Police et minorités visibles : les contro ˆles d’identité à Paris Police et min

Police et minorités visibles : les contro ˆles d’identité à Paris Police et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris Police et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris OPEN SOCIETY INSTITUTE NEW YORK Copyright © 2009 par le Open Society Institute. Tous droits réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, enregistrée dans un système de récupération ou transmise sous aucune forme ou par quelque moyen que ce soit, sans approbation préalable de l’éditeur. ISBN: 978-1-891385-93-3 Publié par Open Society Institute 400 West 59th Street New York, NY 10019 États-Unis www.soros.org Pour plus d’informations contacter : Open Society Justice Initiative 400 West 59th Street New York, NY 10019 États-Unis www.justiceinitiative.org Couverture conçue par Judit Kovács l Createch Ltd. Présentations de texte et impression par Createch Ltd. Photo de couverture par REUTERS l John Schults 5 Table des matières Remerciements 7 Synthèse 9 I. Introduction 15 II. Le contrôle au faciès en France : ses effets délétères sur le public et sur les policiers 19 III. Police et minorités visibles : la surreprésentation des Noirs et des Arabes 25 IV. Les contrôles de police et les fouilles en France : le droit et la pratique 41 V. Conclusion 51 Annexe La méthodologie de l’étude Police et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris 55 Notes 65 7 Remerciements Ce rapport a été rédigé par Indira Goris, Fabien Jobard et René Lévy. Il a été relu par David Berry, James A. Goldston, William Kramer et Rachel Neild. Fabien Jobard et René Lévy du Centre National de la Recherche Scientifique ont dirigé l’enquête. Indira Goris et Rachel Neild, de l’Open Society Justice Initiative ont dirigé l’en- semble du projet. John Lamberth, de Lamberth Consulting, en a conçu la méthodologie et a réalisé les analyses statistiques. Pierre Mahaut a coordonné le travail de terrain ; Karl Lamberth et Jerry Clayton ont contribué de manière décisive à sa conception. Joszef Gazso a mis en place les moyens techniques et le recueil des données. L’Association pour la recherche en sciences sociales (ALRS) a assuré le suivi administratif et comptable des opérations, sous la responsabilité de Hugues Lagrange et Chantal Darsch. Cette étude et ce rapport n’auraient pu être réalisés sans la patience, la générosité et les idées d’un grand nombre de personnes, qui ne peuvent toutes être nommément citées. La Justice Initiative tient cependant à remercier les onze observateurs qui ont réalisé le terrain de l’enquête, et en particulier Benjamin Bosselut, Judith Cernagora, Vanessa Favaro, Lila Safraoui, Amélie Cabocel, Fanny Boyer, Gabriel Viéville, et Gaétan Boussand. Ce rapport a aussi grandement profité de la lecture et des commentaires de Rebekah Delsol et de Lanna Hollo, ainsi que de ceux d’un certain nombre de représentants de la société civile, décideurs politiques et universitaires français qui ont accepté d’en lire des versions préliminaires. L’équipe remercie tout particulièrement Gwenaëlle Calves, John Crowley, Emmanuel Didier, Hugues Lagrange, Sophie Névanen, Patrick Simon 8 P O L I C E E T M I N O R I T É S V I S I B L E S : L E S C O N T R Ô L E S D ’ I D E N T I T É À P A R I S pour les conseils et observations qu’ils ont bien voulu formuler à diverses étapes de la réalisation de l’enquête. Nous remercions chaleureusement Bessie Leconte pour sa relecture attentive des épreuves de ce rapport. Les recommandations figurant dans ce rapport représentent uniquement le point de vue de la Justice Initiative, qui est également la seule responsable de toute erreur ou présentation déformée de la réalité. 9 Synthèse Les citoyens français d’origine immigrée, et en particulier ceux d’origine nord-africaine et subsaharienne, se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent à des contrôles d’identité injustes, discriminatoires et dépourvus de nécessité. Si ces perceptions étaient avérées, cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs décisions sur la couleur de la peau des personnes, plutôt que sur leur comportement. En 2007, la Open Society Justice Initiative a lancé une étude pour examiner si, et dans quelle mesure, les policiers contrôlent les individus en fonction de leur apparence. Cette étude a été réalisée en collaboration avec Fabien Jobard et René Lévy, chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique, et sous la supervision technique de Lamberth Consulting. En examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la sta- tion Châtelet-Les Halles), importants points de transit du centre de Paris où l’on observe une forte activité policière, l’étude a recueilli des données sur les contrôles de police, au premier rang desquelles des données sur l’apparence des personnes contrôlées (origine, âge, sexe, style vestimentaire, types de sacs portés). Cette étude, qui présente des don- nées uniques sur plus de 500 contrôles de police, est la seule menée à ce jour, propre à détecter le contrôle à faciès en France. L’étude a utilisé une méthodologie fondée sur la comparaison systématique entre les personnes contrôlées et la population disponible sur les sites en question durant les mêmes tranches horaires. Tant les données de référence (le benchmark) que celles sur 1 0 S Y N T H È S E les contrôles ont étés classées en fonction de l’origine perçue, de l’âge, des vêtements, et du type de sac porté. En observant les contrôles d’identité, les observateurs ont éga- lement relevé le déroulement et l’issue des contrôles, et, lorsque c’était possible, ont procédé à une brève entrevue avec la personne contrôlée pour savoir à quelle fréquence elle disait faire l’expérience des contrôles de police, quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le contrôle, quelle réaction émotionnelle le fait d’être contrôlée entraînait chez elle. L’étude a confirmé que les contrôles d’identité effectués par les policiers se fon- dent principalement sur l’apparence : non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont, ou paraissent être. Les résultats montrent que les personnes perçues comme « Noires » (d’origine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perçues comme « Arabes » (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont été contrôlées de manière dis- proportionnée par rapport aux personnes perçues comme « Blanches ». Selon les sites d’observation, les Noirs couraient entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques que les Blancs d’être contrôlés au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible à être contrôlée par la police (ou la douane). Les Arabes ont été généralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs d’être contrôlés ; globalement, ils couraient quant à eux entre 1,8 et 14,8 fois plus de risques que les Blancs d’être contrôlés par la police (ou la douane) sur les sites retenus, également au regard de la composition de la population disponible. Les entretiens de suivi réalisés avec les personnes qui venaient d’être contrôlées donnent à penser que les Noirs comme les Arabes subissent d’ordi- naire davantage de contrôles de police que les Blancs. Un autre facteur déterminant a été le style de vêtements portés par les personnes contrôlées. Bien que les personnes portant des vêtements aujourd’hui associés à diffé- rentes « cultures jeunes » françaises (« hip-hop, » « tecktonic, » « punk » ou « gothi- que », etc.) ne forment que 10% de la population disponible, elles constituent jusque 47% de ceux qui ont été effectivement contrôlés. Il ressort de notre étude que l’appa- rence vestimentaire des jeunes est aussi prédictive du contrôle d’identité que l’appa- rence raciale. L’étude montre une forte relation entre le fait d’être contrôlé par la police, l’origine apparente de la personne contrôlée et le style de vêtements portés : deux tiers des individus habillés « jeunes » relèvent de minorités visibles. Aussi, il est probable que les policiers considèrent le fait d’appartenir à une minorité visible et de porter des vêtements typiquement jeunes comme étroitement liés à une propension à commettre des infractions ou des crimes, appelant ainsi un contrôle d’identité. Alors qu’en règle générale, les personnes interrogées ont qualifié de « poli » et de « neutre » le comportement des fonctionnaires qui les avaient contrôlées, et ce quelles que soient leurs origines supposées, à la question de savoir quel effet ce contrôle avait produit sur les intéressés, les Noirs et les Arabes interrogés ont exprimés des sentiments fortement négatifs au regard de celles exprimées par les Blancs, contraste dont la cause possible est la plus grande fréquence à laquelle les membres des minorités visibles disent être contrôlés. * En l’absence de stratégies policières légitimes qui expliqueraient ces contrôles d’identité autrement que par l’apparence des intéressés, les différentes forces de police pratiquent ce que l’on appelle couramment en France le contrôle au faciès (ou, au plan européen, « profilage racial »). Ceci est en contradiction avec la législation nationale française anti-discrimination et le Code de déontologie de la police. Cela contredit aussi les nor- mes européennes sur les droits de l’Homme, qui interdisent les distinctions fondées sur l’apparence uploads/Societe et culture/ une-etude-sur-le-controle-au-facies-a-paris.pdf

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