Présentation du nouveau droit coopératif OHADA David Hiez, Université du Luxemb
Présentation du nouveau droit coopératif OHADA David Hiez, Université du Luxembourg, david.hiez@uni.lu Willy Tadjudje, Université du Luxembourg, willy.tadjudje@uni.lu Septembre 2012 Avant-propos L'objectif de ce document est d’accompagner la formation proposée aux coopérateurs ou aux autres personnes concernées par le nouveau droit des sociétés coopératives au sein des Etats parties à l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA). Il ne peut s’agir d’une présentation exhaustive, qui serait nécessairement trop longue. La première intention de ce document est d’être compréhensible par un lecteur moyen et de fournir des clés de compréhension du droit applicable aux coopératives. Autrement dit, il n’est pas d’abord destiné à un public de juriste. Une introduction fournit un contexte historique et juridique à la situation des coopératives africaines aujourd’hui. Ce n’est qu’après cette introduction que le contenu de l’acte uniforme sera présenté de façon synthétique. L’accent sera d’abord mis sur les principes généraux qui animent la réglementation des coopératives. D’une part, cela permettra de mieux comprendre les règles techniques et, d’autre part, ceci apportera un rappel pédagogique des mécanismes de base des coopératives. Pour cela, après une première section qui apportera les éléments introductifs indispensables, la seconde section aura pour objet l'exposé sommaire des principes coopératifs, dont on verra qu'ils structurent le droit des sociétés coopératives. Finalement, et de façon relativement superficielle, les premiers éléments de l’organisation des coopératives seront esquissés. 1 Introduction 1.1 Quelques éléments historiques Les sociétés coopératives sont liées à un contexte historique, de la même manière que les sociétés commerciales1. Leur émergence s'est faite au 19ème siècle en Europe, à partir des années 1830 à 1840, et elles se sont progressivement développées, gagnant de nouvelles formes et de nouveaux territoires. Il est toujours difficile de fixer l'histoire, et le choix des dates et des évènements a toujours quelque chose d'arbitraire. Quoiqu'il en soit, il est classique de considérer que les coopératives ont connu leur berceau en Angleterre et en France, puis en Allemagne, par hasard les trois pays qui ont connu les premiers la révolution industrielle. On rattache à ces trois pays trois familles de coopératives différentes: en Angleterre les coopératives de consommation2, en France les coopératives de production (ouvrières)3 et en Allemagne les coopératives d'épargne et de crédit4. 1 A titre d’exemple, la société anonyme (SA) a pris la forme que nous lui connaissons aujourd'hui avec l'essor du capitalisme. 2 La coopérative de consommation consiste dans un groupement de consommateurs qui se rassemblent afin d'obtenir, grâce à la force du nombre, des meilleurs prix et de meilleurs produits que ce qu'ils obtenaient auprès des petits commerçants considérés comme exploiteurs de la misère du peuple. 3 Les coopératives ouvrières consistent en un groupement d'ouvriers, de travailleurs, qui se réunissent pour fonder ensemble une entreprise correspondant à leurs compétences (coopérative de cordonniers par exemple) dont ils sont à la fois les patrons et les ouvriers, afin d'échapper à l'exploitation des patrons qui leur imposaient des conditions de travail abominables et des salaires de misère. 4 Les coopératives d'épargne et de crédit sont quant à elles des groupes d'individus qui, en raison de leur pauvreté, absolue ou relative, étaient exclus des services bancaires traditionnels et décident de mutualiser leur épargne afin de pouvoir réaliser des prêts aux membres et ainsi favoriser leur développement économique (il s'agit de prêts à usage professionnels et non domestique). 1 Cette présentation est caricaturale car les trois familles coopératives ont coexisté dans les trois pays mais il est vrai que chacune a prédominé ou a été mieux organisée dans chacun d’eux. Il n'est pas neutre que les coopératives soient nées au moment de la révolution industrielle et de l'essor du capitalisme. On sait que dès cette époque, des critiques fortes se sont faites jour à l'encontre du capitalisme5. A peu près à la même époque, voire un peu plus tôt, une critique toute différente avait été proposée. Elle partait des mêmes postulats d'une inégalité scandaleuse et grandissante, de l'exploitation abusive des plus faibles par les plus riches... Mais les propositions de solution avancées étaient très différentes. Elles ne consistaient pas en une révolution pour abolir ces inégalités mais bien plus en la promotion d'expériences communautaires qui réaliseraient en leur sein une égalité émancipatrice ; ces communautés étant destinées à être des modèles qui seraient bientôt suivies par tous. Dans cette perspective, les auteurs les plus connus (Charles Fourrier en France, Robert Owen en Angleterre) imaginent les règles de fonctionnement des sociétés idéales, de manière détachée de toute réalisation immédiate. C'est ce qui a inspiré les expériences coopératives, dont la première réussie et durable, dont l'histoire a donc retenu le nom comme fondatrice d'un mouvement global, est celle de Rochdale: des ouvriers tisserands de Manchester en Angleterre qui se sont réunis pour fonder une coopérative de consommation, dont les activités se sont étendus à l'éducation, et dont les statuts portent déjà la plupart des traits des coopératives d'aujourd'hui. Dans leur diversité, les coopératives ont toujours un objet identique: des personnes se regroupent pour échapper à l'exploitation économique et sociale de ceux qui les dominent. Comme nous l'avons vu, ce but se décline dans diverses activités. Il faut en mentionner une nouvelle que nous n'avons pas encore évoquée, en raison de son importance en Afrique: la coopérative agricole. Il s'agit de l'association de paysans qui se réunissent pour réaliser ensemble les opérations d'achat de graines et d'engrais et/ou de vente de leurs récoltes6. L'extension géographique de la coopération a gagné tous les continents et donc l'Afrique. Formellement, les coopératives sont juridiquement apparues en venant d'Europe puisqu'elles sont une manifestation du système juridique arrivé avec la colonisation. Cependant, elles ont trouvé sur le sol africain des formes d'organisation traditionnelle qui présentent avec elle certaines similitudes: associations villageoises, tontines... Ces formes sont différentes puisqu'elles relèvent du droit coutumier et connaissent une organisation différente autour des hiérarchies sociales traditionnelles. 1.2 Les sources du droit coopératif L'inspiration centrale du droit coopératif se trouve au sein de l'Alliance coopérative internationale (ACI, ou ICA en Anglais)7. Par-delà la diversité des réalisations sur les cinq continents8, l’ACI dégage leurs traits communs. Très tôt, elle a donc énoncé une définition de la coopérative ainsi que les principes qui l'anime. Plusieurs fois revue au gré des évolutions, la dernière révision date de 1995. 5 La plus célèbre d'entre elles est celle élaborée par Karl Marx au milieu du 19ème siècle, qui met en évidence le déroulement de l'histoire et, par la constitution du prolétariat en classe opposée à celle des capitalistes, doit aboutir au socialisme caractérisée par l'appropriation collective de l'ensemble des moyens de production et donc par la disparition des classes. Ce courant a été qualifié de socialisme scientifique. 6 Si cent paysans s'organisent, la quantité de graines à acheter ou de récolte à vendre sera beaucoup plus importante et ils pourront obtenir des prix plus avantageux pour chacun d'entre eux. 7 Créée à Londres en 1895, cette organisation regroupe les mouvements coopératifs de plusieurs pays du monde et, sur la base de cette expérience planétaire, cherche à poser les bases d'une doctrine coopérative. 8 L’ACI dispose d’une antenne en Afrique basée à Nairobi au Kenya. 2 Cette déclaration coopérative n'a pas de valeur juridique en elle-même. Elle émane en effet d'une organisation totalement privée qui, malgré sa représentativité, n'a aucune compétence internationale reconnue. Ses déclarations disposent cependant d'une consécration au moins indirecte. D'abord, l'ONU s'y réfère et une déclaration de son assemblée générale en recommande le respect. De façon plus contraignante, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a émis une recommandation qui demande à tous ses membres d'adopter une législation conforme et une politique publique de soutien aux coopératives, reconnues comme favorisant le développement. En Europe, comme sur les autres continents, les coopératives sont régies par les diverses lois nationales9. L'Union européenne s'est également intéressée aux coopératives et, comme elle a instauré le statut de la société européenne10, elle a par un règlement11 institué une société coopérative européenne. Il est à noter toutefois que cette société coopérative européenne a une vocation limitée puisqu'elle ne trouve application que lorsque des coopératives ayant des activités dans plusieurs Etats membres créent ensemble une société coopérative européenne. La situation est toute différente au sein de la zone OHADA. Les Etats membres ont connu diverses lois depuis les indépendances. Pour l’essentiel, les premières lois instauraient un lien étroit entre l’Etat et les coopératives, les coopératives constituant un instrument entre les mains du pouvoir politique. Des lois plus récentes ont fait disparaître ce lien pour faire respecter l’autonomie des coopératives, entreprises privées, mais ceci a parfois, dans le même temps, affaibli le respect des principes coopératifs, faute de contrôle. Aujourd’hui, après presque dix ans de négociation au sein de l'OHADA, un Acte Uniforme (AU) a été adopté le 15 décembre 2010 et publié le 15 février 2011 au journal officiel de l’OHADA (Acte Uniforme OHADA relatif au droit des sociétés coopératives). Cette innovation est beaucoup plus importante qu'a pu être l'adoption du règlement communautaire en Europe. En effet, l'acte uniforme n'introduit pas une nouvelle société coopérative qui se surajouterait à celles régies par les uploads/Societe et culture/ presentation-du-nouveau-droit-ohada.pdf
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