1 Commentaire d’arrêt Conseil d’Etat 30 novembre 2001 La Commission bancaire, m
1 Commentaire d’arrêt Conseil d’Etat 30 novembre 2001 La Commission bancaire, maintenant l’Autorité Contrôle Prudentielle (ACP) n'a pas la personnalité juridique. Il n'est donc pas possible de retenir sa responsabilité pour les fautes qu'elle aurait commise dans l'exercice de sa mission de surveillance et de contrôle. La responsabilité de l'État peut, en revanche, être engagée. En matière administrative, une faute simple suffit en principe pour engager la responsabilité de l’administration. Néanmoins, il est des cas où est exigée une faute qualifiée dite faute lourde. En l’espèce, un rapport d'inspection est remis à la Commission bancaire le 5 mai 1987 en soulignant la mauvaise situation financière de la Saudi Lebanese Bank et l'urgence du rétablissement de sa solvabilité. Ce n'est cependant que le 6 octobre 1987 suivant que l'autorité bancaire adresse une "lettre de suite" aux dirigeants de l'établissement, les invitant à opérer un assainissement financier et une augmentation de capital de 50 millions de Francs "dans les meilleurs délais". Ensuite la commission décide de réduire de moitié le montant de l'augmentation de capital prescrite, accorde de surcroît à la banque un délai courant jusqu'à fin mai 1988 et continue de négocier avec elle le rétablissement de sa solvabilité. De plus, ignorante de l'existence de documents internes confidentiels faisant état de montages frauduleux entrepris par les dirigeants de la banque, la commission accepte que la recapitalisation soit assurée à hauteur de 25 millions de Francs par un prêt participatif souscrit par les sociétés du groupe Kairouz, actionnaires de la banque, alors même que ces dernières sont endettées auprès de celle-ci. Enfin, le 14 mars 1988, revenant sur les premières exigences qu'elle avait formulées, la Commission bancaire admet que soient analysés séparément et non ensemble, au regard de la réglementation prudentielle, les engagements de la banque sur l'Union nationale SAL et le groupe Kairouz, alors que la première société était une filiale de la seconde. La banque a ensuite fait l'objet d'un redressement judiciaire. Et différents déposants n'ont pas été remboursés de leurs dépôts au 9 mai 1989, date d'ouverture de la procédure. Le juge administratif est ensuite saisi par les déposants, parmi M. Kechichian, en lui demandant de condamner l'État à les indemniser du préjudice subi, à raison des carences de la Commission bancaire dans son activité de police bancaire. Le 7 juillet 1993, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Mais par un arrêt infirmatif du 25 janvier 2000, la Cour administrative d'appel de Paris a condamné l'État à indemniser les déposants, en considérant que toute faute commise par la Commission bancaire pouvait engager sa responsabilité et qu'en l'espèce une telle faute était constituée. Le Ministre de l'économie s'est alors pourvu en cassation. La question qui se pose est de savoir si les juges du fond ont commis une erreur de droit en estimant qu'une faute simple suffit pour engager la responsabilité de l'État à raison de l'activité de la Commission bancaire. Rejetant la solution posée par les juges d'appel, le Conseil d'État affirme que « la responsabilité de l'État pour les fautes commises par la Commission bancaire dans l'exercice de sa mission de surveillance et de contrôle des établissements de crédit ne se substitue pas à celle de ces établissements vis-à-vis, notamment, de leurs déposants. Dès lors, et eu égard à la nature des pouvoirs qui sont dévolus à la Commission bancaire dans sa la responsabilité que peut encourir l'État pour les dommages causés par les insuffisances ou carences de celle-ci dans l'exercice de sa mission ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde » et considère en l'espèce qu'une telle faute existe. Ainsi, le Conseil d’Etat maintien la faute lourde (I) mais il faudra analyser la justification et les limites de cette attendu (II). I : La responsabilité de l'Etat sous la condition d'une faute lourde Selon le Conseil d’Etat, la Cour d’appel administrative de Paris a commis une erreur en considérant que toute faute commise par la Commission bancaire pouvait engager sa responsabilité. Ainsi, le Conseil d’Etat a maintenu l’engagement de la responsabilité de l’état sur la faute lourde (B) en refusant la faute simple (A). 2 A : Tentatives en faveur de la responsabilité pour faute simple Plusieurs décisions du Conseil d’Etat ont admis la suffisance de la faute simple en ce qui concerne la tutelle de l’État sur les centres de transfusion sanguine, surveillance de l’Office national des forêts sur une forêt communale, le contrôle de l’inspection du travail sur le licenciement des salariés protégés, le contrôle par l’ordre des architectes du respect par ses membres de l’obligation d’assurance professionnelle et le contrôle technique des navires. Ce mouvement de recul de la faute lourde n’est guère indiqué en ce qui concerne les activités de tutelle ou de contrôle, soumises au régime de la faute lourde. La démarche du juge demeure principalement inspirée par la volonté de ne pas engager la responsabilité de l'État aux lieu et place de celle des établissements dont les malversations sont les causes premières du dommage. C'est bien ce risque de transfert de responsabilité qu'entend éviter la Cour administrative d'appel de Paris, dans son arrêt du 30 mars 1999 "El Shikh" : le juge se prononce, en premier lieu, non pas sur le caractère fautif du comportement de la commission bancaire, mais sur son lien de causalité direct avec le dommage (en l'espèce les carences alléguées ne constituant pas la cause directe du dommage, la cour écarte la responsabilité de la commission bancaire, ce qui la dispense de qualifier le comportement de l'autorité administrative). Dans le cas présent. les juges de la Cour administrative d'appel de Paris croyaient pouvoir décider de l'abandon, s'agissant de l'activité de la Commission bancaire, de l'exigence de faute lourde, reprenant ainsi la solution de l'arrêt El Shikh qui n'avait pas fait l'objet d'un recours en cassation. Le Conseil d'État a expressément censuré un tel raisonnement. B : Réaffirmation de l’exigence d’une faute lourde Concrètement, la faute lourde est caractérisée en la matière lorsque l'intervention de l'autorité de régulation s'est avérée trop peu contraignante ou insuffisamment diligente au regard de la situation de l'opérateur économique et des risques qu'elle faisait courir à ses clients et cocontractants. Cette solution ne saurait surprendre, dans la mesure où elle était déjà retenue sous l'empire du droit antérieur à la loi du 24 janvier 1984, c'est-à-dire à l'égard de l'ancienne Commission de contrôle des banques (CE, 2 févr. 1960, Kampmann). En l’espèce, la Commission bancaire au regard de son comportement habituel ou normal, son absence de réaction rapide à la suite du rapport d'inspection et son attente avant d'envoyer une lettre de suite, son inaptitude à déceler la fraude pendant la négociation tendant à redresser la banque, et le fait d'avoir négocié un redressement, ne sont pas jugés comme constitutifs de fautes lourdes. Au contraire, son attitude entre octobre 1987 et janvier 1988, spécialement le fait de ne pas avoir réagi avec suffisamment de rapidité, de détermination et de fermeté et le fait d'avoir cédé sur des exigences minimales à l'égard de la banque en cause, révèlent deux fautes lourdes . Il s’agit d’un cas de figure tout à fait similaire à celui d’une décision de Conseil Était du 24 janvier 1964 « Ministre c. Achard et autres », dans laquelle une faute lourde de la Commission de contrôle des banques, la carence à prendre les mesures nécessaires au suivi du contrôle qu’elle avait effectué et qui faisait apparaître que l’établissement se trouvait dans une situation gravement irrégulière. II : La portée de la solution de faute lourde : justification et limites L'objectif de la Haute juridiction est d'assurer ici une limitation des hypothèses dans lesquelles la responsabilité de l'État peut être engagée. En effet, comme l'indique le Conseil d'État, il ne faut pas que la responsabilité de l'État ne se substitue à celle des établissements de crédit vis-à-vis, notamment, de leurs déposants. Selon l’arrêt, la faute lourde dépend de la nature des pouvoir des autorités administratives indépendantes (A). Toutefois, cette précision comporte des limites (B). A : Les difficultés d’exercice et le double nature qui favorise le maintien de faute lourde 3 L’ACP est une autorité administrative indépendante (AAI), sans personnalité morale, qui comprend un collège et une commission des sanctions. Elle exerce lors de sa mission de surveillance, une fonction administrative de régulation (elle est alors une AAI) et ensuite, lors de la mise en œuvre de son pouvoir de sanction, une fonction juridictionnelle qui se transforme ainsi en juridiction administrative. Elle a donc une double nature. En l'espèce, la décision du Conseil d'État est entièrement à approuver, en raison de ses motifs, qui mettent en avant, pour justifier l'exigence de faute lourde, la nature des pouvoirs confiés à la Commission bancaire en tant qu'AAI. La difficulté de la tâche de la Commission bancaire est, comme celle de toute autorité de contrôle, certaine. Dans la présente espèce, la banque a d’ailleurs eu recours à des montages sophistiqués pour tenter de se soustraire à la vigilance de la Commission bancaire. Une telle volonté de fraude peut être uploads/s1/ commentaire-d-x27-arret-conseil-d-x27-etat-30-novembre-2001-i-la-responsabilite-de-l-x27-etat-sous-la-condition-d-x27-une-faute-lourde 1 .pdf
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