre Jeu inc. ISSN 0382-0335 (imprimé) 1923-2578 (numérique) Découvrir la revue Citer ce document Féral, J. (1993). Pourquoi l’anthropologie théâtrale? Entretien avec Nicola Savarese. Jeu, (68), 119–133. Josette Ferai Pourquoi l'anthropologie théâtrale? Entretien avec Nicola Savarese * Danse des oppositions dans le corps de la danseuse balinaise. Photos : Nicola Savarese. Pouvez-vous définir ce qu 'est l'anthropologie théâtrale? Nicola Savarese — Si je dois répondre objectivement et, en même temps, sur le plan personnel, je dirais que l'anthropologie théâtrale est une «école du regard» incarnée dans l'ISTA — International School of Theatre Anthropology —, dirigée par Eugenio Barba qui l'a fondée et qui, en fait, a inventé le domaine de la recherche. Avec lui, pendant plusieurs sessions publiques de l'école, j'ai appris à voir certaines choses qui jusqu'alors n'éraient pas très claires dans mon travail d'historien et surrout de spectateur de théâtre. Oui, les comédiens ont certaines techniques de travail pour pratiquer leur métier, mais il faut encore voir comment tout cela se fait et se développe, le voir pendanr le processus de création. Cela donne une tout autre vision du travail du comédien. Nous vivons à une époque Technologique, et il entre en jeu, dans les théâtres, outre les comédiens, plu- sieurs interférences d'ordre visuel : mais l'acteur est toujours au cenrre de l'intérêt du spectateur. Quand on regarde certains comédiens jouer, on se rend compte qu'il y a des constantes du jeu, que certains principes sonr à la base des tech- niques du corps et qu'au fond, le théâtre, c'est toujours quelque chose qui «habite l'homme» et non l'inverse. Les techniques du jeu «s'incarnent» dans le corps du comé- dien. Donc, l'anthropologie théâ- trale est pour moi une école qui me permet de plonger dans le rravail du comédien, dans les techniques du jeu telles qu'il les pratique dans les différentes cultures théâtrales du monde. * Professeur d'Histoire du théâtre à l'université de Lecce (Italie) et invité au Département de théâtre de l'UQAM en 1993. 119 Vous expliquez par là le mot «anthropologie». Mais quelle différence faites-vous entre l'anthropologie et l'anthropologie théâtrale? L'anthropologie théâtrale ne s'intéresse pas aux formes du théâtre ou des danses traditionnelles dans leur contexte socioculturel. Cette discipline étudie l'homme en situation de représentation : les comportements, les attitudes, les postures de l'acteur pendant son jeu. N. S. — Il y a effectivement un problème de définition, mais Barba a écrit très clairement à ce propos que I'«anthropoIogie théâtrale» n'est pas l'«anthropologie du théâtre». Il veut dire par là qu'il n'effectue pas le même travail que les anthropologues sur les civilisations dites primitives ou traditionnelles; l'anthropologie rhéâtrale ne s'intéresse pas aux formes du théâtre ou des danses tradi- tionnelles dans leur contexte socioculturel. Cette discipline étudie l'homme en situation de représentation : les com- portements, les attitudes, les postures de l'acteur pendant son jeu. Certaines traditions théâtrales, celles qui utilisent la codification du jeu, ont bâti une véritable culture de la présence scénique du comédien et cette culture, qui est complexe, a deux faces : la face technique du jeu corporel — et de son apprentissage — et la face du mental — et de son imaginaire — qui se manifestent dans la représentation autrement que dans la vie quotidienne. La notion d'«anthropologie théâtrale» est apparue vers quelle époque? N. S. — À la fin des années soixante-dix, à travers la recherche d'Eugenio Barba. Vous mentionnez Eugenio Barba, qui est donc le fondateur de cette nouvelle «science», pourrait-on dire. Mais, il n 'est pas seul. D'autres chercheurs se sont joints à lui. Quels sont les gens qui travaillent aujourd'hui dans ce domaine? N. S. — La question que vous me posez est passionnante. Eugenio Barba a en effet été un grand moteur : il a été et est toujours metteur en scène et directeur de l'Odin Teatret, c'est-à-dire d'une entreprise artistique qui dure encore après rrente ans, sans interrup- tion, et qui fonctionne à différents niveaux — spectacles, promorions culturelles, ISTA, activités diverses pour la ville d'Holstebro, au Danemark, où il a ses locaux permanents... Mais Eugenio voyage toujours, même s'il est assis, immobile. C'est un grand dévoreur de livres et il écrit beaucoup. Un jour, au début des années soixante-dix, il a rencontré un groupe de chercheurs italiens, pour la plupart profes- seurs d'histoire du théâtre à l'université, un groupe qui existait bien avant qu'Eugenio ne le connaisse. Ce groupe s'est distingué par le fait qu'il considérait l'histoire du théâtre à partir du point de vue du processus théâtral, des processus créatifs et non seulement du point de vue de la littérature théâtrale et du «spectacle comme produit». Maintenant ces chercheurs sont réunis autour d'une revue qui s'appelle Teatro e Storia. Donc ce groupe a rrouvé, dans les recherches de Barba et surtout dans l'anthropologie théâtrale, un écho à son travail. Il s'agit là de la dimension Au fond, le mot «dramaturgie» veut dire «drame en action», et chaque comédien qui vient du théâtre codifié a intégré cette dramaturgie dans la partition de ses actions physiques. 120 personnelle, toujours importante à mon avis pour les tournants décisifs de la recherche. Sur le plan historique, on peut dire qu'il y a eu plusieurs expériences dans notre siècle — Stanislavski, Copeau, Dullin, Meyerhold, Decroux... jusqu'à Grotowski — qui constituent le fil conducteur de la recherche théâtrale sur l'art du comédien. Ces artistes- chercheurs se sont cassé la tête pour trouver un pont entre la technique du corps et celle du jeu, pour circonscrire la présence scénique de l'acteur : ils sont, surtout à travers leurs livres, les ancêtres vénérés de l'anthropologie théâtrale. Mais on peut dépasser les limites de notre culture occidentale et voir que les Traditions théâtrales d'Asie ont eu les mêmes problèmes que les nôrres et qu'il y a aussi une «histoire des antécédents» de l'anthropologie théâtrale, une histoire d'une très longue durée où ont eu lieu de véritables échanges de techniques de jeu à l'intérieur même du continent eurasien. Ce que j'ai constaté dans mon dernier livre Teatro e spettacolo fra Oriente e Occidente, c'est qu'il y a plusieurs techniques similairesala base du travail des comédiens tant dans le théâtre occidental que dans le théâtre asiatique et que ces techniques ont beaucoup voyagé à travers I'Eurasie. En dehors de l'Italie, quels autres chercheurs travaillent dans le domaine de l'anthropologie théâtrale? Etienne Decroux : le déséquilibre. Photo : Nicola Savarese. N. S. — Les Italiens ont été les premiers à tisser des liens entre les cultures rhéâtrales du passé et les nouvelles questions que pose l'anthropologie théâtrale. Ce n'est pas seulement une grande histoire d'amitié avec Barba et les acteurs de l'Odin Teatret : il s'agit d'une complicité fondée sur des intérêts communs. Et il est très intéressant de voir cette complicité dans le milieu du théâtre alors qu'on parle souvenr de compérition ou 121 d'incompréhension entre les théoriciens et les praticiens. Après le groupe de Teatro e Storia — Fabrizio Cruciani, Ferdinando Taviani, Claudio Meldolesi, Franco Ruffini et d'autres —, plusieurs chercheurs, ainsi que certains spécialistes du théâtre d'Asie, ont travaillé dans le domaine. Il y a surrout les maîtres asiatiques : Sanjukta Panigrahi, danseuse Odissi, Katsuko Azuma, danseuse de Buyo, I Made Bandem, acteur balinais, mais il y a aussi des professeurs comme Patrice Pavis, Jean-Marie Pradier, Monique Borie, Richard Schechner... Richard Schechner n'a participé qu'à deux rencontres, mais il a signé des textes dans notre ouvrage de référence, Anatomie de l'acteur. À mon avis, le travail de Schechner touche la recherche anthropologique. Il s'intéresse aux rituels, aux différents systèmes qui sont à l'œuvre dans la performance, c'esr-à-dire à tout ce qui a trait à la théâtralisation. Mais je le situerais plus volontiers dans le domaine de la sociologie que dans celui du rhéâtre, même si je trouve qu'il est aussi un théâtrologue. Vous parlez beaucoup de rencontres, celles qui ont lieu dans le cadre de VIST A. Cette école se réunit, je crois, chaque année et elle le fait sur des sujets thématiques? N. S. — Oui presque chaque année. C'est toujours Eugenio qui fixe le thème de la séance suivante. Le plus difficile est de trouver un endroit qui puisse accueillir une acrivité multiforme. Mais comme ces rencontres programment toujours de grands spectacles d'artistes qui viennent d'Asie ou d'acteurs de l'Odin Teatret, les représentations don- nées dans la semaine qui suit uploads/Societe et culture/ pourquoi-l-x27-anthropologie-theatrale.pdf
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- Publié le Mai 16, 2022
- Catégorie Society and Cultur...
- Langue French
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